Le Mali est le 4ème producteur d’or de l’Afrique. Sa production nationale, selon le rapport du bureau du vérificateur général, pendant la période 2015-2017, est de 143,062 tonnes dont 64,311 tonnes provenant des Sociétés des Mines d’Or de Loulo et Gounkoto (SOMILO SA et GOUNKOTO SA), soit 44,95%. Selon le rapport du Végal, les deux sociétés dont les réserves sont estimées respectivement à 9,8 Millions d’onces, soit 305 tonnes d’or et 4,3 Millions d’onces, soit 134 tonnes d’or, foulent aux pieds les mesures de protection de l’environnement qui est si généreux avec elles. Le ministère de l’environnement est fortement interpelé pour faire respecter les textes.

 

Le rapport de vérification du bureau du vérificateur général sur les recettes et les dépenses ainsi que les aspects environnementaux des exercices 2015, 2016 et 2017 révèle de graves irrégularités environnementales.

Selon ce rapport, la Direction de la SOMILO SA ne respecte pas les modalités de gestion des rejets polluants dans l’atmosphère conformément à l’article 13 du Décret n°01-397/P-RM du 06 septembre 2001 fixant les modalités de gestion des polluants de l’atmosphère. Cet article précise : « Les fumées dégagées par les activités industrielles doivent être canalisées dans l’atmosphère par une ou plusieurs cheminées. Chaque cheminée doit surplomber le toit de l’immeuble le plus élevé du secteur et équipé d’un système d’épuration des gaz, poussières et fumées. Les concentrations des matières particulaires émises dans l’atmosphère doivent être conformes aux normes en vigueur ». Aussi, l’alinéa 2 de l’article 15 du même Décret précise : « les résultats des mesures sont transmis régulièrement au Ministère chargé de l’Environnement accompagnés de commentaire sur les causes des dépassements constatés par rapport aux normes ainsi que sur les actions correctives mises en œuvre ou envisagées ».

La mission sur le terrain a constaté que les cheminées de la centrale électrique et de l’usine de production d’or ne sont pas équipées de système d’épuration de gaz, poussières et fumées. Cela en violation des dispositifs réglementaires ci-dessus. Or, indique le rapport, SOMILO SA, afin de couvrir ses besoins énergétiques, consomme plus de 400 000 litres de gaz oïl par jour. « La combustion du gaz oïl engendre des polluants nocifs au nombre desquels le monoxyde de carbone (CO), le sulfure d’hydrogène (H2S), le dioxyde de soufre (SO2) et des gaz à effet de serre tels que le méthane (CH4) et l’ozone (O3). Les résultats des mesures prises en 2016 au niveau de l’usine, la centrale énergétique, le laboratoire d’analyse et certains incinérateurs de chantier ont prouvé la présence de rejets polluants dont les quantités dans l’atmosphère dépassent les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en vigueur ». Pour illustration, les niveaux de concentration enregistrés dépassant les normes sont présentés ci-dessous en Parties Pour Mille (PPM) :

Au niveau de l’usine : Le Sulfure d’hydrogène (H2S) : 43,37 ppm contre une norme de 15 ppm ; le monoxyde de carbone (CO) : 203,52 ppm contre une norme de 100 ppm.

Au niveau de la Centrale énergétique : Le Sulfure d’hydrogène (H2S) : 28,28 ppm contre une norme de 15 ppm ; le dioxyde de soufre (SO2) : 50,67 ppm contre une norme de 50 ppm.

Au niveau du Laboratoire d’analyse : le monoxyde de carbone (CO) : 167,1 ppm contre une norme de 100 ppm. Par ailleurs, les mesures des rejets polluants issues des incinérateurs de chantier sur le site de Loulo ne sont pas conformes aux normes OMS recommandées.

Outre ce grand mépris pour la santé des populations et l’environnement de façon générale, Somilo SA dissimule ces informations car, ces cas de dépassements de norme enregistrés n’ont pas été communiqués au Ministre chargé de l’Environnement. « Le non-équipement des installations par un dispositif d’épuration de polluants gazeux et le manque d’information régulière des autorités compétentes de l’environnement ne permettent pas la mise en place de solutions partagées pour l’atténuation des effets nocifs des polluants sur la santé des travailleurs et des communautés riveraines de SOMILO SA », souligne le rapport du VEGAL.

Non respecte de toutes les exigences relatives à l’incinération des déchets dangereux par Gounkoto SA

En matière de réglementation en la matière, l’article 23 de la Loi n° 01-020 du 30 mai 2001 relative aux pollutions et aux nuisances dispose : « Tout producteur de déchets dangereux est tenu de faire parvenir annuellement au ministre chargé de l’Environnement, la nature, la quantité et les dates d’élimination des déchets produits ». Et l’alinéa 2 de l’article 30 du Décret n°01-394/P-RM du 06 Septembre 2001 fixant les modalités de gestion des déchets solides indique : « les résidus d’incinération doivent être éliminés dans un lieu d’enfouissement et ne doivent en aucun cas être utilisés dans les activités agricoles ».

La mission de vérification a constaté, selon le rapport, que les résidus (cendres) issus de l’incinération à Gounkoto sont déversés dans des cellules de confinement. « Cependant, la cellule en cours de remplissage reste ouverte durant tout le temps de son remplissage qui peut durer un an voire plus. Ainsi, les cendres sont non seulement transportées dans l’air ambiant lors de leur déversement dans la cellule mais également durant tout le temps que la fosse reste ouverte. Ce qui entraine la contamination du milieu ambiant et des travailleurs présents sur le site », précise le rapport.

Pour dissimuler ces manquements préjudiciables à la bonne santé des communautés et de l’environnement, la Direction de Gounkoto SA, ne fait mention, dans les rapports produits et envoyés à la Direction Régionale de l’Assainissement, du Contrôle des Pollutions et des Nuisances (DRACPN) de Kayes, aucun cas sur la nature, la quantité et les dates d’élimination des déchets dangereux incinérés. « Le non-respect de toutes les mesures de sécurité relatives à l’incinération des déchets dangereux et à la gestion de leurs résidus expose le personnel à des risques de contaminations graves », écrit le rapport.

Gounkoto SA et Somilo SA ne font pas de reboisements compensatoires et des réhabilitations requis

Selon le rapport du VEGAL, pour une superficie réhabilitable de 713,5 ha sur un total de 836,5 ha affectés par les activités de production de Gounkoto SA, seulement 36,6 ha ont été réhabilités, soit 5,13% en neuf années d’activités. La mission a également constaté qu’aucune action n’a été entreprise dans le cadre du reboisement compensatoire au bénéfice des communautés riveraines de la mine. Ce qui affecte dangereusement l’écosystème du site minier.

Même attitude chez Somilo SA qui, pour une superficie réhabilitable de 1127,73 ha sur un total de 1 282,03 ha affectés par les activités de SOMILO SA, seulement 189,25 ha ont été réhabilités, soit 16,78% en 15 années d’activités. Et cela en violation flagrante des dispositions réglementaires notamment : l’alinéa 2 de l’article 124 de l’Ordonnance n°91-065/P-CTSP du 19 septembre 1991 portant Code Minier en République du Mali qui dispose que : « Le titulaire du titre minier est tenu de réparer tout dommage causé à l’environnement et aux infrastructures au-delà de l’usage normal ». Et l’article 31, chapitre 1 du titre 3 relatif à la gestion du domaine forestier national de la Loi n°95-004/AN-RM du 18 janvier 1995 fixant les conditions de gestion des ressources forestières qui dispose que : « Toute personne physique ou morale ayant entrepris des travaux de prospection, de construction ou d’exploitation dans le domaine forestier est tenue de remettre les lieux en état ou d’effectuer des travaux compensatoires au profit du propriétaire du domaine ».

Que va-t-il rester après la fermeture de ces deux sociétés minières sur le plan environnemental ? La question inquiète les environnementalistes. C’est pourquoi, le département en charge de l’environnement est interpellé à faire respecter les textes réglementaires pour protéger l’environnement.

D. T. Konaté

Source: L’Investigateur