La mendicité est en passe devenir une industrie dynamique, innovatrice et créatrice d’emplois directs ou indirects. Jadis réservées aux personnes souffrant d’handicaps, aujourd’hui, des personnes bien portantes s’y adonnent à cœur joie. La mendicité est un métier qui se pratique en haillons, en costard-cravate, en bazin, et même en famille, ouvertement ou déguisé. Au feu de Garantiguibougou, une dame visiblement loin de la ménopause, écouteurs aux oreilles et scotché sur l’émission « Baronie », a accepté d’échanger avec nous sur son métier, après un geste de générosité et de sympathie envers ses enfants.

InfoSept : Bonjour madame, pouvez-vous vous présentez, et qu’est-ce que vous faites ici ?

Bonjour ! Je suis …………… (Nous la surnommons dame X), je viens de la région de Ségou. Je suis à Bamako cela va faire bientôt 10 ans. Je suis mère de jumeaux dont le père est dans la nature. Par faute de moyens, j’ai préféré la mendicité que le raccourci emprunté par certaines femmes. Comme je n’ai pas de soutien, je suis obligée de venir mendier pour me nourrir et nourrir mes enfants, en espérant sur la providence qu’un jour une bonne volonté veuille bien m’aider.
Est-ce que votre famille sait ce que vous faites à Bamako ?
Oui ! Certains parents viennent me rendre visite souvent. J’ai de même une grande fille qui est mariée. Mais, vous savez, quand on est dans une extrême pauvreté, personne ne peut aider son amie. Donc, je ne leur en veux pas. Ma fille n’aime pas ça. Mais, elle – aussi, n’a pas les moyens de m’aider.
Combien est-ce que vous gagnez par jour et est-ce que cela vous permet de vous nourrir ?
(Rires) Par la grâce de Dieu, par jour, je peux gagner jusqu’à 2000 F CFA, surtout les vendredis. Cet argent me permet juste de nous nourrir. Pour les habits, c’est des personnes de bonne volonté qui nous donne souvent certains habits. Je suis obligée de mélanger un peu de tout, pour ne pas avoir froid.
Qu’est-ce que vous avez à dire aux personnes qui pensent que votre activité consiste à exploiter les enfants?
Mendier, pour certaines personnes, c’est quelque chose de déshonorant voire malsain. Tout le monde n’a pas les mêmes chances dans la vie. Et, on ne sait pas ce que le bon Dieu nous réserve. Donc, que les gens arrêtent ! Elles peuvent se rapprocher de nous pour savoir ce qui nous pousse à mendier. Elles nous disent qu’on peut aller travailler. Regarde-moi, est-ce que tu penses que, quelqu’un accepterait de me donner du travail avec mes enfants, j’ai même tenté de faire du porte à porte pour chercher des habits à laver mais sans succès. Elles disent aussi qu’on peut monter un petit commerce nous-mêmes, dit-elle les larmes aux yeux. Mais, Dieu est grand !
Les autorités élaborent des projets en longueur de journée, pour lutter contre la pauvreté. Est-ce que tu as déjà vu une de ces actions mentionner le nom des mendiants ? Nous sommes des laissés pour contre, les déchets de la société. Si nous sommes dans la rue, c’est parce que nous n’avons aucune ressource et aucun soutient. Je pense qu’au Mali, on s’occupe plus des ordures que des mendiants.
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La mendicité est un fléau dans nos rues, malgré qu’elle soit officiellement interdite, la mendicité prend de plus en plus de l’ampleur. De nos jours, il est très difficile de se promener dans la capitale malienne sans croiser un mendiant. Ce phénomène devient inquiétant pour les maliens au regard de son évolution dans la société. Autrefois, certains voyaient la mendicité à travers son aspect éducatif. Elle avait été instituée pour inculquer une certaine endurance, l’humilité, la modestie. D’autres y voyaient, une dimension traditionnelle et religieuse, mais, aujourd’hui, la réalité est toute autre.
Sans encadrement et laissées à eux-mêmes, ils finissent par devenir des voyous, des délinquants et des voleurs.
Il faut noter que la problématique de la mendicité est très complexe car pour nombreuses personnes, elle est une émanation de la religion et des traditions multiséculaires qu’il convient de respecter. Alors que certains n’osent pas montrer leur visage tellement ils ont honte de demander l’aumône, d’autres emploient des moyens forts pour avoir le maximum d’argent, à savoir afficher un faux handicap, voire même louer un petit garçon ou une petite fille, car les gens ont tendance à donner plus d’argent quand ils voient que le mendiant à une famille à nourrir.
Le nombre de mendiants professionnels connaît une forte hausse dans les grandes villes. Si vous essayez de prendre une consommation calmement à n’importe quelle heure, ça sera raté car ils ne vous laisseront pas tranquille. «Je veux bien donner de l’argent juste pour qu’on me laisse tranquille, mais dès que je donne à l’un d’eux il y a tout le gang qui se ramène», déclare Zahara, commerçante. «Il est devenu impossible de passer une journée sans être interpelé par quelqu’un dans la rue, moi je ne fais pas confiance car ils en font un métier maintenant, et j’ai toujours dit que la personne qui a le plus besoin d’aide ne tendra jamais la main, mais ira plutôt trouver un travail car ce n’est pas facile de demander de l’aumône», explique Fousseini, gérant d’une station d’essence.

«Tendre la main est mieux que mourir de faim, je n’arrive pas à trouver un travail et je n’ai pas de chômage, et la dernière chose que je peux faire est faire le trottoir, donc je n’ai pas trop le choix, j’ai une famille à nourrir», explique Awa, mendiante et mère de 4 enfants qui l’accompagnent partout.
L’absence de travail, d’indemnité de chômage ou d’un salaire fixe sont les causes principales de ce phénomène.

Ces personnes donnent une mauvaise perception de notre pays, nous avons beau essayer de dégager une bonne image à travers les publicités et les événements que nous organisons, mais tant que nous ne trouverons pas de solutions à cela, rien ne changera.
Propos recueillis par Mahamadou YATTARA

Source: Infosept