Le commerce du poisson de mer ou « glaci dieugueni » « sénégal dieugueni » ou « frigo dieugue », comme la population aime si bien les appeler, est très florissant. En tout cas, à voir le nombre de boutiques installées dans les marchés ou aux alentours, il est évident que les acteurs de ce marché se frottent les mains. La raison ? Acheter nos poissons locaux d’eau douce est devenu un luxe que toutes les bourses ne peuvent se payer. Ils sont si chers que la population est obligée de se ruer sur les poissons importés du Sénégal, de la Mauritanie, du Maroc ou de la Chine. Ces poissons sont de plusieurs variétés : « Sacha, tilapia,  milieu, lucia, thon, mademoiselle, pageot, merluza, buro,  gari etc. » Toutes ces espèces entrent dans la préparation de nos plats.

 

Le marché de « Sougounikoura » est le lieu où se ravitaillent la plupart des revendeurs de poissons de mer. Ici, stationnent les camions de bananes plantains. Devant, des magasins qui ne vendent que du poisson de mer. Ils sont tous dotés de chambres froides. Ce sont des magasins uniquement de grossistes. Ils commencent leur travail à 5h du matin, pour finir entre 18h et 20h. Pour être le premier servi, il faut se réveiller tôt. Les revendeurs, par ordre d’arrivée, font le rang. Mohamed Tounkara est un des grossistes qui nous a dévoilé qu’ils confectionnent des tickets pour les revendeurs. La clientèle, principalement composée de femmes, est en file indienne devant le magasin. Le grossiste peut écouler 40 à 50 cartons par jour. Le prix d’un carton de poissons varie, entre 10.400 et 18.000 Fcfa. Ses poissons viennent du Sénégal, de la Mauritanie et du Maroc. Awa, une jeune dame, se trouvait devant ce magasin. Elle attendait qu’on emballe les cartons qu’elle venait d’acheter. Pour cette dernière, le choix de ces poissons n’est pas  gratuit. « Ils sont moins chers, contrairement à nos poissons locaux. En plus, ils s’écoulent très rapidement » a-t-elle confessé.

Juste à côté, un magasin plus grand que celui de notre premier interlocuteur. Ici, nous sommes chez Boucary Aya qui en est à sa septième  année d’activité. Comme Mohamed Tounkara, il est fourni par les mêmes pays. Mais à ceux-ci, s’ajoute la Chine. Assis un peu en retrait, il a la main droite remplie de bouts de papier blancs. A notre demande, il explique que c’est pour identifier le nombre de cartons de poissons sortis ou vendus. Dans ce magasin, se trouve une grande chambre froide où sont stockés les différents poissons. Il a confié qu’il vend seulement en gros et que ces principaux clients sont les femmes qui revendent en détail, dans le marché. Boucary Aya peut vendre 500 à 750 à cartons par jour. Le prix des cartons commence à partir de 9.000 Fcfa.

Devant ces magasins, s’est formé un vrai marché de poissons. Plusieurs femmes sont assises, çà et là, devant des cartons de poissons. Elles n’ont pas d’étals ni sur quoi déposer leurs marchandises. Elles sont assises à même le sol et les cartons, devant elles, entrouverts. Dès qu’elles voient un potentiel client s’approcher, elles commencent à le héler : «  venez ici, y’a des poissons très très frais » ou « ma belle ! Vient, je te les cède à bon prix » ou « ne ya a bila a dala » (Je vous le cède à prix coûtant ).

Une d’entre elles, qui n’a pas voulu nous dire son nom, a déclaré faire ce commerce depuis, presque, 20 ans. « C’est un commerce florissant », a t-elle reconnu, avant d’indiquer qu’elle peut finir de vendre ces cartons, avant le petit soir. Notre interlocutrice peut prendre, chaque jour, 3 à  4 cartons. Elle vend le kilo à partir de 1.300 Fcfa.

Une dame, qui se tenait devant elle, avec un sachet noir, nous lança, sans être interpellée : « Hum, on ne peut que se contenter que de ces poissons venus d’ailleurs. Ils sont moins chers et on peut en trouver partout », confirmant ainsi l’engouement pour ces espèces de mer. « Regardes », dit-elle, en nous montrant des Tilapia, « ces poissons ressemblent à ceux que nous avons. Je les préfère pour faire mes poissons braisés. Avec ça, je peux avoir beaucoup et à moindre coût, contrairement à nos poissons. A seulement 2.500 Fcfa, j’ai pu en avoir une grande quantité ».

Au niveau de la gare ferroviaire, deux grandes boutiques sont contiguës. Elles vendent, toutes, la même chose. Mais la première est plus grande que la seconde. Elles font, toutes, du gros et du détail. Contrairement aux vendeurs du premier marché, ces boutiques ont à la place des chambres froides, de gros congélateurs. Sous un grand hangar, devant la première boutique, des hommes en uniforme bleu se tenaient devant une grande table. Chacun tenait un poisson, dans sa main protégée par un gang rouge. Avec de gros couteaux, ils dépeçaient les poissons. Un autre, à côté d’eux, était occupé à laver les récipients qui servent à récupérer les poissons retirés des frigos. Il était presque 8 heures, mais le gérant n’était pas encore en place.

A la seconde boutique, c’étaient de jeunes garçons, autour d’une table moins grande. Une dame en complet wax est assise, tout en faisant face aux jeunes qui préparaient ses poissons. Avec sa pochette accrochée autour de la taille, elle avait l’air d’une vendeuse. De temps à autre, elle leur donnait des directives. « Pour celui-ci coupez le en trois parts et pour celui-là en 4 parts », lançait-elle. Durant une vingtaine de minutes, les deux jeunes dépeçaient, coupaient et déposaient les poissons dans des paniers. Les deux récipients ont été finalement remplis, au grand bonheur de la dame en Wax. Elle nous confiera, par la suite, que chaque matin, c’est ainsi car elle détient un étal au grand marché. Elle n’y vend que de l’attiéké. Pour son commerce, elle achète, chaque jour, deux cartons de poissons pour faire accompagner l’attiéké. Elle témoigna que c’est uniquement ces poissons qu’on peut vendre à petit prix. C’est-à-dire à partir de 100 Fcfa. « Avec nos poissons locaux, c’est impossible de les céder à ce prix-là », a-t-elle dit, avant d’ajouter qu’elle n’ose même pas approcher ces vendeurs de poissons d’eau douce. Cette brave dame, qui a le monopole de la vente de l’attiéké dans le coin, avoue ne manger que ces poissons de mer, dans sa propre maison.

Le gérant de cette boutique, Ibrahim Cissé, dit que son établissement ouvre depuis 7 heures.  A cette heure, déjà, les clients ne manquaient pas. Mais, c’est aux environs de 14 heures et au-delà, qu’il y a beaucoup de monde. Selon le gérant, sa boutique dispose de plusieurs variétés de poissons. Mais les plus vendus sont les tilapia, sacha et pageot. Il a indiqué que sa principale clientèle est constituée de restauratrices. La petite clientèle ne manque pas, non plus. Les cartons sont cédés de 12.000 à 18.000 Fcfa, selon la qualité du poisson. Le kilo varie entre 1.000 et 1.500 Fcfa. Par jour, notre gérant peut empocher 300.000 Fcfa de recette. Il offre à ses clients la possibilité de garder leurs poissons dans ses frigos. Mais pour un délai bien déterminé. Au-delà, le service est payant a raison de 100 Fcfa par kilo.

Au marché de Boulkassoumbougou, Daouda Traoré a aménagé un endroit pour vendre les poissons de mer, en plus de ses autres produits. Il témoigne que sa clientèle a doublé depuis lors. En effet, devant son commerce, les clients ne manquent pas. C’est pour cela qu’il a, même, fait venir ses frères pour l’appuyer. Pour le poisson, Daouda Traoré peut rentrer, tous les soirs, avec 100.000 ou 150.000 Fcfa. Il dit que sa clientèle est, principalement, composée de femmes de ménage. Notre interlocuteur s’approvisionne chez des grossistes. Il dit exiger de ses fournisseurs la qualité, faisant toujours de sorte d’éviter qu’on lui fourgue des poissons qui ont mis du temps sur la route avant d’arriver au Mali et risquent de perdre leur fraicheur.

« Pour toutes mes sauces, j’utilise ces poissons », a confié une femme de ménage, Fanta Traoré, rencontré dans ce marché. « Pour le riz au gras, je fais pareil. Mais j’ai une astuce pour que mes sauces soient plus succulentes, j’ajoute à ces poissons, nos poissons frais ou fumés », a-t-elle dit.

«Le pageot, le buro, le maquereau, le capitaine rouge, le vivaneau et le sacha » sont les espèces de poissons de mer que Abdouramane Kodio vend au marché de Missabougou. Vêtu d’un pantalon jeans et d’un t-shirt marron, de taille moyenne, Abdouramane Kodio nous a confié qu’il fait ce métier, depuis 10 ans. Ses poissons sont importés du Sénégal, du Maroc et de la Mauritanie. Selon le  trentenaire, c’était un commerce bénéfique mais les gains se sont réduits aujourd’hui. Il explique que cela est dû au fait que les prix à l’achat ont augmenté. Mais, aussi, par le fait que les fournisseurs sont devenus, également, des grossistes. « Avant, le camion était livré aux grossistes maliens qui donnaient en gros aux détaillants. Mais, maintenant les fournisseurs donnent« eux-mêmes» en gros aux grossistes et détaillants locaux à un prix extrêmement cher », a argumenté Kodio.  « On achète le carton à 22.000 Fcfa qui était vendu, auparavant, à 12.000 ou 13.000 Fcfa. En plus de cela, le compte n’y est pas toujours. Un carton, qui pèse 20 kg, quant on l’ouvre, c’est parfois 18, 12 ou même 8 kg qu’on trouve là-dedans », a-t-il fait savoir. Abdouramane a souligné qu’ils sont nombreux dans ce métier, ce qui, selon, en réduit le gain quotidien.

A ceux-ci s’ajoutent les petites détaillantes qui vendent dans des assiettes. Celles-ci, contrairement aux autres, n’ont pas de place fixe. Elles se promènent dans le marché et cèdent leurs poissons à partir de 100 Fcfa l’unité. Des fois, c’est par tas. Il faut préciser que ces poissons sont des « casses », c’est à dire, les restes de poissons ou des invendus. Même si les vendeuses ne veulent pas l’admettre, elles gagnent, aussi, leur pain quotidien dans ce business.

FN/MD

(AMAP)