Si la destruction de la forêt est plutôt contrôlée dans les mines conventionnelles, sur les sites d’orpaillage traditionnel la situation est autrement plus dramatique

 

À un jet de pierre de la piste d’atterrissage précaire des avions miniers qui font la navette deux fois toutes les semaines, il y a un gros site d’orpaillage. Ici, jeunes femmes et hommes travaillent côte à côte. Les uns concassent la pierre, les autres vendent des aliments ou tamisent la terre brute. Une centaine de puits sont alignés sur un filon découvert depuis peu. La grosse bourgade de Kéniéba est située à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau. Les questions environnementales liées à l’exploitation de l’or ne préoccupent guère les orpailleurs. De l’or, de l’or et de l’or ! De gros tas de troncs d’arbres sont stockés çà et là. Les arbres sont coupés jusqu’à la racine pour sécuriser les parois de ces puits profonds de plus de 100 mètres pour certains.
Les produits chimiques utilisés par les orpailleurs restent dans les eaux boueuses qui coulent comme une rivière sur un site d’orpaillage. «Nous payons de l’argent au service des eaux et forêts pour utiliser les troncs d’arbre et pour creuser nos puits», affirme un jeune orpailleur qui dit être le chef d’une équipe qui dispose d’une machine à broyer et quelques outils entretenus par un forgeron délocalisé sur le site. «Il fait de bonnes affaires ici. Les pelles, pioches et marteaux sont réparés chez lui», confie Seydou, un ressortissant guinéen.
Les critiques les moins acerbes avancent que la rivière Falamé montre des signes de toxicité alarmants. C’est peu dire pour celui qui a déjà visité certaines zones aurifères dans notre pays. Les sites se sont multipliés à la faveur d’un laxisme observé dans le contrôle et la gestion des nuisances. Au fond, tous les orpailleurs le diront : les fonctionnaires de l’État en charge de l’application de la réglementation entretiennent un échange de bons procédés avec les chercheurs d’or majoritairement composés de Burkinabé et de Guinéens. «Quand la Gendarmerie nous interpelle, nous payons et nous recommençons», chuchote un orpailleur.
À la Préfecture, on évoque le manque d’effectif et de moyens pour permettre aux forces de l’ordre de prévenir les dérives des orpailleurs. Du coup, sur le plan de la gestion de l’environnement, le préfet Idrissa Kané ne cache pas son inquiétude. Il sait que les arbres sont illégalement coupés. Il sait aussi que les terres sont polluées par les mines. Le chef de l’exécutif local dénonce à demi mot la complicité de certaines notabilités qui encouragent la coupe du bois et l’utilisation des produits dangereux pour la santé humaine.
Pour l’administrateur, il est impératif que les populations comprennent que l’avenir de tous dépend de notre comportement d’aujourd’hui. Le fait de couvrir les activités illégales peut rendre riche, mais grève l’avenir des jeunes générations. Le préfet prend l’exemple des opérations ponctuelles de lutte contre le dragage sur les cours d’eau. «Il se trouve que les leaders communautaires eux-mêmes avertissent les contrevenants des missions», regrette-t-il.

MANQUE DE MOYENS- Pour le capitaine Modibo Sountoura, chef de cantonnement des Eaux et Forêts, il n’y a pas de soucis majeurs. Les premiers ennemis de la forêt, de son point de vue, sont la coupe du bois, l’exploitation du charbon de chauffe et l’incendie. La chasse n’est pas très développée. Or, poursuit-il, la coupe du bois et la vente de charbon n’intéressent personne dans cette zone où l’on roule sur l’or. Cette structure de répression est paradoxalement dépourvue de moyens. Pas un seul véhicule de patrouille. Une épave de 4×4 est mise sur cale depuis belle lurette après de très longues années de bons et loyaux services. Depuis, rien.
Les agents des eaux et forêts ne s’alarment pas sur l’état de la faune et de la flore. Dans la brousse, note le capitaine, on trouve encore beaucoup de singes dont une partie a été délocalisée par les mines, tout comme les phacochères, les antilopes et les hippopotames. Dans la famille des reptiles, il cite les boas, les varans, les caïmans. Côté oiseaux, il note la présence des pintades sauvages, des perdrix, des outardes et des calaos.
La plupart de ces animaux migrent entre le Mali et les pays voisins comme le Sénégal et la Guinée. Contrairement au gardien de la forêt, le 3è adjoint au maire de la Commune de Kéniéba, Idrissa Bah, lui, tire sur la sonnette d’alarme. Il explique qu’une bonne partie de la forêt est occupée par des sites d’orpaillage et qu’aucune mesure de préservation de l’environnement n’est respectée. Les arbres sont quotidiennement abattus pour la cuisine ou encore pour les besoins de fixation des parois. «Les produits utilisés sont interdits, mais les services de répression n’ont pas les moyens humains nécessaires pour faire appliquer la loi», regrette l’élu local.
Du côté des mines régulières, on assure que la situation est sous contrôle. Elles ont des montagnes de déchets, stockées à ciel ouvert. Les mares artificielles des eaux contaminées sont protégées par des barbelés. Les populations craignent que la nappe souterraine ne soit déjà contaminée. Mais à ce jour, aucune étude scientifique n’a prouvé le niveau de nocivité des eaux. Les mines qui font le défrichement payent des taxes et compensent les dégâts en reboisant. Donc, rien de vraiment alarmant à ce niveau selon le patron local des eaux et forêts.

Envoyé spécial Ahmadou CISSÉ

Source : L’ESSOR