Selon le rapport du Vérificateur général, la multinationale Rangold doit à l’Etat malien 60,5 milliards CFA, à titre de dividendes et d’impôts sur le bénéfice. Une somme, que Rangold peine à verser au Trésor public malien depuis trois ans.

 

Société de droit malien, créée le 31 décembre 1999, la Société des Mines d’or de Loulo (SOMILO-SA) dispose d’un capital de 2,13 milliards CFA ; tandis que la Société des Mines d’or de Gounkoto (GOUNKOTO-SA) est une société anonyme de droit malien, créée le 31 décembre 2010.
Si la première a pour but l’exploitation des gisements de Loulo et de tout autre gisement, dont les droits d’exploitation lui seraient conférés, la seconde, elle, est chargée de l’exploitation des gisements de Gounkoto.
Les ressources minérales totales de SOMILO-SA s’élèvent à 11,94 millions d’onces d’or, dont 9,51 millions sont dans les catégories mesurées, alors que celles de Gounkoto-sa se chiffrent à 4,1 millions d’onces d’or.
Effectuée dans ces deux sociétés, la mission de vérification du Bureau du Vérificateur général vise à examiner les conventions minières. Elle porte sur les opérations de recettes et de dépenses durant les exercices 2015, 2016 et 2017.
Le constat alarmant. Selon le rapport du Vérificateur général, les irrégularités financières sont estimées à 60,5 milliards CFA. Elles sont de deux ordres.
D’abord, la retenue de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux

Non versement de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux d’un montant de 294,7 millions CFA

Afin de s’assurer du prélèvement et du reversement effectif de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, conformément à la loi n°06-067 du 29 décembre portant code général des impôts, les enquêteurs du Vérificateur général ont demandé à Gounkoto-sa de leur fournir la preuve du paiement de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux prélevé sur ses prestataires étrangers.
C’est sur la base des données, fournies par le grand livre, du journal fournisseur et de la comptabilité de Gounkoto-sa, que les enquêteurs du Vérificateur ont constaté que le directeur général de Rangold Resources Limited n’a pas procédé à la retenue de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux auprès de ses fournisseurs étrangers non couverts par une convention de non double imposition.
Selon le rapport du Vérificateur général, le montant total des impôts non retenus sur les bénéfices industriels et commerciaux, évalué sur la base du taux légal, s’élève à 294,7 millions CFA.

 26 milliards CFA dividendes non versées à l’Etat malien par Somilo-sa

« La mise en paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximum de neuf mois, après la clôture de l’exercice. Ce délai peut être prorogé par le président de la juridiction compétente ».
Ainsi, le Bureau du Vérificateur général a constaté que le conseil d’administration de Somilo-sa n’a pas, à l’expiration du délai, autorisé le paiement de dividendes à ses actionnaires, en particulier à l’Etat malien depuis 2005, date de sa première production. Alors que la société réalise, chaque année, des bénéfices, dont le montant cumulé, en fin 2007, est de 357 milliards CFA.
Les dividendes dues, selon le rapport du Vérificateur général, à l’Etat malien s’élèvent – respectivement pour les exercices 2015, 2016 et 2017 – à 2,04 milliards CFA, 59,8 milliards CFA et 69,1 milliards CFA. Soit, un total de 131 milliards CFA.
Sur ce montant, indique le rapport, les 20%, soit 26 milliards CFA devraient être versés à l’Etat du Mali au titre des dividendes dues.
Plus grave encore, les enquêteurs du Bureau du Vérificateur général constatent que les états financiers de Somilo-sa contiennent deux emprunts sans justificatifs. Ils émanent, tous deux, des prêteurs ou de Somilo-sa elle-même. Il s’agit d’un emprunt de 305 millions CFA contracté auprès de l’Etat du Mali et d’un autre de 150 millions CFA de Rangold Resource Limited.
« Les intérêts de ces deux emprunts sont, respectivement, 1,08 milliards CFA pour l’Etat et 540 millions CFA pour Rangold Resource Limited. Soit, un total de 2,08 milliards CFA.
« Les intérêts de ces deux emprunts n’ont aucun fondement juridique », précise le rapport. Donc, ajoute-t-il « ne sont pas dus ».

Le directeur général de Rangold a payé des intérêts irréguliers sur des contrats d’emprunts irréguliers d’un montant de 31,9 milliards CFA

« La mission a constaté que le directeur général de Rangold Resource Limited a passé des contrats d’emprunts irréguliers avec Rangold Resource Limited sur lesquels il a payé des intérêts irréguliers d’un montant de 31, 9 milliards CFA », dit le rapport. Or, déplore-t-il, les conventions de prêt, objet de ces intérêts, devraient être décidées, seulement, par les administrateurs de l’actionnaire non prêteur, en l’occurrence, les administrateurs représentant le Mali, deuxième actionnaire de la société.
Ce qui, déplorent les enquêteurs, n’a pas été le cas. Car, arguent-ils, ces deux contrats ont été établis et signés, exclusivement, par le directeur commercial et des opérations financières et le directeur financier, tous des administrateurs représentant Rangold Resource Limited dans les conseils d’administration, ayant demandé les accords d’emprunts du 04 août 2004 et du 1er janvier 2007.
« Ainsi, le montant de 31,9 milliards CFA est irrégulier en application des dispositions de l’article 440 de l’acte uniforme », conclut le rapport.
Avec de telles pratiques en cours à Rangold Resource Limited, l’Etat malien aura perdu, ces dernières années, 60,5 milliards CFA. Un pactole qu’il peine à encaisser depuis trois ans.
Oumar Babi

Source : Canard Déchaîne