Le Bureau du Vérificateur Général (BVG) vient de rendre public son rapport 2018, qui a été remis officiellement au président de la République. Ce document fait la part belle à la vérification dans le secteur de la Santé, notamment le  CHU Hôpital Gabriel Touré et la Pharmacie populaire du Mali (PPM).  La vérification a relevé d’énormes manquements et insuffisances dans ces services sociaux très sollicités. A titre illustratif, au Département de la Pédiatrie du CHU Gabriel Touré, il n’existe que trois couveuses sur un besoin de 60 et aucun respirateur pour nouveaux-nés n’est disponible. Toute chose qui justifie le taux élevé de décès (24%) des nouveaux nés, soit 96% de l’ensemble des décès de l’hôpital en 2017. La même année, il a été recensé plus de 5 millions de médicaments périmés à la PPM.

 

selon le Vérificateur Général, Samba Alhamdou Baby, le présent rapport annuel comporte les synthèses des dix rapports des vérifications conduites au titre de l’année 2018 et qui se répartissent entre les vérifications de suivi des recommandations formulées par de précédents travaux, les vérifications de performance et les vérifications financières.

Le choix porté sur les missions de suivi de recommandations vise à s’assurer que les faiblesses décelées par les vérifications antérieures ont été corrigées et que les services concernés se sont inscrits dans une dynamique d’amélioration continue.

Ainsi, sur la base des vérifications de suivi de recommandations effectuées en 2018, il est difficile de conclure à des résultats entièrement satisfaisants compte tenu de l’importance de chaque recommandation dans le fonctionnement régulier des entités auditées.

Bien que des progrès significatifs restent à faire pour certains, d’autres affichent des résultats encourageants et le taux de « recommandations entièrement mises en œuvre » positive cette tendance.

En ce qui concerne les vérifications de performance, elles ont porté sur des entités qui touchent directement le bien-être et la vie des citoyens.  Les deux vérifications de performance réalisées dans des structures de santé nous indiquent, malheureusement, que les niveaux d’efficacité et d’efficience relevés sont en deçà des objectifs contenus dans la politique nationale de Santé qui visent la fourniture de services répondant aux besoins quotidiens et vitaux de la population. La sensibilité des activités auditées incline à réserver un traitement particulier à ces services publics, objet des vérifications.

S’agissant des vérifications financières de l’année 2018, elles sont entièrement issues des saisines reçues des citoyens, matérialisant ainsi l’intérêt que le BVG accorde à leurs préoccupations. Les missions effectuées dans ce cadre auprès d’une collectivité territoriale et d’un établissement public, au regard des irrégularités financières et budgétaires décelées, attestent la pertinence desdites saisines. Sur ce point, les irrégularités susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale et à la législation budgétaire et financière seront dénoncées et transmises au Procureur chargé du Pôle Economique et Financier compétent et au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême, conformément aux dispositions de la loi qui institue le Vérificateur Général.

Les vérifications de performance ont concerné la gouvernance et la gestion administrative du Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Touré ; le système de mise à disposition des médicaments aux clients de la Pharmacie Populaire du Mali.

Les vérifications financières ont porté sur  les opérations de recettes et de dépenses de la Commune Rurale de Baguineda-Camp ; les opérations de recettes et de dépenses des Aéroports du Mali.

Les missions de suivi des recommandations ont fait ressortir un taux global de mise en œuvre de 61%. Ce taux moyen cache des disparités d’une structure à l’autre au regard des efforts déployés pour corriger les lacunes initialement constatées.

Un faible taux de mise en œuvre des recommandations

Ainsi, à la Direction Régionale du Budget de Kayes, le niveau de mise en œuvre global des recommandations de 57% est jugé moyennement satisfaisant. Toutefois, il a été relevé l’inexistence de manuel de procédures et la non-adaptation du cadre organique sur lesquelles il est souhaitable d’attirer l’attention de la hiérarchie en vue d’adapter son organisation et son fonctionnement aux nouvelles attributions qui touchent la gestion des Collectivités Territoriales et accroître l’efficacité de ces activités.

Concernant l’Université de Ségou, la gestion financière n’a pas connu d’amélioration notable depuis la vérification initiale de 2013, avec un taux de mise en œuvre de 33%, plus faible taux enregistré sur les six vérifications de suivi effectuées.

Cette situation ne donne pas l’assurance que les ressources de l’Etat sont bien utilisées pour faire face à la croissance des effectifs d’étudiants dans l’Enseignement supérieur et à l’insuffisance des capacités d’accueil et d’encadrement. Toutes choses qui ont justifié la création de cette Université.

Concernant les vérifications de performance au CHU Gabriel Touré, la gouvernance actuelle souffre d’une insuffisance tant dans la composition que dans le fonctionnement de ses organes de gestion (Conseil d’Administration et Comité de Direction) et de consultation (Comités Consultatifs). Cette situation est aggravée par la faiblesse du plateau technique.

A titre illustratif, au Département de la Pédiatrie, il n’existe que trois couveuses sur un besoin de 60, et aucun respirateur pour nouveaux-nés n’est disponible. Toutes choses qui justifient le taux élevé de décès de 24% des nouveaux nés, soit 96% de l’ensemble des décès de l’hôpital en 2017.

Aussi, au niveau du Laboratoire d’analyse de ce même hôpital, sur 81 types d’examens réalisables, il n’en effectue que 20, pour cause de manque de réactifs, de pannes d’appareil et d’absence de personnel qualifié. Au demeurant, la gestion de cet hôpital, qui reçoit le plus grand nombre de patients au Mali et accueille près de 90% des cas d’urgence de Bamako, nécessite des mesures impératives de la part des autorités socio-sanitaires afin de permettre aux citoyens de bénéficier de prestations de qualité.

Non respect des délais de distribution en violation du guide de bonne pratique

A la Pharmacie Populaire du Mali (PPM), le système de mise à disposition des médicaments, tel qu’il ressort de la vérification effectuée, affiche un manque de performance inquiétant. En effet, les délais de délivrance des certificats d’analyse des médicaments, avant leur distribution, peuvent atteindre parfois 472 jours, soit plus d’une année, pour un délai réglementaire moyen de huit jours. Il en résulte que des médicaments non certifiés sont mis à la disposition des centres de santé avec tout ce que cela comporte comme risques pour la vie des citoyens maliens.

En outre, concernant les magasins de stockage et de conservation des médicaments, il n’est pas rare de voir qu’à Bamako et Koulikoro, des produits périmés soient exposés à côté de ceux en cours de validité et, plus grave, il a été recensé en 2017 plus de 5 millions de produits périmés d’une valeur de 1,14 milliard de FCFA, sans qu’aucune disposition de destruction ne soit entreprise.

Le stockage des produits ne garantit pas une bonne conservation. Elle n’applique pas la procédure de stockage et de rangement des produits pharmaceutiques. En effet, les cartons sont collés aux murs et empilés. Dans certains cas, la hauteur d’empilement dépasse 4 m, contrairement aux procédures internes qui plafonnent la hauteur à 2.5 m.

A Bamako et Koulikoro, des magasins servent de lieu d’entreposage des produits périmés à côté de ceux non périmés.

La non-transmission de l’inventaire des produits périmés à la DPM porte le risque que des produits périmés ou avariés se retrouvent sur le marché. Les délais de livraison des clients sont trop longs. En effet, les livraisons faites par la PPM à l’Hôpital du Mali ont connu des délais moyens de 50, 35 et 57 jours, respectivement en 2015, 2016 et 2017. Or, le guide de bonne pratique de distribution prévoit 72 heures et le Ministre chargé de la Santé et celui en charge des Finances, dans leurs lettres, ont également recommandé le même délai.

La valeur totale des produits périmés recensée en 2015, 2016 et 2017 s’élève respectivement à 245,47 millions de FCFA, 199,50 millions de FCFA et 1,14 milliard de FCFA. La mission a recensé 5,71 millions de produits périmés dans 15 magasins de stockage du District de Bamako et des magasins de Sikasso, Ségou, Koulikoro et dans deux points de vente à Bamako et à Koutiala.

Des créances non prises en compte s’élevant à plus de 711 millions de FCFA aux ADM

En ce qui concerne les vérifications financières au niveau des Aéroports du Mali (ADM), l’efficacité des activités aéroportuaires est le principal levier pour soutenir le développement social et économique du Mali, pays enclavé. Cependant, la gestion des ADM, pendant la période sous revue, a été entachée par d’importantes irrégularités relevées aussi bien dans le dispositif de contrôle interne que dans la gestion financière.

Bien qu’étant un établissement public à caractère industriel et commercial, sa gestion se caractérise singulièrement par le non-respect récurrent des dispositions du Code des marchés publics lors des acquisitions et l’insuffisance endémique dans le suivi et le recouvrement des créances clients.

De plus, des PDG ont signé des procès-verbaux de passation de service contenant des informations erronées qui ont fait ressortir des créances non prises en compte s’élevant à plus de 711 millions de FCFA. Ces dysfonctionnements, si des mesures urgentes et idoines ne sont pas prises, compromettent la fourniture de ce service public dont l’impact sur la vie économique et sociale n’est plus à démontrer.

529,74 millions de FCFA de déperditions à la mairie de Baguinéda

Dans la Commune rurale de Baguineda-Camp, la gestion des affaires communales par le Maire, pendant la période sous revue, compromet la mise en œuvre des projets et programmes de développement de la localité. Elle est marquée par d’importantes irrégularités financières consécutives, d’une part à la non-perception ou à la perception irrégulière des recettes locales, d’autre part aux dispenses de paiement illégales délivrées. Ainsi, le montant de déperditions financières qui en résulte dépasse près de quatre fois les recettes propres collectées au niveau de la Commune, soit un montant de 529,74 millions de FCFA.

Synthèse de

 Youssouf CAMARA