Après des années d’exploitation et un ensemble de réformes pour s’adapter aux évolutions successives du secteur minier, le Mali entend tirer un meilleur profit de l’exploitation de ses minerais, en particulier l’or. Mais, pour maximiser ses gains et en faire bénéficier davantage son économie, le pays doit faire des choix courageux et définir une véritable vision afin que les mines servent de levier à d’autres secteurs pour un développement plus durable.

 

Le boom du secteur minier enregistré dans les années 1990 et le contexte particulier  de l’époque ont rendu nécessaire l’évaluation du chemin parcouru au Mali, explique-t-on au ministère en charge des Mines. Ce qui a conduit à une étude, menée entre 2014 et 2016. Ses résultats ont démontré la nécessité de relire la politique nationale, qui datait de 1998 et encadrait la législation et les volets institutionnel et organisationnel. Pour ce qui concerne le premier, il fallait revoir la loi minière et, au niveau institutionnel, revoir l’organisation des services centraux chargés du suivi et du contrôle de l’activité minière.

Des réformes essentielles sont issues de cette remise en cause. En 1991, en 1999, en 2012, puis avec l’ordonnance de 2019, les Codes miniers qui ont vu le jour avaient pour objectif « de maximiser les revenus du secteur et de prendre en compte les aspirations des collectivités », précise Monsieur Lassana Guindo, Conseiller technique au ministère des Mines et du pétrole.

Un ou trois Codes ?

Même si tous ses textes d’application n’ont pas encore été adoptés, l’ordonnance de 2019 est le dernier texte en vigueur régissant le secteur des mines. Mais il n’est pas le seul. Pourtant, « il n’y a qu’un Code, mais les aspects fiscaux des anciens textes subsistent, notamment en raison de la période de stabilité », insiste M. Guindo.

L’ambition était d’adopter un Code en 2019 et de voir toutes les sociétés migrer vers lui, « mais plus facile à dire qu’à faire », reconnaissent les acteurs. Cela sera possible, lorsque 10 mines sur les 13 en activité, qui ont signé leurs conventions sous l’égide du Code de 1991, verront celles-ci arriver à terme, espèrent les autorités. Et, par des négociations et discussions, d’ici à 10 ans il n’y aura plus de disparités en matière de fiscalité entre les sociétés minières.

Désormais, au lieu des exonérations totales accordées sur les produits pétroliers durant toute la durée de vie des mines, les sociétés doivent s’acquitter d’un taux de 5% sur ces produits importés. De même, l’exonération de la  TVA accordée durant 3 ans, même si la société commençait à produire, n’existera plus. Selon les nouvelles dispositions, les sociétés doivent la payer dès la première année de production.

La période de stabilité, correspondant aux avantages fiscaux accordés aux compagnies minières, que l’on ne peut changer avant la fin de la convention, s’élevait à 30 ans au Mali, la durée de vie des mines étant de 15 ans en moyenne.  Cette  période a été ramenée à 20 ans.

Même si cette révision a suscité quelques réticences, compte tenu de la « réduction des avantages », le Code de 2012 avait été jugé satisfaisant par les partenaires techniques et financiers et les responsables des industries extractives, parce qu’il préconisait une stratégie gagnant – gagnant, un équilibre parfois difficile à trouver.

Mais l’évolution de l’activité a révélé la nécessité de prendre en compte  d’autres aspects, comme les collectivités locales, notamment. L’extraction minière ne se résumant pas au paiement d’impôts et de taxes, les préoccupations sociales ne sont pas en marge dans les nouvelles dispositions. Ainsi, le cadre des activités sous-traitées, qui constituent une opportunité pour les opérateurs économiques en termes de valeur ajoutée, ne faisait pas l’objet de grandes précisions dans les codes successifs.

Il revient maintenant, en ce qui concerne la sous-traitance, à chaque société d’élaborer ses besoins en services et intrants. Ils seront communiqués à l’administration des Mines, qui les transmettra aux opérateurs par l’intermédiaire de la plateforme qui sera mise en place. L’une des difficultés des opérateurs est en effet l’accès à l’information et aux capacités financières. Un renforcement des capacités et des  lignes de crédits seront donc mis en place.

Changement de vision

Plus qu’une vision du secteur minier, il faut avoir une véritable vision sur « tout ce que l’on peut faire pour développer d’autres secteurs autour de l’or », suggère M. Mohamed Keïta, juriste minier et consultant. Les revenus tirés de l’or sont essentiellement fiscaux et servent à faire face aux besoins financiers de l’État. Un schéma qui donne l’impression que « l’or ne brille pas pour tous » alors qu’il sert à maintenir l’équilibre qui permet à tous d’en recevoir des bénéfices. Mais cette option ne peut perdurer sur le long terme.

Par exemple, au lieu d’attendre juste des dividendes, l’État peut mieux valoriser sa participation par la création d’une société holding qui sera chargée de la gestion de ses actions. Comme les sociétés dont les actions sont maintenant cotées plusieurs centaines de dollars, le Mali peut choisir cette option parce que des mines de classe exceptionnelle sont exploitées sur son sol.

Le secteur minier doit être un tremplin et permettre à l’État de développer d’autres domaines. Tous les pays miniers qui ont tiré le meilleur avantage de l’exploitation de leurs ressources ont opté pour ce modèle. En effet, développer des industries à partir du secteur minier est une opportunité pour diversifier son économie et faire émerger des secteurs plus durables. L’industrie minière étant présente dans tous les secteurs d’activité à travers ses substances ou les outils issus de son activité.

Pour profiter pleinement des retombées du secteur minier, la formation des ressources humaines doit être au cœur de la politique. Si le Mali devient un pays minier, il est important pour lui de disposer de sa propre expertise, expliquent les acteurs. L’école des Mines, qui doit former aux différents métiers du secteur, n’est pas encore une réalité. Mais elle fait partie des priorités, assure-t-on au ministère. En outre, les réformes prévoient l’obligation pour les sociétés minières de former des cadres maliens qui deviendront à leur tour des responsables de mines. Cette amélioration des ressources humaines permettra aussi à l’État d’assurer un meilleur contrôle de l’activité minière grâce à des cadres compétents.

Mieux utiliser les ressources

Le développement communautaire est assurément l’un des maillons faibles de l’activité minière. À ce titre, l’exemple de la ville de Kéniéba, qui compte 5 mines et manque cruellement d’infrastructures sociales de base, est illustratif. Parce que « les communautés ne reçoivent que des patentes mal gérées ».

Pour y remédier, il est prévu la création d’un fonds de développement communautaire qui sera alimenté par les sociétés minières. Elles paieront 0,5% de leurs chiffres d’affaires et l’État 0,25% des revenus annuellement perçus. Le fonds sera géré par un comité, en conformité avec le ministère de l’Économie.

Grand « oublié » des réformes, le travailleur du secteur minier est le « parent pauvre », se plaint M. Karim Fomba, Secrétaire général de la section nationale du Commerce, des mines et industries du Mali. C’est pourquoi la convention collective  de 2010 doit être relue.

Pointant du doigt,  des «  autorités qui  ne veulent pas être transparentes sur l’impact que peut avoir l’activité », il suggère d’explorer les opportunités autour de la sous-traitance. Dans le cadre des vols charters régulièrement organisés pour le transport du personnel et effectués par des compagnies étrangères, le Mali pourrait solliciter un préfinancement, comme c’est le cas dans certains secteurs, pour créer une compagnie chargée de le faire. Dans le domaine de la restauration, il est également nécessaire de valoriser les compétences locales utilisées par d’autres sociétés.

Les réformes espérées par les travailleurs concernent aussi les avantages qui doivent être accordés à ceux de la restauration ainsi que les garanties dans les contrats de travail pour les protéger du harcèlement.

Fatoumata Maguiraga

Journal du Mali