Elles sont confrontées à des difficultés de conservation de la marchandise

Il est 16 heures. Nous sommes au marché du quartier Somono. Il est installé au bord de la route en face de l’hôpital Nianakoro Fomba. Les vendeuses de poisson tiennent ici le haut du pavé. Ces commerçantes sont assises le long de la route qui passe devant une grande banque de la place. Elles attirent les clients autour de leurs produits exposés sur une table confectionnée à cet effet. L’ambiance est époustouflante. L’espace est animé par les commerçantes, les clients et les nettoyeuses. Les ménagères sont certaines d’avoir ici du bon poisson frais pour régaler leurs familles. Ce marché très sollicité par les amateurs de poisson frais est dominé par les femmes bozo. La vendeuse Fatoumata Labinta est assise sur une chaise devant une table surchargée de poissons de diverses grosseurs et une balance.
à côté de l’étal, sont empilés des paniers pleins de marchandises. Mme Fatoumata Labinta révèle qu’elle écoule du poisson sur cette même place depuis plus de 20 ans. Elle est devenue grossiste. Elle sert plusieurs vendeuses ambulantes qui achètent pour aller revendre dans la ville », soutient-elle. Comme pour anticiper ma question Mme Labinta enchaîne : «  Depuis cette date, je n’ai rencontré aucune difficulté pour bien tenir mon foyer. L’entente est parfaite entre mes copines vendeuses». La solidarité et l’entraide est agissante entre les vendeuses. En effet, l’une n’hésite pas à orienter un client vers l’autre, si elle ne peut pas satisfaire la demande. Notre interlocutrice s’en sort très bien. Cette activité lui permet de participer aux dépenses de la maison. Après son mari, qui n’est pas pêcheur, Mme Labinta est le deuxième support de la famille aujourd’hui. Fatoumata est ravitaillée matin et soir par de fidèles fournisseurs bozo.
Elle propose du capitaine, du tilapia et d’autres espèces qui peuplent le fleuve Niger et ses affluents. Le prix du poisson indique t-elle, souriante, dépend de la qualité et du type de poisson. Le kilogramme est cédé entre 2250 à 3000 Fcfa. Ce qu’elle ne dit pas, c’est que le prix est fixé aussi à la tête du client. En effet, nous avons observé que les habitués bénéficient d’un prix d’ami.
L’optimisme de notre commerçante est tempéré. Le marché est morose en ce moment. Mme Labinta souligne que « le temps est dur pour nous. Nous avons un problème de conservation de nos marchandises. Souvent, nous sommes obligées de bazarder nos poissons ou de les vendre à crédit » .
Non loin de notre première interlocutrice est assise la jeune Fatoumata Djiré.
Elle est déscolarisée depuis quelques années. Peu après avoir abandonné les bancs de l’école, la jeune dame a suivi les traces de sa mère Bintou Founè. Celle qui est issue d’une grande famille somono à Ségou, connaît tout sur le poisson. Elle avoue sans gêne que ce métier est comme un héritage. Ce commerce, espère Fatoumata, aidera sa maman à réunir son trousseau de mariage. La jeune femme ambitionne de se prendre en charge dans l’avenir. Elle est convaincue que pour l’équilibre du foyer, en ces temps durs, chaque conjoint doit contribuer aux dépenses de la famille.

PROBLÈME DE CONSERVATION. Grâce à cette activité, elle arrive à satisfaire ses besoins fondamentaux sans déranger personne. à peine avait-elle fini cette phrase qu’elle aborde un client en lui proposant plusieurs espèces de poissons pêchées dans le fleuve. La jeune vendeuse de poissons propose les tas (4 à 5) de petits poissons entre 500 et 1000 Fcfa « C’est vrai qu’ils sont petits. Tout le monde n’a pas les moyens d’acheter les gros ou même les moyens. Ces tas de petits poissons me font faire de bonnes affaires», témoigne Fatoumata. Le seul problème auquel elle fait face est la conservation de sa marchandise. Pour ne pas tout perdre, « je cède ma marchandise à un prix inacceptable. Plusieurs clients profitent de cette faiblesse du marché», se plaint la jeune fatoumata Djiré. Avant de plaider la cause de ses « collègues » de travail confrontées elles aussi à ce handicap.
Elle lance un appel à l’état, aux associations de femmes et à toutes les bonnes volontés de les aider à résoudre ce problème de conservation. Le poisson, correctement réfrigéré, restera frais plus longtemps que le poisson n’ayant fait l’objet d’aucune forme de préservation. Les techniques du froid, notamment le recours à la glace, prolongent effectivement le temps de garder le poisson au frais, et d’intensifier la capture. Les opérations de pêche sont rentabilisées. D’où, une amélioration des retombées économiques pour les pêcheurs . Les produits présentés à la vente dans un bon état de conservation se vendent à un bon prix, en gros ou au détail.
Nous nous transportons au milieu du marché du « Petit château », qui siège à Hamdallaye près d’Ecobank. L’histoire de la vieille dame qui nous accueille est intéressante. L’expérimentée Aminata Djiré alias « Bayini » est commerçante de poissons depuis 35 ans. La vieille avait commencé sa carrière en nettoyant les poissons achetés par les clients. Très populaire dans ce marché, « Bayni » est présentement une grande distributrice de poissons.  Au début, elle prenait des poissons pour aller faire le  « porte à porte ». Cet effort a porté fruit. Elle a économisé et surtout elle a appris à mieux connaître le monde du poisson dans lequel elle voulait évoluer. « Dieu merci. Je ne me plains pas. Je vis bien de mon activité », explique-t-elle.
Notre interlocutrice est entourée par des clients et des revendeurs. Mais, elle ne s’affole pas. Elle arrive à calmer le jeu. Chez « Bayini», toutes les bourses trouvent leur compte. Par ailleurs, à côté des espèces tirées du fleuve, notre commerçante propose des poissons de mer moins prisés.
Le kilo de cette catégorie va de 2000 Fcfa à 3000 Fcfa. Le kilogramme du capitaine est cédé à 3500 Fcfa. Mais parfois, le marché est tellement dur souvent qu’on est obligé de revoir les prix à la baisse pour écouler vite sa marchandise, parce que les produits pourrissent vite.
L’avantage de ce commerce est que les familles des vendeuses consomment le poisson sans trop dépenser. Cette source de revenus aide les maris à faire face aux imprévus. Pourquoi le marché de poisson est dominé par les femmes dans la cité des Balanzans ? Ce phenomène n’est pas propre à Ségou. Depuis belle lurette, les pecheurs allaient pêcher. Mais leurs épouses se chargeaient de vendre les produits au marché pour faire face aux besoin de la famille. « Les données ont changé avec le temps », explique Bayni. Aujourd’hui à Ségou, une femme n’ a pas besoin d’être épouse d’un pêcheur pour pratiquer le commerce du poisson.

Abdoulaye Tall
Amap-Ségou

Source: L’Essor-Mali