En grève illimitée depuis 25 juillet 2018, les magistrats maliens avaient posé deux principales doléances : La sécurisation des juges et une majoration de la grille salariale, avec un indice planché de 700 et un indice plafond de 2500.

Cette prétention financière  est consécutive à l’élaboration d’un  projet de statut rédigé par un expert, et validé avec les représentants du gouvernement.

Seulement voilà : Le protocole d’accord signé avec  les magistrats n’a pas recommandé de commettre un expert, dans la perspective de la relecture du statut des magistrats. Le recrutement de cet expert n’émane nullement du gouvernement, encore moins du protocole d’accord signé le 9 février 2017. Alors d’où vient l’idée de cet expert ?

En tout état de cause, l’atelier de restitution de cet expert n’a pas fait l’objet de validation par le ministère de l’Economie et des Finances. L’incidence financière de la grille proposée par les magistrats se chiffre à 2,108 milliards de  F CFA.  Ce pactole n’est pas pris en charge dans le budget d’Etat 2018, en cette période de vache maigre.

Rappelons,  comme l’a si bien écrit notre brillant confrère, Alexis Kalambri, que les magistrats sont les enfants gâtés de la République. A titre d’illustration, un magistrat débutant bénéficie d’un salaire brut mensuel de 700960F CFA contre 391 500F CFA pour un Inspecteur des Finances ou du Trésor et en plus de 30 années de service. Avec la revendication des magistrats, un débutant de 700 960F CFA touchera 832 800F CFA soit une augmentation de l’indice d’environ 56%.

Face à l’insoutenabilité de cette doléance, le gouvernement a demandé aux magistrats de reprendre le travail, en attendant de poursuivre les discussions. Ils ont catégoriquement refusé, sans le service minimum prévu  par les textes réglementaires et législatifs.

Avec les désagréments causés par cette grève sauvage, le gouvernement a décidé de réquisitionner  les magistrats le mardi 9 octobre. Au cours d’une Assemblée générale, tenue à la Cour d’Appel, ils ont rejeté cette réquisition, prétextant qu’elle « est illégale »

Alors dans cette perspective, jusqu’où le bras de fer pourrait conduire les deux parties ? Selon  la loi relative aux réquisitions de personnes, de services et de biens en date du 14 juillet 1987, au titre 7, il est prévu des sanctions et dispositions diverses. En effet, l’article 25 de cette loi dispose que : « Quiconque n’exécute pas ou cesse, même temporairement, d’exécuter l’ordre de réquisition  lui ayant été  régulièrement notifié, quiconque ne défère pas aux mesures légalement prescrites en application des dispositions précédentes, et passible d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 20 000 à 500 000 F. Les personnes visées  à l’alinéa précédent pourront, suivant le cas, soit être frappées de sanctions disciplinaires sans observation des garanties prévues par leurs statuts, soit être licenciées de leur emploi sans préavis ni indemnité ».

Voilà qu’est clair ! Le refus de la réquisition peut non seulement conduire à un licenciement, mais aussi et surtout à un emprisonnement.

Avec la volonté des magistrats de tenir tête, à la fois, au gouvernement et aux lois, le Premier Ministre, Soumeylou Boubèye Maiga, pourrait-il aller jusqu’au bout de sa logique, en dépoussiérant cette loi de 1987 ? En tout cas, le bras de fer continue, et personne ne peut prédire de la suite.

Rappelons que l’Etat a consenti beaucoup de sacrifices pour les magistrats : Indemnité  de logements,  revalorisation de l’indemnité de judicature, révision de la grille salariale, augmentation de la valeur du point indiciaire, diminution de l’impôt sur les traitements et salaires, majoration du taux des allocations familiales.

El Hadj Chahana Takiou

Source: Le 22 Septembre