Amadou Toumani Touré devient chef de l’Etat malien le 26 mars 1991. Il se trouve à la tête d’un pays qui a peine à savoir où donner de la tête avec les revendications corporatistes de toutes sortes. Et il a « le problème du Nord à gérer ». L’Accord de Tamanrasset a été signé trois mois auparavant. Il est bon. Le président du CTSP promet de l’appliquer. Une Commission est créée, avec, pour mission, étudier l’Accord et l’expliquer aux nouveaux maîtres du jour. Mais nous étions à une période où chacun se positionnerait pour avoir sa part du partage des dépouilles de l’UDPM. La Commission ne se réunira jamais. Désemparé, le président du CTSP va adopter des mesures qui font plus songer à des fuites en avant qu’à de vraies recherches d’une solution durable aux hostilités.

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Dans un premier temps, il va solliciter l’expertise d’hommes chargés de mener la réflexion sur la question. Il charge deux étrangers, ce dont ces deux prédécesseurs s’étaient gardés, deux anciens ministres des années 1960, le Français Edgard Pisani et le Mauritanien Ahmed Baba Miské, d’une Mission de paix et de développement avec, comme objectif, renouer le dialogue avec la rébellion. Il nomme  Baba Akhib Haïdara  délégué général chargé des problèmes du Nord. Deux rapports sont déposés : celui des deux anciens ministres et celui du nouveau promu.

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Le rapport Pisani-Miské se limite à des généralités. Pire, il accrédite une thèse qui ne cesse de tromper bon nombre de « spécialistes » s’intéressant à l’étude des causes des rébellions touarègues quand il constate : « De Modibo Keïta à Amadou Toumani Touré en passant par Moussa Traoré, les Touaregs et depuis peu les Touaregs et les Maures voient le déroulement d’une histoire tragique, qui leur apparaît comme une tentative de colonisation du nord par le sud. La couleur et la « race » apparaissent aux hommes du Nord comme les critères fondamentaux de la répartition du pouvoir. »

Après avoir retenu que la seule solution qui vaille est celle de « l’unité dans la diversité », les deux « experts » recommandent, au Gouvernement et au président du CTSP ce qui suit : « … vous…devez 1) créer la confiance, 2) mettre en place des institutions politico-administratives et militaires capables de stabiliser cet acquis, 3) définir un projet de développement économique, social et culturel dont le succès démontrera la validité de la démarche entreprise. » Un bon élève de la classe de 9ème année de l’école fondamentale aurait fait mieux. Et pourtant, c’est ce rapport qui est retenu. Il porte les germes du Pacte National et l’on connaît le sort que connaîtra ce document : présenté comme une panacée bien qu’irréaliste dans ses choix, il restera au stade de l’utopie.

Le Mémorandum de Baba Akhib Haïdara s’articule autour de trois axes : les principes devant servir de fondement à la réalisation d’un accord, des propositions d’actions, l’attitude à adopter vis-à-vis de certains pays dans le règlement du conflit.

 

Se serait-il inspiré de l’Accord de Tamanrasset pour rédiger son mémorandum ? Il ne serait nullement excessif de le soutenir, qu’il s’agisse de la formulation des principes comme  des propositions d’action.

En effet, en ce qui concerne les principes, Baba Akhib Haïdara formule des idées qui ne diffèrent en rien de celles avec lesquelles le colonel Ousmane Coulibaly s’était présenté à Tamanrasset. Elles sont les suivantes : le respect de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale, la reconnaissance de la dignité de chaque communauté, le démantèlement des groupes armés contestant l’autorité de l’Etat, l’intégration, selon des modalités à définir, des groupes armés dans l’Armée de la République, le non démilitarisation de la région, l’élaboration d’un plan d’urgence humanitaire.

Ces principes précisés, l’auteur du mémorandum formule quatre propositions d’actions dont les deux premières reprennent ce qu’avait retenu l’Accord de Tamanrasset. elles sont : l’organisation administrative d’une gestion autonome, la mise en œuvre d’un plan de développement économique et social tenant compte de l’état de développement des régions septentrionales, la mise en place sous l’autorité de l’Etat des mesures transitoires nécessaires à l’application des points ci-dessus mentionnés, la définition de garanties nécessaires pour les communautés permettant l’élaboration de principes à long terme.

C’était en 1991. Les suggestions étaient celles d’une réelle sortie de crise. Alors, ne manquons-nous pas de nous interroger : comment se fait-il que celui qui a eu de telles propositions puisse accepter de jouer le rôle qu’on lui fait jouer actuellement en le nommant président de la Commission d’organisation de la Conférence d’Entente Nationale ? Comment n’a-t-il pas compris qu’il est associé à une œuvre de destruction nationale ? Aurait-il choisi de brûler ce qu’il a adoré pour adorer ce qu’il a brûlé ? Qu’il quitte, encore qu’il est temps, ce rôle qui ne l’honore nullement.

LA REDACTION

Source: Le Sursaut