Dans la région de Ménaka, la force française Barkhane est engagée dans une lutte féroce contre les éléments de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), né d’une scission au sein de l’Al-Mourabitoune, un groupe fondé par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar.

 

L’émir Adnane Abou Walid Al Sahraoui a constitué le noyau de l’EIGS avec les combattants du Mouvement pour l’unicité du Djihad en Afrique de l’ouest (Mujao), le groupe qui a infligé à Gao, en juin 2012, une déculottée aux petits aventuriers du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (Mnla). De Ménaka jusqu’au territoire nigérien, l’EIGS mène de nombreuses opérations et demeure une cible à abattre pour les militaires de l’opération Barkhane.

Dans cette lutte sans pitié, les Français ont noué des alliances au moins avec deux forces supplétives. Il s’agit du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA) et le Groupe d’auto-défense touareg Imghad et alliés (Gatia). Le MSA a été fondé par Moussa Ag Acharatoumane, un jeune homme de 33 ans de la tribu Daoussahak qui a abandonné les rangs du Mnla.

Le Gatia est dirigé depuis sa création par Fahad Ag Almahmoud. En réalité, ce jeune juriste n’est qu’un homme de main du Général Gamou. Ceux ou celles qui connaissent l’histoire secrète de la création de ce groupe au lendemain de la débâcle de l’armée malienne à Kidal en mai 2014 en savent quelque chose. Au départ, il est plutôt question de confier les commandes du Gatia à une personnalité à la fois forte et influente. Et le nom d’Alassane Ag Moussa, ancien ministre, circulait sous les manteaux. Le général Gamou voulait avoir un homme sans influence acquis à lui pour diriger le mouvement.

Le recours au Msa et au Gatia comme forces supplétives place la force française Barkhane dans un imbroglio communautaire. Les membres de la communauté Peulh de cette partie du Mali, régulièrement victimes de vols de leurs bétails et autres biens, avaient adhéré par instinct de survie au MUJAO sous l’occupation des régions de Tombouctou, Gao et Kidal en 2012.

Des Peulhs sont considérés à tort ou à raison comme des combattants de l’EIGS. Cette stigmatisation colle à la peau de cette communauté alors que des membres d’autres tribus ont rallié des groupes dits extrémistes.

En acceptant de s’allier avec Barkhane, Moussa Ag Acharatoumane et Gamou ont-ils exposé les membres des tribus Daoussahak et Imghad ? Que cache ce rapprochement entre le général Gamou et la force Barkhane, laquelle a toujours empêché le Gatia de conquérir Kidal par les armes ?

S’il est difficile de répondre à la deuxième interrogation, l’alliance entre Msa-Gatia et Barkhane a fait que les membres des communautés à laquelle appartiennent les combattants de ces deux mouvements sont devenus des cibles privilégiées des groupes qualifiés de terroristes par les gouvernements malien et français. Cela donne souvent lieu à des tueries de masses.

Le Msa de Moussa Ag Acharatoumane a officialisé son adhésion à la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 au moment où celle-ci est secouée par des dissensions internes. L’alliance Msa-Gatia-Barkhane est-elle un lien avec ces dissensions internes au sein de la Plateforme ?

Chiaka Doumbia

Source : Le Challenger