En début de semaine, les jeunes scolaires se sont manifestés bruyamment mais sans aucune violence, à travers le pays. A Bamako, ils ont pris d’assaut la Cité administrative où leur délégation a été reçue par les conseillers du Premier ministre. A Bla, ils ont momentanément coupé la route. Dans la Cité des Askia, ils ont envahi le gouvernorat pour lancer leur cri de cœur.

 

A Bamako, Bla et Gao, les élèves n’avaient qu’une seule revendication : la reprise des cours perturbés depuis quelques semaines par la grève à répétition des syndicats de l’éducation signataires de l’accord du 15 octobre 2015. Pour cela, ils demandent au gouvernement de tout mettre en œuvre pour trouver un terrain d’entente avec les syndicats des enseignants qui veulent bénéficier de l’augmentation de 20% accordée aux fonctionnaires de l’Etat.

‘’S’ils n’avaient pas étudié, ils ne seraient pas ministres aujourd’hui ‘’

Dans une vidéo réalisée par le journal en ligne « Maliactu », quelques élèves qui ont marché pour se rendre à la Primature interpellent en des mots plus forts les pouvoirs publics, notamment le Premier ministre, chef du gouvernement. Selon un élève, c’est la situation scolaire qui est à l’origine du décès du ministre de l’Education nationale, Dr Témoré Tioulenta, survenu le vendredi 10 janvier et enterré le dimanche. « Nous voulons étudier. Si les ministres qui sont là n’avaient pas étudié, ils ne seraient pas ministres aujourd’hui », souligne une de ces élèves. Avant d’accuser les ministres de négligence pour la bonne raison qu’ils n’ont pas leurs enfants dans les écoles publiques. « Si nous n’étudions pas, les patients mourront dans nos bras à l’hôpital» renchérit une autre adolescente.

Les enfants ont raison. Ceux qui gouvernent ou qui ont gouverné le Mali ont tous étudié dans des écoles publiques. De Modibo Kéita à Ibrahim Boubacar Kéïta ! Pour des pouvoirs publics plus que jamais frileux face aux mouvements de foule, la prise de conscience des jeunes scolaires à travers ces manifestations tombent au plus mauvais moment. L’opinion publique est plus que jamais remontée depuis la diffusion du Rapport de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite. Trois fonctionnaires y sont épinglés à cause de l’énormité des fortunes qu’ils ont amassées. Ces manifs surviennent aussi dans un contexte de mobilisation populaire d’une partie de la population contre les forces françaises  Barkhane et celles de la Minusma. Une jonction entre ces deux mouvements peut facilement infecter et infester la gouvernance d’Ibrahim Boubacar Kéïta dont la demande de « trêve sociale » ne semble pas avoir de preneur pour le moment. Comme si les syndicats de l’éducation nationale ne croyaient plus visiblement en la personne même du président. Car, en dépit du fait que celui-ci a consacré une partie de son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an aux enseignants, ils persistent et signent dans leur revendication.

Pourtant, la trêve sociale réclamée ne manque pas de fondement. Le Président des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare Anka Wili), Modibo Sidibé, avait mis un accent particulier sur cette indispensable accalmie sociale dans son programme de société.  Le fait que l’appel de « trêve sociale » du Président IBK tarde à trouver un répondant s’explique essentiellement par le fait que ni le Chef de l’Etat ni son gouvernement n’ont donné de signe de réduction de leur propre train de vie aux partenaires sociaux. D’ailleurs, l’Union nationale des Travailleurs du Mali (Untm) l’a évoqué dans son communiqué de presse. Il faut donc en appeler à la responsabilité du gouvernement mais aussi des responsables syndicaux de l’éducation pour mettre en avant l’intérêt supérieur de la nation.

Chiaka Doumbia

Source : Le Challenger