Au Mali, trois structures spécialisées sont désignées pour organiser et superviser les consultations électorales, l’administration territoriale, la Commission nationale indépendante (Céni) et la Délégation générale aux Elections (DGE). Elles ont jusque-là fait leurs preuves. Des hommes et des femmes que l’on est bien obligé de qualifier de gâteux, préconisent la création d’un quatrième organe, l’Organe unique de gestion des élections dont on se demande quel sera son rôle dans cette fourmilière. Des éminences grises en droit constitutionnel sont sortis de leur réserve pour montrer l’incongruité de la trouvaille, non, ils persistent et y tiennent, quitte à occuper les boulevards.

Le Mali est un pays bizarre où les textes de loi, les réformes administratives et autres ordonnances du temps de la dictature militaire, s’entassent les uns sur les autres sans que pour autant les anciens soient supprimés. Il est vrai que l’administration est une continuité mais cela est surtout valable pour les ressources humaines pour éviter les vacances de postes et entrainer des désagréments pour les usagers et non pour les textes de loi. Mais à bien observer la manière de fonctionner de notre administration, on est obligé de songer au système de Jean Bedel Bokassa, Président puis Empereur de Centrafrique dont des journaux rapportent qu’à son réveil, en conseil des ministres, il dictait le contenu de ses rêves à ses ministres pour application immédiate.

Au Mali, chaque ministre croit devoir inventer quelque chose, quitte à déclencher des grèves dans son secteur, soit pour plaire au chef de l’Etat du moment, soit pour se différencier de ses devanciers. Nos responsables politiques sont fous de nouveautés inventées non par eux-mêmes mais par l’étranger et dont ils se font les adeptes locaux. On se souvient que lors de la Conférence nationale de 1992, un jeune expert-comptable fraîchement débarqué des universités françaises, avait parlé de la comptabilité matière et en avait fait la brillante démonstration séance tenante. Dans l’un des derniers gouvernements de la transition d’ATT, il fut nommé ministre de quelque chose et curieusement ce fut comme si les comptables et les économistes de ce pays découvraient pour la première fois cette notion, tellement ils se ruèrent dessus pour en faire un bréviaire, au point qu’une section comptabilité matière fut créée dans certains ministères.

Au début de son second mandat en 2007, le président ATT effectua une visite officielle au Canada et en revint avec une fameuse trouvaille, le Bureau de Vérificateur Général (BVG) ! Comme c’était au temps du Consensus qui avait caporalisé toute la classe politique, le Vérificateur général fut mis en place en concurrence avec les autres structures de contrôle de l’Etat et qu’il chapeauta d’ailleurs avec les honneurs que l’on sait. Depuis, cette structure qui n’a plus son aura d’antan, végète, produisant tout de même ses rapports annuels qui parfois inspirent le juge du Pôle économique et financier. Mais véritablement, l’indéniable utilité du BVG fut de créer de l’emploi à certains jeunes et de réduire ainsi le taux du chômage.

La Céni fut préconisée par la Conférence nationale de 1992 et fit ses premières armes lors des élections générales de cette année alors que c’était l’administration territoriale qui jusque-là gérait le processus électoral. Depuis elle fonctionne tant bien que mal et sauf en 1997 avec les contestations des partis politiques de l’Opposition (Coppo) et celles de 2018 de l’URD, ses résultats furent jugés bons tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Mais la chute d’IBK en août 2020 et la Transition du CNSP dans lesquelles des religieux avaient joué un rôle majeur, posèrent de nouveau la question de la crédibilité et de la transparence des élections eu égard au rôle ambigu de la Cour constitutionnelle dans la réélection d’IBK, pour un second mandat et qui passa ainsi pour un président frauduleusement élu.

Par conséquent ce qu’il y a à revoir, c’est bien cette Cour qui en définitive proclame les derniers résultats officiels et non la Céni qui fonctionne sur des principes bien huilés. Il faut donc arrêter de rigoler et envisager sérieusement les élections de 2022 pour ne pas aboutir au règne d’un mansa Tountourou.

 

Facoh Donki Diarra

(écrivain Konibabougou)

Source: Mali Tribune