Depuis la fuite d’ATT au Sénégal en 2012, (le seul Président de la République à s’exiler dans des conditions humiliantes relevées par tous les observateurs nationaux et internationaux), il n’est question chez nous que de refonder l’Etat du Mali. Les uns pour se distraire, les autres pour sûrement faire un mea culpa tardif qui n’aura aucune force pour les disculper des délits et crimes commis. Car dans le cas du Mali, parler de refondation, surtout de la bouche d’anciens responsables politiques qui eurent à gérer pendant des décennies, revient à reconnaitre la faillite de leur régime démocratique.

 

La perspective avait été mise en veilleuse après l’élection d’IBK en 2013 (avec plus de 73 % des voix) qui avait fait des promesses de montagne pour éviter au pays une déroute inévitable mais qui, une fois installé président, ne s’attaqua même pas au mythe de Sisyphe à plus forte raison de le balayer. Sa chute en octobre 2020 donna encore plus d’acuité à cette problématique, plaçant du coup le peuple malien dans un profond dilemme inventé par ses propres fils qui au nom des connaissances acquises dans l’école coloniale, avaient prétendu diriger le pays et amener son peuple au bien-être souhaité par tout le monde.

Il faut être clair : une refondation, au sens véritable du terme, n’est jamais tâche aisée dans la mesure où il faut être doté de la culture nécessaire pour la réussir, ce qui dans le cas d’espèce n’est pas pleinement assuré. L’histoire contemporaine nous en donne quelques exemples qui peuvent servir d’école. On connaît la grande refondation opérée en France en 1789 à la suite de la révolution française qui prit 10 ans avant d’accoucher de la Première République en 1791.

L’épreuve révolutionnaire, des Girondins aux Montagnards en passant par les Thermidoriens, avait fait des milliers de cadavres parmi lesquels le roi Louis XVI, sa femme Marie Antoinette et la plupart des princes représentatifs des grandes familles nobles et ecclésiastiques de France.

Dans la foulée de la Première guerre mondiale de 1914-1918, sur l’initiative des marxistes russes, l’empire des tsars fut anéanti et remplacé par l’URSS. On pouvait appeler ce chamboulement politique une refondation dans la mesure où l’ordre ancien fut remplacé par des actions violentes par un ordre nouveau avec un renouvellement total de la classe politique.

En Afrique noire et même berbère du Maghreb, dans les anciennes colonies françaises, il y eut peu de refondation, la métropole ayant décidé de passer pacifiquement le relai politique aux Etats néocoloniaux issus du processus de décolonisation.

Hormis l’Afrique du Sud et la Rhodésie du Sud devenue Zimbabwe après l’indépendance, il y eut peu de refondation y compris dans les anciennes colonies portugaises.

Au Mali, à part la constitution de 1960 qui posait les jalons de la rupture avec l’ancienne métropole, toutes les autres, y compris celle de 1974, ne furent que la copie pâle du texte de 1958 du Général de Gaulle que l’on tripatouilla à souhait, histoire de faire croire que l’on était sérieux.

La refondation suppose faire table rase du passé ou en tout cas proposer un renversement total ou partiel de l’ordre ancien.

Elle ne signifie pas seulement de regrouper quelques constitutionnalistes et une poignée de spécialistes de droit pour accoucher d’un papier qui ferait sensation aux yeux du peuple. Elle doit proposer des modifications profondes non seulement dans le fonctionnement des institutions mais également dans celui de l’administration. Pour arriver à ce résultat, tous les cadres doivent se départir de la mentalité de prévarication et de détournement des finances publiques qui les avait caractérisés jusqu’à récemment.

 

Facoh Donki Diarra

(écrivain Konibabougou)

Source : Mali Tribune