Le rassemblement auquel l’imam Mahmoud Dicko convie les fidèles musulmans, dimanche prochain, donne lieu à toutes les conjectures et supputations et son promoteur lui-même y contribue largement.

Le discours qu’il a délivré, en effet, aux journalistes, mardi dans l’enceinte de sa mosquée, est un modèle de flou artistique. Il combine à la fois l’apaisement, l’interpellation, la mise en garde, le procès.A l’entame de sa rhétorique, il assure que  » l’objectif (du rassemblement) est de faire des prières, des bénédictions, d’implorer le pardon de Dieu afin qu’IL réconcilie les  cœurs et les esprits des Maliens. Cela afin qu’ils vivent dans la paix, la bonne entente, la sérénité « .

Puis le ton monte d’un cran. La rencontre sera l’occasion « d’interpeller gouvernants et gouvernés à réfléchir aux voies et moyens de sortir d’une situation qui conduit à l’abime « .

Suit la mise en garde :  » Il faut qu’on se parle vrai, on ne peut s’asseoir et regarder notre pays se détruire « .

Enfin le procès, même si l’orateur se défend d’en arriver là : «  Le Mali a besoin d’une refondation authentique basée sur nos valeurs sociétales et religieuses. Même s’il est difficile pour certains d’entendre cela, notre pays a besoin d’autre chose que ce qu’ils veulent nous imposer. «

Ce meeting (le mot, jugé péjoratif, est aussi récusé dans le proche entourage du guide religieux) intervient à une période où les sentiments dominants au sein des associations islamiques sont la colère et la vengeance après l’assassinat du vice-président du Haut conseil islamique du Mali, l’imam Abdoulaziz Yattabaré, par un individu présenté comme un homosexuel. Lequel a justifié son geste malheureux (pour le moins) par la fatwa (l’ordre) de mise à mort lancée à son encontre par l’homme de Dieu. Alors que le Collectif des associations musulmanes est monté au créneau pour réclamer «  l’application de la peine de mort  » (ce qui n’a pas été le cas depuis une quarantaine d’années au Mali) des voix se sont élevées parmi les leaders musulmans pour menacer  » d’extermination  » tous les homosexuels avant la fin de 2019.

Comme pour corser la situation, le Cherif de Nioro, Cheick Mohamed Ould Bouyé Haïdara, qui parraine l’événement a, semble-t-il, motivé sa présence à Bamako en ces termes :  » Quand il s’agit de défendre l’islam, je suis prêt à y laisser ma vie« .

C’est dire combien le contexte est délicat.

Le choix du lieu, le Stade du 26 Mars et les 60 000 personnes qu’il peut contenir, n’est pas non plus anodin. Il se prête à ce qui s’annonce comme une démonstration de capacité mobilisatrice destinée à la fois à en imposer au gouvernement et à prouver que l’imam Dicko conserve une légitimité intacte à la présidence du HCIM, en dépit des tentatives de déstabilisation internes dont il est la cible.

Et derrière lesquelles se profilerait l’ombre du pouvoir.

Saouti Haïdara

Source: l’Indépendant