Le père fondateur Modibo Keïta avait doté l’armée malienne, dès Octobre 1961, d’une doctrine en adéquation avec son projet d’édification d’une société socialiste. En plus de sa mission traditionnelle de défense du territoire national et de sécurisation des populations et de leurs biens, elle devait participer aux tâches de développement dans ses domaines de compétence.

 

C’est ainsi qu’on verra l’armée aménager des pistes, construire des routes, des ponts, des écoles, des logements pour les populations victimes d’inondations dans la région de Mopti. Les militaires produisaient eux-mêmes 80% de leur nourriture à partir des « champs collectifs  » mis à leur disposition. Ils participaient aux récoltes de riz et de canne à sucre sur les terres de l’Office du Niger.

Modibo Keïta renversé, un 19 novembre 1968 de funeste mémoire, par une junte de 14 membres, pour la plupart de jeunes officiers subalternes, cette doctrine du  » soldat bâtisseur ayant troqué son fusil contre la daba  » fut remisée au rancart. Ses immenses bienfaits avec.

Le repli de l’armée sur son rôle classique qui en découlera ne s’opérera pas avec le bonheur souhaité. Les nouveaux maîtres du pays, plus préoccupés par leur enrichissement personnel que l’amélioration de l’ordinaire des soldats, s’emploient à piller les administrations-publique et des collectivités- ainsi que les sociétés et entreprises d’Etat placées sous leurs ordres. Le ministère de la défense n’y échappe pas. Son budget, y compris la part destinée à l’acquisition de l’équipement (matériel roulant, armement, munitions et accessoires) et l’entretien des troupes, est détourné et dilapidé aux moyens de surfacturations, d’achats fictifs, d’avances sur soldes voire des prêts jamais remboursés.

Parallèlement les règles de base qui fondent toute armée digne de ce nom sont foulées au pied. Avoir l’amour des armes, être mû par le désir de servir sa patrie, présenter toutes les garanties physiques et intellectuelles de devenir un bon soldat ne suffisent pas pour se faire recruter. Il faut être surtout le rejeton d’un colonel ou d’un général. En prime l’on a assurance de ne pas se faire tuer sur le front.

A défaut, il faut un substantiel bakchich.

S’y ajoute que les conditions de vie des soldats sont d’une insoutenable précarité.

Ces facteurs conjugués expliquent, pour une large part, la débâcle de l’armée face aux hordes rebelles et djihadistes coalisées. Laquelle a conduit à la mutinerie-coup d’Etat du 22 mars 2012 qui a interrompu un processus démocratique prometteur et ouvert la voie à l’intervention des forces militaires internationales.

Depuis, des efforts de rééquipement de l’armée, de formation des unités et de réarmement moral de la troupe ont été observés même s’ils ont failli être ruinés par les affaires des  » hélicos cloués au sol  » et des Tucanos dépourvus de système de combat.

Cette dynamique de réhabilitation voire de reconstruction de l’armée doit se poursuivre, quoi qu’il en coûte. Il y va du recouvrement par notre pays de sa pleine souveraineté sur son territoire, de la fin de la tutelle internationale de plus en plus ressentie comme un corset et du retour à la sécurité globale, aspiration commune aux Maliens de tous bords.

Saouti HAIDARA

Source :  l’Indépendant