Une attaque à la voiture piégée a ciblé le 24 février la forteresse du Centre d’Instruction Boubacar Sada Sy de Koulikoro. Ce qui ne devait surprendre outre mesure dans la mesure où les groupes armés ont été depuis belle lurette signalés vers la zone de Banamba, à moins de 100 km de la ville de Koulikoro.

Cet attentat peut, difficilement, être dissocié de deux événements, à savoir : la mort, annoncée par Barkhane, de l’Algérien Yahya Abou El Hamane, numéro deux du groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et la visite effectuée par le Premier ministre français, Edouard Philipe au Mali. L’attaque du 24 février, contre un symbole aussi fort que le Centre d’Instruction Boubacar Sada Sy, au cours du séjour du chef du gouvernement français et au lendemain de la disparition de cet important chef djihadiste, est sans doute un signal envoyé par les groupes islamistes à tous ceux qui se réjouissent déjà de leur éradication très prochaine.

Les groupes islamistes changent de mode opératoire chaque fois qu’ils sont acculés et sont portés en général vers la radicalisation. C’est ce qui se passe actuellement au Mali et au Burkina Faso. Le 14 février dernier, les groupes présentés comme terroristes par les gouvernements malien et burkinabé ont franchi une étape supplémentaire en piégeant un cadavre dans la province de Soum, à quatre kilomètres de la ville de Djibo. Ils ont dissimulé un engin explosif improvisé sur le corps d’un des leurs revêtu de l’uniforme des forces armées du Faso pour tromper la vigilance de ces dernières.

L’explosion a tué le médecin militaire et son assistant et blessé six autres personnes. C’était là une façon de faire inédite. Les groupes opérant sur le territoire du Faso s’attaquent souvent aux populations civiles. Des cas rares au Mali ont été observés, où des gens soupçonnés d’être des collaborateurs ou informateurs de l’armée malienne et des forces françaises, ont fait l’objet d’assassinats ciblés.

Une nouvelle étape vient donc d’être franchie avec la dernière attaque à Koulikoro. Si Gao, Tombouctou, Kidal et Mopti étaient le théâtre de telles actions, c’est la première fois qu’une attaque à la voiture piégée soit menée à proximité de Bamako. Jusque-là, les attentats qui ont secoué la capitale malienne étaient l’œuvre de deux ou trois personnes qui descendaient dans des lieux fréquentés pour tirer sur tout ce qui bouge. Le mode d’action des assaillants du restaurant La Terrasse, de l’hôtel Radisson Blu, du Campement Le Kangaba, est plus facile à circonscrire que l’attentat du dimanche 24 février.

L’attaque de Koulikoro ne manquera pas de créer une certaine psychose dans la capitale et ses environs. Une éventuelle présence de ces nervis à Bamako avec un mode opératoire plus dévastateur est source de grandes inquiétudes. Surtout que le Mali s’apprête probablement à entrer dans une période d’incertitudes avec le projet de révision constitutionnelle. La démarche initiée par le gouvernement étant loin d’être partagée par une composante essentielle de la classe politique et de la société civile.

Les travaux du Comité d’experts en charge de la réforme constitutionnelle menés à pas de charge, ne suscitent pas un grand enthousiasme. La rencontre, mardi dernier entre le Président de la République et le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, n’est qu’un pas infime dans la résolution de l’océan de divergences. Le climat social reste encore tendu avec la grève du corps des enseignants du fondamental et du secondaire. L’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) s’est saisie du dossier en décrétant une grève de 72 heures qui a pris fin hier.

Face à tous ces défis auxquels l’Etat fait face, il y a un grand risque de voir les services de renseignements et de sécurité déployer plus d’efforts à déjouer les manœuvres des opposants aux réformes et à contrer d’autres contestations sociales que de porter une surveillance accrue sur les groupes islamistes.

Chiaka Doumbia

 Le Challenger