Si cet autre « mammouth » est forcément à réformer, les marges de manœuvre sont ténues pour le gouvernement. La contestation sociale des derniers mois menace de renaître. Le chef de l’État a donc décidé de jouer la carte de l’apaisement et de l’écoute des Français. Mais cela suffira-t-il à contenir la grogne commençant à poindre ?

 

Si le feu de la contestation sociale de l’hiver dernier n’est plus incandescent, les braises sont encore rosées. Dix mois après l’apparition des Gilets jaunes sur les ronds-points, l’occupation de ces giratoires et les manifestations hebdomadaires un peu partout en France, le mouvement de grogne s’est calmé avec l’été… mais il semble prêt à renaître.

Pour l’heure, les tentatives en ce sens ne sont que sporadiques, les appels à se rassembler peinent à trouver de l’écho sur les réseaux sociaux, les quelques Gilets jaunes qui se mobilisent encore ne sont plus qu’une poignée… Mais une simple étincelle pourrait très vite rallumer l’incendie de la colère et pousser à nouveau dehors des milliers de Français.

Malgré les annonces gouvernementales du printemps, la multiplication des cahiers de doléances dans les mairies et l’organisation du Grand débat, une grande partie de la société se sent toujours laissée pour compte et n’est plus décidée à se laisser faire. La défiance à l’égard de la politique gouvernementale est toujours extrêmement forte. Le baromètre est d’ailleurs loin de s’inverser.

Marges de manœuvre réduites

Emmanuel Macron l’a parfaitement bien compris. S’il est bien décidé à mener à leur terme les grands chantiers qu’il a promis en début de quinquennat, il sait que les marges de manœuvre sont aujourd’hui réduites, voire très ténues, pour plusieurs d’entre elles.

À commencer par la réforme des retraites, pour laquelle des négociations sont de nouveau en cours ce jeudi 5 septembre entre Matignon et les partenaires sociaux. Si la ferme volonté de simplifier cet autre « mammouth » (1) est à mettre au crédit du chef de l’État – quand ses prédécesseurs s’y sont cassé les dents ou ont préféré fort opportunément ne pas s’y intéresser – l’époque n’est plus très porteuse à de grandes ambitions. Les syndicats sont déjà prêts à sortir les banderoles, les Gilets jaunes leur tenue fluorescente. « Nous ne voulons pas d’une réforme d’équilibre financier, mais de progrès social », a d’ailleurs averti le patron de la CFDT, Laurent Berger, ce jeudi matin.

Ce n’est donc pas un hasard si le Président avance à pas de loup sur la question bien épineuse, allant même jusqu’à détricoter à la fin août les premières annonces faites par le Haut-commissaire à la réforme des retraites un mois plutôt tôt ! Emmanuel Macron sait pertinemment qu’il joue gros et ne veut pas se rater… surtout à l’approche des échéances municipales, cruciales pour ancrer le parti présidentiel au cœur des territoires.

Faute de carre

La présentation du texte en conseil des ministres après le scrutin de mars 2020, alors qu’elle était théoriquement annoncée pour cet automne, montre bien que le chef de l’État marche sur des œufs. La moindre faute de carre lui serait fatale à maintenant deux ans et demi des prochaines présidentielles.

Tirant les leçons de la colère des Gilets jaunes, le président de la République va donc lancer une « grande concertation citoyenne » des Français sur les retraites. Une manière de leur donner la parole, de les entendre… et surtout de les écouter, tout le monde l’espère…

L’écoute, c’est d’ailleurs ce que va marteler à ses troupes le patron de La République en marche lors du « Campus des territoires » du parti présidentiel ce week-end à Bordeaux. « Si on ne prend pas à bras-le-corps la suite du Grand débat, alors les vagues vont revenir et de plus en plus fortes », prévient Stanislas Guerini.

Pas question de battre en retraite sur les retraites, mais gare à toute nouvelle décote dans l’opinion. Un dosage pas simple du tout  ! Un casse-tête même.

(1) Nom donné à l’Éducation nationale par l’ancien ministre Claude Allègre en 1997.

 

SourceOuest-France