“Nous fermons l’économie, fermons aussi les marchés boursiers”, résume un professionnel français. Une hypothèse rejetée quasi-unanimement à Wall Street.

 

Prise de température obligatoire. En arrivant lundi au New York Stock Exchange, dans un quartier de Wall Street de plus en plus déserté, les courtiers du “floor” ont été accueillis par une équipe médicale. Une mesure de précaution pour tenter d’empêcher la contamination du temple du capitalisme américain par le coronavirus. Car celui-ci doit rester ouvert, coûte que coûte. Un symbole fort pour la finance américaine, même si quasiment l’intégralité des échanges n’ont plus lieu ici.

Au-delà de la question de la fermeture du “floor” pour des raisons sanitaires, émerge désormais un autre débat: ne faudrait-il pas suspendre les marchés financiers le temps que l’épidémie du coronavirus se calme ? Et ainsi éviter la panique des investisseurs alors que les conséquences sur l’économie restent encore très difficiles à mesurer. “Nous fermons l’économie, fermons aussi les marchés boursiers”, résume un professionnel français. Mardi, les Philippines sont devenus le premier pays à franchir le pas.

“Si les marchés ferment, c’est fini”

Mais aux Etats-Unis, cette hypothèse est rejetée quasi-unanimement, malgré la spectaculaire chute des indices boursiers (-32%, par exemple, pour le Dow Jones depuis le 12 février). Cela ne ferait “qu’alimenter l’anxiété”, souligne Stacey Cunningham, la patronne du New York Stock Exchange. “Fermer les marchés ne modifierait pas les causes fondamentales de la baisse des cours, ne permettrait plus de refléter de façon transparente l’état d’esprit des investisseurs, et réduirait l’accès des investisseurs à leur argent”, ajoute-t-elle.

“Les marchés doivent continuer à fonctionner dans des périodes comme celles que nous traversons actuellement”, renchérit Jay Clayton, le patron de la SEC, l’autorité américaine des marchés financiers, interrogé par la chaîne CNBC. “Le but de ces marchés est d’apporter aux titres – actions et obligations – de la liquidité et la possibilité d’être échangés”, rappelle, par ailleurs, Richard Scylla, spécialiste de l’histoire des marchés financiers à l’Université de New York. “Si les marchés ferment, c’est fini. A plus long terme, cela découragerait les gens d’investir”, souligne-t-il.

Des précédents

La dernière fois que Wall Street a tiré le rideau, c’était en 2001, juste après les attentats du 11-Septembre. Quatre jours de fermeture, le temps de permettre à la Réserve fédérale de préparer sa riposte consistant à abreuver les marchés de liquidités. A la réouverture, le Dow Jones n’avait ainsi cédé “que” 7,13%. A comparer avec les 12% perdus lundi 16 mars. En 1933, les marchés avaient également été suspendus pendant près de deux semaines. Après un plan de sauvetage des banques, le Dow Jones avait bondi de 15,3%, sa meilleure performance historique.

Si elle a déjà été efficace par le passé, la fermeture des marchés ne le serait peut-être pas aujourd’hui. D’abord, parce que les grandes banques centrales ont déjà tenté de juguler la baisse, notamment la Réserve fédérale qui a procédé à deux baisses de taux, les ramenant à zéro. Et qui a lancé un nouveau programme d’assouplissement quantitatif. Comme la Banque centrale européenne, elle ne dispose plus de beaucoup d’outils. Ensuite, parce que la priorité des gouvernements est aujourd’hui de limiter les conséquences financières pour la population, pas de relancer la consommation.

Limitation des ventes à découvert

Autre problème: la durée de la fermeture. La propagation de la pandémie, et toutes les incertitudes qu’elle génère, “ne va pas s’arrêter avant quelques semaines, et il est inimaginable d’être sur un scénario comme en 1914, où la Bourse de New York avait fermé pendant quatre mois et demi”, souligne Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Banque.

A défaut de suspendre les marches, les régulateurs pourraient simplement limiter les ventes à découvert, qui permettent de parier sur la baisse des cours. Mardi, l’Autorité des marchés financiers (AMF) les a interdites sur une centaine de titres français.   Et le ministre de l’Economie Bruno Le Maire se dit prêt à aller encore plus loin. A plus long terme, les très fortes variations des marchés pourraient déboucher sur une réflexion autour du rôle du courtage à haute fréquence et tout automatisé. “L’ampleur et la rapidité des mouvements est si importante, à la hausse comme à la baisse, que beaucoup s’en plaignent”, note Quincy Krosby, responsable de la stratégie des marchés chez Prudential Financial.

La tribune.fr avec AFP