Avec plus de 526 000 personnes contaminées et plus de 23 700 décès dans 175 pays (le Mali entre dans la liste avec quatre cas), le Covid-19, parti en décembre de la province de Hubei (Chine), est la preuve que nous sommes bien dans un monde globalisé où les frontières sont imaginaires.

 

Outre les urgences sanitaires qu’il a causées en quelques semaines, qui ont poussé dans un premier temps à « l’égoïsme des États » en Europe, la crise sanitaire prépare un bouleversement géopolitique dans le monde. Au moment où la Chine enregistre une baisse de contagion locale, le nombre des contaminés double chaque trois jours aux États-Unis et dans plusieurs pays dans le monde. Le Covid-19 a changé de foyer, faisant dorénavant de l’Europe l’épicentre.

Ce changement brusque a eu un impact significatif sur les relations entre les États européens en particulier et sur l’économie mondiale en général. De fait, les réponses varient de la fermeture des frontières à la limitation des échanges touristiques, au blocus de la production manufacturière en Chine avec la baisse des bourses en Asie, en Europe et aux États-Unis.

Tensions au sein de l’Union européenne

Alors que le nombre de morts et de personnes testées positives augmentaient d’une manière vertigineuse depuis le début du mois de mars en Italie, les gouvernements français et allemand ont interdit l’exportation des matériels médicaux. L’Italie, qui était dépassée par les événements au cœur de son poumon économique, la Lombardie, se voit abandonner par ses partenaires européens avec des restrictions aux frontières.

Ces fermetures de frontières, illégales, enterreraient implicitement le traité de Schengen. Bruxelles, pour éviter un tel scénario, a pris le devant pour demander la fermeture des frontières extérieures de l’Union européenne et le retour provisoire des contrôles aux frontières entre les pays membres. Il faut toutefois souligner que le contrôle aux frontières a été instauré une centaine de fois à cause des multiples crises migratoires, mais ne limitait aucunement le déplacement des citoyens de la communauté.

L’allié Chinois mieux que le partenaire européen en cas de crise ?

A peine la maladie a commencé à se propager en Italie, les premières réactions des pays européens ont été de se retrancher dans le protectionnisme en oubliant toutes les notions de solidarité voire en violant des traités. Malgré que l’Italie ait été parmi les premiers pays à suspendre tout vol avec elle pour limiter sa contagion, la Chine s’est empressée de lui apporter son aide en envoyant neufs médecins expérimentés pour partager l’expérience Chinoise, des tonnes de médicaments, un millier d’appareils respiratoires, 50.000 tampons pour effectuer des diagnostics et 20.000 combinaisons de protection.

Il est intéressant de rappeler que, depuis la signature de presqu’une trentaine de contrats en mars 2019, l’Italie est devenue pour la Chine la porte d’entrée en Europe. Alors même qu’elle savait qu’elle fâcherait ses alliés historiques, américains et européens, la péninsule a adhéré au projet millénaire de Xi Jinping : « One belt, one road », communément appelé la « Nouvelle route de la soie ».

Après l’annonce de l’aide chinoise, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, ne s’est pas empêché de faire un tacle à ses partenaires : « Nous nous souviendrons de tous les pays qui nous ont été proches pendant cette période, de tous ces pays qui ont été avec nous en cette période de difficultés. » Un message que le couple franco-allemand a vite compris en appelant l’Union européenne à apporter toute l’aide nécessaire à l’Italie.

L’administration Trump avait tenté une manœuvre égocentrique en proposant de racheter à un milliard de dollars une entreprise allemande, CureVac, leaders dans la recherche de vaccin du Covid-19 dans le monde afin qu’elle puisse produire ce vaccin « exclusivement pour les États-Unis ». Par contre, Pékin voit cette crise à la fois comme un défi mais aussi une opportunité pour améliorer son image aux yeux des européens réticents à son projet « Nouvelle route de la soie ». La Chine entend aussi marquer sa différence avec la puissance outre-Atlantique, qui s’isole depuis 2017 après l’investiture de Donald J. Trump, et peu fiable ces dernières années.

La Chine en sauveur de l’humanité

La décision protectionniste prise par la Commission de l’Union européenne de soumettre au préalable aux gouvernements des États européens l’autorisation ou non de l’exportation des matériels médicaux pour la protection a été mal accueillie par le « potentiel 28e membre de l’union », la Serbie. Pour le Président de cette République balkanique de l’ex-Yougoslavie et candidat à l’Union européenne, Aleksandar Vucic « (…) la grande solidarité internationale n’existe pas. La solidarité européenne n’existe pas. C’est un conte de fées sur papier (…) Nous avons les plus grands espoirs dans la seule qui peut nous aider, à savoir la Chine ». Il est clair que cette crise a créé une tension entre les différents partenaires. Mais comme toute crise, quelqu’un sort gagnant.

Le Covid-19 a donné l’occasion à Pékin de jouer de sa diplomatie de soft power pour apporter son aide à la France, à l’Allemagne, à l’Espagne mais aussi à presqu’une centaine d’autres pays. Les grandes entreprises chinoises comme Alibaba de Jack Ma, ou Huawei, Tencent et d’autres contribuent aussi à cette diplomatie en apportant leur aide partout dans le monde. Et l’Afrique n’est pas en reste avec les premiers lots en Éthiopie le 22 mars.

Bien que rien ne soit sûr avec cette crise du Covid-19, nous pouvons facilement imaginer quand on aurait tourné cette page que le monde connaitra un changement et un bouleversement géopolitique.


Alpha Alhadi Koïna est doctorant en géopolitique et en relations internationales à l’Université de Pise (Italie)

Source : Benbere