Guerre en Ukraine : « Présenter le Sud global comme un bloc d’opposition anti-occidental est une caricature »

Sept mois après le début de cette guerre destructrice et en butte à la résistance des Ukrainiens, le paysage politico-diplomatique a changé. Aujourd’hui, si l’une des parties est isolée, c’est la Russie, analyse Alain Frachon, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

Dans le soutien qu’ils apportent à l’Ukraine, les Occidentaux seraient isolés, assure-t-on. Une grande partie du monde ne partagerait pas l’indignation du « collectif occidental », comme on dit à Moscou. Vladimir Poutine bénéficierait de la neutralité bienveillante, voire de la compréhension, non seulement de la Chine, mais aussi de l’Inde et de ce qu’on appelle, dans une généralité abusive, le Sud global.

Après tout, cette guerre entre « Blancs » de même religion n’intéresserait ni l’Afrique, ni l’Asie, ni le monde arabe. A Paris, un commentateur français engagé, contempteur de « l’occidentalisme », annonçait : « Nous [Occidentaux] sommes seuls [à déplorer l’agression russe et à aider Kiev]. » A Moscou, l’un des analystes les plus sophistiqués des positions du Kremlin, Fiodor Loukianov, en déduit que la Russie, sur les champs de bataille de l’Ukraine, est du bon côté de l’histoire. Dans la revue qu’il dirige, Russia in Global Affairs, Loukianov écrit que la guerre en Ukraine ferait de la Russie le « porte-drapeau » d’un Sud global lassé de la domination occidentale sur les affaires du monde.

Façon de dire que l’artillerie russe, matraquant les villes et incendiant les plaines de l’Ukraine, bref défiant l’Occident, annoncerait l’entrée dans une nouvelle ère et la fin de l’hégémonie que le « collectif occidental » exercerait depuis 1945 – thèse qu’Emmanuel Macron s’est attaché à démonter, mardi 20 septembre, depuis la tribune de l’ONU à New York.

Fin février, au Conseil de sécurité de l’organisation, la Chine et l’Inde (plus de 30 % de la population mondiale) s’étaient abstenues de condamner l’agression russe. A l’Assemblée générale, même abstention de la part de nombre de pays africains et de certains arabes, parmi d’autres.

Mais cela, c’était fin février ou début mars, avant que l’armée russe ne bute sur la résistance des Ukrainiens. Sept mois plus tard, en arrière-fond d’une guerre terriblement destructrice, le paysage politico-diplomatique est différent. Aujourd’hui, si l’une des parties est isolée, c’est la Russie. En témoignent les gestes observés et les mots prononcés la semaine dernière dans la capitale de l’Ouzbékistan. Samarcande accueillait un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Créée en 2001 à l’initiative de Pékin, l’OCS regroupe, outre la Chine, la Russie et l’Inde, la plupart des pays d’Asie centrale.

Pas dans tous les domaines

Le 4 février, Moscou et Pékin célébraient « l’amitié sans limites » qui les lie dans une bataille politique commune : prendre le pas sur le leadership américain. Mais à Samarcande, la partie chinoise a rappelé qu’il y avait des limites à l’entente cordiale sino-russe. Ouvrant un face-à-face avec Xi Jinping, Vladimir Poutine a pris les devants : « Nous comprenons vos interrogations et vos préoccupations. » Traduire : les Chinois ont manifesté leur désaccord à leur ami.

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Source: Le Monde

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