Le Kremlin a annoncé jeudi la préparation d’un sommet inédit entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un et le président Vladimir Poutine, prévu pour fin avril en Russie, signe du rôle accru que Moscou souhaite avoir dans ce dossier brûlant.

 

Cette annonce intervient dans un contexte de tensions entre Pyongyang et Washington après un sommet raté en février, la Corée du Nord exigeant désormais le retrait du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo des discussions sur ses arsenaux nucléaires, quelques heures après avoir annoncé l’essai d’un nouveau type d’arme.

La rencontre entre Kim Jong Un et Vladimir Poutine sera la première du genre. Le dirigeant nord-coréen aurait dû se rendre à Moscou en mai 2015 pour les 70 ans de la victoire des Alliés lors de la Seconde guerre mondiale, mais il y avait renoncé quelques jours avant.

La sommet faisait depuis plusieurs jours l’objet de spéculations dans la presse russe, sud-coréenne et japonaise, selon lesquelles il pourrait avoir lieu dès le début de semaine prochaine à Vladivostok, dans l’Extrême orient russe.

« La Russie se doit d’avoir au moins quelque contrôle sur la situation dans la péninsule coréenne. Les événements récents ont évincé presque tout le monde hormis la Corée du Nord et les Etats-Unis », relève Andreï Lankov, de l’université Kookmin de Séoul.

Ces dernières années, des responsables russes se sont rendus à plusieurs reprises en Corée du Nord, et des responsables nord-coréens en Russie. Les deux pays entretiennent des relations amicales, Moscou prônant, comme Pékin, un dialogue avec Pyongyang sur la base d’une feuille de route définie par les deux puissances.

En 2011, le père de Kim Jong Un, Kim Jong Il, s’était rendu en Sibérie pour rencontrer Dmitri Medvedev, l’actuel Premier ministre russe qui était alors président. Mort peu après cette visite, Kim Jong Il s’était alors dit prêt à renoncer aux essais nucléaires.

Le dossier nord-coréen a été abordé jeudi lors d’une rencontre « constructive » à Moscou entre l’émissaire américain pour la Corée du nord, Stephen Biegun, et un haut diplomate russe, selon l’ambassade américaine en Russie.

– « Gangster » –

La Corée du nord a accusé jeudi Mike Pompeo de manquer de prudence et de maturité, demandant la désignation d’un nouvel interlocuteur américain et faisant monter les enchères en pleine impasse diplomatique.

Le département d’Etat américain a pour sa part rétorqué que les Etats-Unis « restent prêts à dialoguer avec la Corée du Nord dans le cadre de négociations constructives ».

Après une année 2018 marquée par un spectaculaire rapprochement sur la péninsule coréenne et un sommet historique entre le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un et le président américain Donald Trump, la détente apparaît de plus en plus fragile, dans la foulée du fiasco de la seconde rencontre entre les deux hommes en février à Hanoi.

« Je crains que si M. Pompeo participe encore aux discussions, l’atmosphère sera mauvaise et les discussions vont à nouveau s’engluer », a déclaré le responsable des Affaires américaines au ministère nord-coréen des Affaires étrangères Kwon Jong Gun, selon l’agence publique KCNA.

Pyongyang l’avait déjà accusé, avec le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche John Bolton, d’être responsable de l’échec de Hanoi pour avoir « créé une atmosphère d’hostilité et de défiance ». L’été dernier, la Corée du Nord avait dénoncé ses « méthodes de gangster ».

Depuis le début du processus diplomatique l’an passé, Pyongyang a toujours préféré traiter directement avec M. Trump, qui présente M. Kim comme son « ami » et n’évoque quasiment plus jamais les violations massives des droits humains imputées au régime nord-coréen.

– « Puissante ogive » –

La charge de Pyongyang contre M. Pompeo est intervenue quelques heures après que KCNA eut rapporté que M. Kim avait supervisé l’essai d’une nouvelle « arme tactique guidée » avec une « puissante ogive », contribuant aux doutes quant au processus diplomatique.

Kim Jong Un a qualifié ce test d’ »événement d’une très grande importance pour accroître la puissance de combat de l’Armée populaire » nord-coréenne.

La Corée du Sud n’a rien détecté sur ses radars, a indiqué à l’AFP un responsable militaire, jugeant improbable qu’un missile ait été tiré. La présidence sud-coréenne et des responsables du Pentagone ont refusé de s’exprimer sur cette annonce.

Pour Ankit Panda, analyste spécialisé dans les questions nord-coréennes, « il peut s’agir de n’importe quoi, depuis un petit missile antichar téléguidé jusqu’à un missile sol-air, en passant par un système de roquettes d’artillerie ».

Le Centre des études stratégiques et internationales (CSIS), basé à Washington, a de son côté fait état mercredi de signes d’activité sur le complexe de Yongbyon, principal site nucléaire nord-coréen, laissant penser à une reprise du retraitement de matières radioactives à des fins militaires.

AFP