Le ministre français des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, était à Kosyam le 8 janvier dernier où il a rencontré le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré avec lequel il a abordé des sujets relatifs à la coopération économique, sociale et surtout sécuritaire entre la France et le pays des Hommes intègres.

 

La France, en tant que premier partenaire bilatéral du Burkina, entend, foi de Le Drian,  reconduire les aides participant au développement économique et social de notre pays, notamment dans les domaines humanitaire et sanitaire. Le ministre français a profité de son séjour ouagalais pour aborder avec son hôte, l’inévitable question de la sécurité dans les pays du Sahel et de la contribution de l’Hexagone dans la lutte contre le terrorisme dans cet espace.

A l’heure où la France cherche à s’extirper du bourbier sahélien avec la réduction annoncée de ses troupes, Jean Yves Le Drian a opportunément rappelé qu’il appartenait, à terme, aux États africains d’assurer leur propre sécurité, car la France qui a jusqu’ici été en première ligne dans la défense de l’intégrité territoriale de bon nombre de pays africains, est financièrement à bout de souffle. Si on ajoute à cela le bilan plus que mitigé des différentes opérations militaires de l’armée française dans les pays du Sahel et les opinions publiques de plus en plus vent debout contre le paternalisme de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies, on comprend aisément l’air navré de Jean Yves Le Drian quand il évoque à demi-mots la probable réduction des effectifs de la force Barkhane, sans doute après le sommet France-G5 Sahel de Ndjamena, en février prochain. C’est triste de le dire,  soixante ans après les indépendances, si la France abandonne aujourd’hui le théâtre des opérations aux armées des pays sahéliens, les terroristes risquent de gagner du terrain à moins que nos États ne développent des initiatives locales comme le renforcement de la coopération sur les plans militaires et du renseignement, l’ouverture de négociations entre les protagonistes et la mise en place de plans et programmes de développement des zones défavorisées.

Il va falloir qu’on se serre les coudes pour faire face à toutes les éventualités

Malheureusement, force est de reconnaître que depuis que les arsenaux militaires de la Libye de Mouammar Kadhafi sont tombés dans de mauvaises mains à la chute du dictateur en 2011,  toutes les initiatives de développement endogène prises par les différents gouvernements au profit des zones touchées par l’insécurité, sont aujourd’hui au bord du collapse si elles n’ont pas été tout simplement abandonnées. Le retour à la paix dans nos différents pays est donc plus qu’un impératif, et il faut reconnaître qu’il n’appartient pas à la France de jouer éternellement le rôle de pays providentiel dans la sécurisation de nos territoires en butte aux attaques terroristes.

Si militairement, il nous est impossible de gagner cette guerre asymétrique et absurde, alors pourquoi ne pas instaurer le dialogue entre belligérants afin de trouver la solution ? Il y a des signes encourageants qui indiquent que les dirigeants maliens et certains groupes armés adhèrent désormais à cette stratégie pour sortir de la crise, comme par exemple le dialogue entre frères ennemis de la CMA et de la Plateforme au Mali, qui a abouti à un accord le 8 janvier dernier, sur la gestion de la commune d’Aguelhok qui a été au centre de vives tensions entre les Touaregs de la région de Kidal. Cette bourgade de l’extrême Nord du Mali, a été, on s’en souvient, la cible de l’attaque meurtrière qui a déclenchée cette interminable crise malienne, qui s’est soldée par la mort de plus d’une centaine de soldats maliens en janvier 2012. Depuis, Aguelhok était convoitée à la fois par les autonomistes Touaregs, les desperados salafistes et les supplétifs de l’armée malienne, accentuant ainsi la déchirure et compliquant du coup tous les efforts de pacification fournis par la communauté internationale à travers le déploiement de la MINUSMA.

Maintenant que deux des principaux acteurs de la lutte pour le contrôle d’Aguelhok, ont eu la sagesse de s’asseoir sous la même tente et de se parler de mano a mano, on a abouti à un accord sur la gestion commune de la cité ; ce qui va faire baisser la tension et étendre possiblement ce mode de gestion de crise à d’autres zones crisogènes du Mali et même de ses voisins. Du reste, au Burkina comme au Niger, il y a des zones où des massacres se perpétraient de jour comme de nuit il y a seulement quelques mois, et qui peuvent aujourd’hui être considérées comme étant en convalescence de l’horreur, bien que le problème sécuritaire soit loin d’être réglé. S’agit-il d’un cessez-le-feu en trompe-l’œil, ou d’un retour progressif à la paix définitive suite à des négociations souterraines ? Bien malin qui pourra y répondre, mais les derniers développements dans les provinces du Yagha et du Yatenga au Burkina Faso ainsi que dans la région de Tillabéry au Niger, n’incitent guère à l’optimisme. Il va falloir donc qu’on se serre les coudes pour faire face à toutes les éventualités, comme le désengagement progressif de la France et la recrudescence des attaques terroristes. Car, il est paradoxal de tirer à boulets rouges sur la France au nom d’un nationalisme étriqué, et être incapable de défendre l’intégrité de son territoire sans appeler la même France à la rescousse. C’est ce message que le diplomate français est venu transmettre très diplomatiquement au président du Faso, vendredi dernier. A bon entendeur, salut !

SourceLe Nouveau Réveil