Six ans après sa signature, l’Accord de paix issu du processus d’Alger continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. La semaine passée, un nouveau front anti-accord a vu le jour pour s’opposer à sa mise en œuvre. Qu’est-ce qui explique ces soulèvements contre l’Accord de paix ? Où se situent les problèmes ? Que dit l’Accord en cas de relecture ? Adam Dicko, Directrice exécutive de l’ONG-Ajcad, livre son analyse.

Mali-Tribune : Depuis sa signature il y a six ans l’Accord de paix n’est toujours pas mis en œuvre, concrètement où se situent les problèmes?
Adam Dicko : Le premier problème de l’Accord est qu’il a été mal expliqué aux Maliens. On a fait comprendre aux Maliens et surtout à ceux du Sud que cet Accord c’est pour les régions du Nord, que cet accord c’est beaucoup plus pour les groupes armés que pour le Mali. Donc la plupart des Maliens surtout les Maliens du Sud se sont braqués contre cet Accord sans même pourtant le lire. Depuis la signature de l’accord, il y avait déjà un front de refus parce que la communication tenue autour de l’Accord a fait comprendre à beaucoup de Maliens du Sud que cet Accord va venir pour prôner le développement du Nord au détriment des régions du Sud.

Le deuxième problème, c’est les discours démagogiques des autorités à l’époque qui ont signé cet Accord. Tantôt ce sont les même personnes qui disent dans les coulisses que l’Accord n’est pas bon ça n’arrange pas le pays ça prône la division du Mali en même temps, ce sont les mêmes personnes qu’on retrouvait à Bruxelles, Paris et New-York en train de plaider auprès de la communauté internationale pour lever des fonds pour la mise en œuvre de l’Accord pour le développement des régions du Nord.

Le troisième problème est que les Maliens ont pris cet Accord surtout les autorités maliennes comme si la signature de l’Accord était une fin en soi alors que l’Accord n’est qu’un mécanisme pour arriver à quelque chose qui est la présence de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire. En dehors de ça, il y a eu une mauvaise vulgarisation de cet Accord dû à un manque de volonté politique manifeste, l’Accord a été traduit dans douze langues avec des centaines de copies, mais ça n’a rien donné d’autant que le problème du Mali c’est un problème d’alphabétisation.

En réalité, il y n’a pas de problème autour de cet Accord contrairement à ce qu’on dit. L’Accord est en train d’être mis en œuvre peut-être une manière intelligente et très lente, il faut reconnaitre que la signature de l’Accord nous a fait parvenir à un semblant de paix, c’est beaucoup mieux que la guerre.

Mali-Tribune : Il y a un front anti-accord qui a vu le jour avec des activistes comme Abdoul Niang. Est-ce que avec la situation actuelle ce front peut galvaniser du monde pour relancer le débat autour de l’accord ?
A. D. : Quand je vois un Abdoul Niang qui dirige un front du refus contre l’Accord sachant que ce même Abdoul Niang a participé à faire campagne pour IBK qui avait quand même assuré dans son projet de société la mise en œuvre de l’Accord, je me dis ça cloche quelque part. Tu ne peux pas être pour quelqu’un qui prône la mise en œuvre de l’Accord et après dire que toi tu es complément contre l’Accord, mais tu es complément pour cette personne.
Maintenant que les gens soient contre l’Accord, qu’on soit à Bamako pour créer un front contre l’accord, ou on est pour l’accord pour moi ça ne change rien. L’accord dans son article 69 dit qu’il peut-être révisé par les parties. Je ne pense pas qu’Aboul Niang fasse partie des parties. Aujourd’hui il est important que les autorités prennent la main ce n’est pas quelque chose qu’on nous a parachuté ça été signé. Le processus a commencé en Alger et conclu à Bamako et l’Accord a été signé aux yeux du monde et devant tout le monde. Je n’ai pas vu ce jour là quelqu’un avec un Kalachnikov derrière le président en l’obligeant de signer. Vous ne pouvez pas refuser tout le document, il peut y avoir des problèmes avec les articles, mais pas tout le document entier.

Mali-Tribune : Quelle analyse faites-vous de la visite de six ministres du gouvernement à Kidal ?
A. D. : La visite des ministres à Kidal n’est pas un fait nouveau. Nous avons vu Moussa Mara, Soumeylou Boubèye Maïga et Boubou Cissé quand ils étaient Premier ministre se rendre à Kidal. La visites des six ministres à Kidal peut donner un élan dans le sens que dans la délégation, il y avait des gens de Kidal qui se sont battus à Kidal pour clamer l’indépendance de Kidal et aujourd’hui qui sont revenus sous d’autres couleurs, sous d’autres formes et sur des positions plus dignes et plus patriotiques en demandant à la population de Kidal de soutenir les autorités, de se reconnaitre dans l’Etat malien et que les dispositions vont être prises pour le développement de Kidal. Maintenant est-ce que ça va amener un changement ? Nous espérons.

Mali-Tribune : Pourquoi les nouvelles autorités ont décidé de surseoir à la relecture de l’Accord de paix, alors que le DNI l’a recommandé ?
A. D. : L’Accord lui-même prévoit sa relecture mais à des conditions. Pour sa révision, il faut que les trois parties s’asseyent et discutent. Ce n’est pas un DNI qui va dire comment réviser l’Accord, qu’il faut réviser l’Accord. C’est les parties qui doivent s’asseoir pour réviser l’accord ce n’est pas comment on va appeler tous les Maliens au CICB pour relire l’Accord.

Mali-Tribune : Après deux reports sine die, le comité de suivi de l’accord de paix prévoit une réunion à Kidal dans les jours suivants Est-ce que cette fois serait la bonne ?
A. D. : Peut-être que cette fois-ci va être la bonne. Cette fois-ci nous avons la plateforme et la CMA dans le gouvernement peut-être qu’ils vont faciliter le processus. Nous espérons aussi que la CMA et la plateforme vont être des responsable parce qu’il faut le dire à chaque fois qu’il y a eu des avancées sur l’Accord, la CMA va prendre une décision farfelue pour ramener tout le monde encore en retard.
Propos recueillis par
Ousmane M. Traoré
(Stagiaire)

Source: Mali Tribune