La force conjointe du G5 Sahel devrait être opérationnelle à l’automne prochain, bien que son financement soit loin d’être bouclé et que plusieurs questions subsistent quant à son mandat et son opérationnalisation.

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Michel Goya, stratégiste, analyste et historien militaire, ancien officier dans l’armée de terre française, breveté de l’Ecole de guerre, analyse pour le Journal du Mali cette nouvelle force inter-africaine qui devra combattre le terrorisme dans les cinq pays du Sahel.

La force conjointe du G5 ne dispose ni des fonds ni de l’équipement nécessaire à son fonctionnement. Son opérationnalisation est-elle possible pour l’automne prochain ?

L’opération Barkhane,  4 000 soldats sur l’ensemble des pays du G5 Sahel, coûte entre 500 et 600 millions d’euros par an. C’est autant que les budgets de défense des pays du G5 du Sahel réunis. Le fonctionnement d’un équivalent africain, même doté de moyens moins sophistiqués, ne peut pas être financé par ces Etats. Il faudra trouver les financements adéquats auprès de donateurs comme des organisations régionales ou des nations comme la France ou les Etats-Unis. C’est un processus long et complexe, par ailleurs régulièrement remis en question. Le financement est toujours le talon d’Achille de toutes les forces inter-africaines. Il est probable qu’il en sera de même cette fois d’autant plus qu’on ne connaît pas très bien le mandat de la nouvelle force, ce qui rend plus difficile la justification des aides. La force sera officiellement qualifiée d’opérationnelle à l’automne mais il est peu probable qu’elle le soit pleinement.

Comment cette force militaire devrait-elle être équipée et organisée pour bien fonctionner ?

Une force militaire n’est pas un objectif en soi mais un instrument au service d’une stratégie. Or, on ne sait pas très bien en réalité à quoi va servir cette force. S’agit-il d’une force d’appoint ou de substitution à Barkhane ? La France a-t-elle poussé à sa création pour augmenter l’efficacité générale de la lutte contre les organisations djihadistes ou simplement pour se dégager ? Une force de 5 000 hommes, voire de 10 000, comme on l’évoque à terme pour l’ensemble du Sahel, ne peut être qu’une force d’intervention. Elle doit disposer d’un état-major, de renseignements, de moyens aériens, terrestres et de transport. Surtout, elle doit disposer de troupes et là on ne sait pas très bien qui va les fournir. S’il s’agit de troupes nouvelles, il faudra un effort conséquent de formation et d’équipement dans des pays dont les forces armées sont déjà en flux tendus. Si ce sont, plus probablement, des forces déjà existantes, on ne voit pas très bien la différence avec la situation actuelle, les forces des pays du G5 Sahel étant déjà régulièrement engagées ensemble et avec les forces françaises pour lutter contre les groupes djihadistes.

Ces armées africaines pourront-elles facilement travailler ensemble ?

Elles travaillent déjà ensemble. On a même déjà une bonne expérience de l’emploi de forces interafricaines, régionales ou sous mandat de l’ONU. La force d’intervention conjointe multinationale qui regroupe des unités béninoises, camerounaises, nigériennes, nigérianes et tchadiennes pour lutter contre Boko Haram est très efficace. La difficulté pour coordonner l’action de différentes armées est technique. Il faudra donc un état-major commun qui est prévu pour être installé en position centrale, à Sévaré au Mali, et des moyens de communication communs, un des points faibles habituels des forces africaines. Il faut également une doctrine commune d’emploi des forces et un minimum de cohérence opérationnelle, en plus de la confiance mutuelle.

Quels sont les grands défis qui attendent cette force conjointe du G5 Sahel ?

Le défi tactique consiste à empêcher les groupes djihadistes de constituer des bases ou d’évoluer en forces importantes à l’intérieur du G5 Sahel. La menace, sans être éradiquée, sera ainsi maintenue à un niveau qui pourra être traité par d’autres forces et par d’autres services, la force de ces groupes n’étant pas seulement militaire. La vraie question, c’est l’articulation avec les autres forces présentes dans la zone, comme la MINUSMA, à laquelle elle pourra peut-être se substituer efficacement en récupérant les crédits qui y sont consacrés et un certain nombre de moyens, et surtout la force française Barkhane. Dans l’idéal, on pourrait envisager une fusion avec un commandement commun mais qui ne soit pas un subterfuge de la France pour se désengager.

 

Source: journaldumali