Dans cette interview, le recteur de l’Université de Ségou évoque les atouts de son établissement. Il s’étend aussi sur les innovations au programme afin de faire de l’institution universitaire de la capitale des Balanzans un espace commode d’apprentissage pour les étudiants

L’Essor : La rentrée universitaire est pour bientôt. Quelles sont les innovations cette année ?
Souleymane Kouyaté : Nous poursuivons volontiers les innovations introduites à travers le PGI cocktail. Il s’agit d’un système de pré-inscription préalable des néo-bacheliers au niveau du campus Mali, suivi de l’inscription administrative au sein de nos structures de formation auprès des équipes mobilisées à cet effet. Toujours au titre des innovations, nous avons pris des mesures pour améliorer le cadre des travaux pratiques qui accompagnent les enseignements. Pour ce fait, l’Institut universitaire de formation professionnelle (IUFP) a été doté d’un atelier mécanique renfermant des machines-outils modernes. Toujours concernant les innovations, le site des 9 hectares qui concentre l’essentiel de notre personnel et une grande partie des étudiants est désormais doté d’un restaurant universitaire confortable qui améliore considérablement le cadre de vie universitaire. Nous ajoutons à ces faits majeurs, l’exploitation, dès la rentrée prochaine, du nouveau bloc des 10 classes pour les programmes masters. Sur le plan académique, la révision des programmes de formation offre un cadre plus actualisé des enseignements. La formation généralisée des formateurs en pédagogie universitaire améliorera de manière significative le processus d’apprentissage au sein de nos structures.

L’Essor : Vous ambitionnez de faire de l’Université de Ségou, un pôle académique de premier plan au Mali. Comment comptez-vous vous y prendre ?
Souleymane Kouyaté : Notre vision à long terme est effectivement de bâtir un pôle d’excellence au Mali et dans la sous-région. Cela paraît très difficile eu égard à plusieurs facteurs souvent non maîtrisables. Cependant, nous estimons que le jeu en vaut la chandelle et que le rêve est bien à notre portée. Dans cette logique, nous comptons beaucoup sur le formatage de la qualité de nos enseignements en général pour faire une différence remarquable qui caractérisera notre environnement académique. Nous sommes très conscients des exigences endogènes et exogènes qui sont liées à cette ambition surtout en ce qui concerne la qualité des enseignants, des programmes de formation, l’existence d’infrastructures universitaires en quantité suffisante et en qualité, entre autres. Toutefois, nous adoptons une démarche séquentielle et à ce stade. Pour mieux nous connaître nous-mêmes après quelques années d’exercice et surtout pour connaître nos faiblesses qui peuvent empêcher notre évolution vers cet objectif, nous avons accepté de nous soumettre à une évaluation institutionnelle réalisée par une équipe internationale. Nous sommes dans l’attente du rapport d’évaluation.

L’Essor : La gestion des effectifs est un casse-tête dans beaucoup d’universités maliennes. Quelle est votre stratégie en la matière ?
Souleymane Kouyaté : À l’instar des autres universités du Mali, celle de Ségou est confrontée également à l’épineux problème des effectifs. Chaque année, le flux des néo-bacheliers est en croissance alors que les capacités d’accueil ne suivent pas ce rythme. Comme conséquence, il faut un recours sauvage aux baux qui ne répondent pas forcément aux exigences techniques des infrastructures universitaires. Naturellement, les efforts pour l’acquisition d’infrastructures propres ont permis en 2017 de réduire la masse des baux. Mais déjà en 2019, le problème est réapparu et il nous a fallu retourner aux baux pour contenir les effectifs en croissance exponentielle. Pour éviter l’atomisation de ces baux, nous avons un projet de location d’un complexe universitaire d’environ 2000 places situé à Sébougou, donc non loin de notre site principal des 9 hectares. Malheureusement, ce complexe n’est pas complétement terminé et entre-temps nous mettons au point et appliquerons un plan d’utilisation rationnelle de l’existant tout en veillant à ne pas augmenter les baux. Évidemment, nous poursuivrons notre politique de construction de salles de classes et d’amphithéâtres en ne nous basant pas exclusivement sur le Budget spécial d’investissements (BSI), mais, en cherchant à sceller également des partenariats publics et privés.

L’Essor : Quelles sont les filières de formation de votre université ?
Souleymane Kouyaté : Les filières de formation de l’Université sont aujourd’hui au nombre de 21 reparties entre quatre structures de formation. La Faculté d’agronomie et de médecine animale (FAMA), on y trouve au niveau licence des filières comme l’agro-économie, l’hydraulique agricole, la production et la santé animale, l’agriculture vivrière durable, le génie rural, la technologie agroalimentaire, la vulgarisation agricole orientée vers les chaînes de valeur et les ressources halieutiques et aquacoles. Au niveau Master, cette faculté propose aux étudiants, l’agro économie et l’hydraulique agricole. En ce qui concerne la Faculté des sciences sociales (FASSO), elle propose pour le niveau licence, la sociologie, l’aménagement du territoire et la communication des organisations. Pour le Master, il faut retenir la gouvernance, la décentralisation, le développement local et la sociologie politique. Pour la Faculté du génie et des sciences techniques (FAGES), en licence elle propose le génie civil, le génie électrique et le génie mécanique. Quant à l’Institut universitaire de formation professionnelle (IUFP), il propose des filières au niveau licence comme le génie informatique, l’assistant de direction, l’hôtellerie et tourisme, l’agrobusiness, l’eau-environnement-énergie renouvelable, la comptabilité finance et l’audit ainsi que le machinisme agricole.

L’Essor : Quelle est la particularité de l’Université de Ségou ?
Souleymane Kouyaté : La particularité de l’Université de Ségou réside dans un certain nombre de spécificités que je regroupe en trois points. Primo, c’est la première université publique située hors de la ville de Bamako dans une capitale régionale qui est la ville de Ségou. Secundo, c’est une université qui, en dehors de sa vocation agro-sylvo-pastorale, englobe plusieurs autres domaines. Elle n’est pas thématique comme celles de Bamako. Tiertio, les filières de formation de l’Université sont le reflet des réalités socioéconomiques de l’ensemble du pays en général et de la zone d’implantation en particulier. Il faut noter que le processus de leur définition implique avec force le monde socio professionnel régional et national.

L’Essor : Vous avez des chantiers pour augmenter la capacité d’accueil. Quand est-ce que ces nouveaux locaux pourront accueillir les étudiants ?
Souleymane Kouyaté : Effectivement, depuis 2016 nous développons un programme intensif d’acquisition d’infrastructures propres qui constitue d’ailleurs un des axes majeurs et notre plan stratégique de développement 2015-2020. C’est dans ce cadre que les blocs administratif et pédagogique de l’IUFP et de la FAMA ainsi que la salle de visioconférence de l’Université ont été achevés et équipés. Un nouveau bloc de 10 classes fut construit et équipé. La cantine universitaire fut également construite et équipée. L’atelier mécanique fut achevé et équipé de machines-outils pour les travaux pratiques. Actuellement, le bloc et les labos (P2, P3et P4) du département de médecine animale sont en plein chantier et seront terminés et équipés courant 2020. Nous lancerons très bientôt les marchés pour la construction de l’amphithéâtre de 350 places et du bloc de 8 classes tous sur le site des 9 hectares. Il faut ajouter à cela l’amphi préfabriqué de 300 places déjà disponible. Sous l’effet de ces différentes initiatives, notre capacité d’accueil a connu un changement fulgurant en passant de 500 étudiants au démarrage en 2012 a près de 3500 aujourd’hui, un chiffre à revoir après les inscriptions des nouveaux bacheliers.

L’Essor : Pouvez-vous nous édifier sur les défis et les préoccupations de l’Université de Ségou ?
Souleymane Kouyaté : Le défi principal de nos jours est de comment pouvoir doter l’université en enseignants permanents de qualité et en nombre suffisant. C’est vrai que nous n’avons pas encore de ressources propres à suffisance pour pouvoir recruter des enseignants contractuels et que l’apport de l’État dans ce domaine reste modeste. Mais, il faudra que nous évoluions dans ce sens. L’autre défi est l’acquisition d’infrastructures propres. Une logique s’installe petit à petit dans cette voie, mais faute de moyens financiers, le rythme est nettement en deçà des besoins. Aussi, l’augmentation annuelle du nombre des baux constitue pour nous une préoccupation constante. L’insécurité grandissante demeure également pour nous un défi à relever. À cet effet, nous comptons mettre en place avant la rentrée prochaine, le groupe de sécurité pour faire face aux actes de vandalisme, et aux autres formes de violence que nous observons sur le campus.

L’Essor : Selon vous qu’est-ce qui doit être fait pour faire face à ces problématiques ?
Souleymane Kouyaté : Pour faire face à la problématique des enseignants de qualité, il est attendu de l’État un recrutement massif d’enseignants chercheurs de haut niveau. Pour canaliser ce processus, nous mettons au point un plan de recrutement et un programme de formation des formateurs. Nous comptons beaucoup sur le Budget spécial d’investissements (BSI) et le partenariat public-privé (PPP) pour favoriser l’acquisition d’infrastructures propres. Nous menons une politique soutenue d’exploitation rationnelle des infrastructures propres existantes. En ce qui concerne l’insécurité grandissante, nous comptons rapprocher les services compétents pour nous doter de la stratégie idoine et des moyens opérationnels afin de pouvoir traquer les malfrats et sauvegarder la quiétude dans l’espace universitaire.

L’Essor : Pouvez-vous nous parler de la relation entre la direction et les étudiants pour une meilleure condition d’apprentissage?
Souleymane Kouyaté : Aujourd’hui, je peux dire sans risque de me tromper que la relation entre la direction et les étudiants est bonne. Cela se traduit en premier lieu par le respect réciproque qui existe entre nous. C’est vrai que souvent les caprices de l’AEEM vont à l’encontre de nos souhaits, mais l’atmosphère de partenariat exprimé à travers une concertation régulière fait toujours régner l’entente. Ainsi, nos relations sont alors empreintes de courtoisie, de sérénité et de collaboration. Nous faisons en général tout pour satisfaire leurs doléances, et de ce fait, notre porte leur est toujours grandement ouverte.

L’Essor : Vous avez un message à faire passer ?
Souleymane Kouyaté : J’invite toutes les parties prenantes à croire en l’Université de Ségou. Que l’on sache que cette structure vit et revendique un avenir radieux. Comme une maxime le dit « Petit poisson deviendra grand pourvu que Dieu lui prête vie ».
Je profite pour interpeller toutes les composantes de l’université afin que chacune donne le maximum d’elle-même en offrant un travail remarquable de fond. Les difficultés sont certes là, mais, il faut les surmonter par le labeur, le don de soi et le courage. Vive l’Université de Ségou dans un Mali de paix. Bonne rentrée universitaire à tous et à toutes.
Propos recueillis par
Mariam A. TRAORÉ
Amap-Ségou

Source: Journal l’Essor-Mali