MAHAMADOU SÉKOU KEÏTA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’INSTITUT GÉOGRAPHIQUE DU MALI (IGM)

« Une carte vaut mieux que mille mots »

L’IGM est un établissement public qui demeure méconnu et peu appuyé financièrement. Pourtant, étant la clé de voûte de la Politique nationale de l’information géographique, son rôle est essentiel dans tous les secteurs du développement. Son directeur général, Mahamadou Sékou Keïta, nous a accordé une interview dans laquelle il expose les missions, les enjeux, les écueils, les besoins et les perspectives liés au travail de la structure.  

 

Les Échos : Quelle est la genèse de l’Institut Géographique du Mali ?

Mahamadou Sékou Keïta : L’Institut géographique est une structure de l’État chargé de la cartographie du territoire. C’est un établissement public à caractère administratif qui relève du Ministère du Transport et des Infrastructures. La création de l’IGM émane de l’ancienne Direction nationale de la Cartographie et de la Topographie. Pendant la période coloniale, le service géographique et topographique, basé essentiellement à Dakar, était représenté dans tous les territoires de l’Afrique Occidentale Française (AOF) par des services topographiques, Depuis l’indépendance, le service topographique du Mali a connu beaucoup de changements de statuts, eu égard aux objectifs visés par les autorités de tutelle, à savoir : en 1964, il devient l’Institut National de Topographie (INT) et directement rattaché au Ministère des Travaux Publics ; en 1977, il est appelé Centre National de Production Cartographique et de la Topographique (CNPCT) ; en 1979, la Direction Nationale de la Cartographie et de la Topographie (DNCT) fut créée avec les Directions Régionales de Cartographie et de Topographie (DRCT) ; en 2000, la DNCT a été érigée en établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, dénommé alors Institut Géographique du Mali (IGM), créé par l’ordonnance N⁰ 00/009/P-RM du 10 février 2000, modifiée par l’ordonnance N°02018-016/P-RM du 28 mars 2018, ratifiée par la loi n°2018-057 du 11 juillet 2018. Maintenant, il y a eu une politique nationale en matière cartographie et de la topographie à partir 1998. Cette politique a fait des recommandations pertinentes, à savoir l’érection de la direction nationale de la cartographie et de la topographie au Mali (DNCT) en Institut Géographique du Mali. La deuxième recommandation de la politique était d’organiser le secteur privé de la cartographie et de la topographie au Mali. D’où, l’ordre des géomètres experts et les entrepreneurs des travaux cartographiques et topographiques. Cette politique avait pour but de réduire le chômage. On a voulu développer ce secteur afin d’éviter, comme on le disait avant, le tâcheronnat. En d’autres termes, il s’agit pour nous d’élaborer et de mettre en œuvre de la politique nationale d’information géographique.

Les Échos : L’IGM est relativement méconnu de la majeure partie de la population. Quelle est précisément sa ou ses mission(s) ?

MSK : L’Institut Géographique du Mali a pour mission de participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi de la Politique Nationale de l’Information Géographique. A cet effet, il est chargé de concevoir, établir et mettre à jour la carte de base du territoire national. Il a pour rôle d’établir, protéger, entretenir et densifier les réseaux géodésiques afin d’assurer la couverture du territoire national en photographies aériennes et en imageries satellitaires. Nous participons également aux travaux techniques de matérialisation des frontières nationales.

Les Échos : Quels sont vos rapports avec les administrations et les collectivités territoriales du pays ?

MSK : A propos des administrations, des collectivités territoriales et des organismes privés, nous apportons notre concours afin de développer ces différents secteurs. Nous avons d’autres compétences. Il s’agit de participer à la formation et à la recherche appliquée dans les domaines de la géodésie, de la cartographie, de la photographie aérienne, de la photogrammétrie, de la télédétection et de la topographie. En d’autres termes, l’IGM s’emploie à coordonner et contrôler les activités en matière de topographie et de cartographie afin d’appuyer les administrations et les collectivités territoriales.

Les Échos : Quelle est l’importance de la couverture cartographique, selon vous ?

MSK : Les cartes sont très importantes car elles éclairent les usagers dans leur travail. Dans l’armée, les opérations militaires sont généralement menées au moyen de la cartographie. Généralement, les cartes que nous utilisons sont appelées dans l’armée des « cartes d’état-major ». Pour l’armée, nous veillons à assurer la couverture du territoire en documents cartographiques de base, en photos régulières et en images satellitaires. Après les photos, les satellites permettent de couvrir beaucoup de surfaces pour réaliser des cartes. L’IGM a pour objet d’interpréter ces photos en images. Certes, nous n’avons pas d’avion photographique, ce qui rend notre travail délicat. Toutefois, l’Institut Géographique du Burkina, quant à lui, possède son propre avion. Il faut rappeler que c’est l’Institut Géographique de la France qui a fait les premières cartes du Mali avant les années 60. C’est pourquoi, nous nous sommes fixé comme objectif d’innover, d’établir, de maintenir et d’intensifier les réseaux géologiques nationaux.

Les Échos : Quels sont vos autres domaines d’intervention ?

MSK : Il faut retenir que l’information géographique est essentielle pour tout ce qui concerne la gestion d’un territoire ou d’une portion de terre. Avec la démocratisation de l’information géographique, les usagers utilisent ce domaine dans le cadre de leurs activités. Nous avons un rôle transversal dans le domaine de l’information géographique. Ce qui porte à croire que tout le monde a besoin de nous. Nous cherchons à assurer la couverture cartographique.

En tant qu’établissement à caractère administratif, l’IGM apporte son concours aux services techniques nationaux, aux structures privées, aux ONGs, aux Collectivités décentralisées et à tous les autres usagers de l’information géographique et des produits dérivés. Les domaines d’intervention de l’IGM sont, entre autres, la Géodésie, la Topographie, la Photogrammétrie, la Télédétection, la Cartographie, le Cadastre et les Systèmes d’Information Géographique. Les cadres de l’IGM sont spécialisés dans les sciences de la cartographie et les disciplines connexes ainsi que leurs applications dans plusieurs domaines, notamment la gestion foncière, l’aménagement du territoire, des ressources naturelles et de l’environnement, etc. Afin de renforcer nos capacités, nous organisons des sessions de formation dans ces domaines de compétences pour les structures techniques et autres usagers de l’information géographique. Aussi, nous participons aux travaux techniques de matérialisation des frontières entre le Mali et ses voisins. Nous travaillons sur la délimitation et la matérialisation des frontières. Nous participons à la formation et à la recherche dans les domaines de compétences tels que la cartographie, la topographie, la télédétection et les systèmes Informations Géographie. Nous aidons les grandes écoles et nous accueillons aussi des stagiaires pour les former dans ce domaine. Nous appuyons les administrations, les collectivités territoriales et le secteur privé dans nos domaines de compétences. Nous assurons le contrôle de tout ce qui se fait comme travaux cartographiques et topographiques. Nous contributions à archiver les documents cartographiques. À travers la politique nationale d’information géographique, nous essayons de coordonner nos activités avec d’autres services.

Les Échos : Quelles sont vos autres sources de financement, en dehors de l’apport de l’Etat ?

M.S.K : La cartographie souffre beaucoup de la méconnaissance du secteur auprès de certains usagers et même au niveau des autorités. La carte est incontournable dans tout projet de développement. Comme le disait une assertion : « une carte vaut mieux que mille mots ». Notre gros problème est celui du financement de nos activités. Nonobstant ces difficultés, nous sommes appuyés par les partenaires au développement.  Il faut retenir que la première carte a été faite par la Coopération française. Cette carte, qui existe depuis cinquantaine d’années, a été révisée. On a fait une révision en 2016, qui a été financée par l’Union européenne et le Japon.  L’État malien ne finance pas concrètement nos activités mais il nous accompagne. Je crois que nous devons sensibiliser les autorités pour qu’elles comprennent le bien-fondé de ce secteur. Compte tenu de la crise, l’État peut prendre en charge les projets de cartographie à travers les projets de développement.  Chaque projet doit avoir une composante démographique qui permettra de couvrir l’ensemble du territoire.

Les Échos : A quelles difficultés êtes-vous confrontés pour assurer la couverture en photos et en images satellitaires ?

MSK : Je l’ai déjà dit. Nous sommes confrontés à des problèmes de financement pour nos activités. En plus de cela, nous sommes dans un domaine d’activités qui évolue très rapidement. On a aussi besoin d’équipements modernes pour renforcer nos capacités. Nous avons besoin de GPS et de drones qui pourront nous faciliter les travaux de nos stations. Nous voulons révolutionner ce domaine, mais les moyens financiers nous manquent énormément. Nous voulons améliorer notre système de marketing et de communication afin de donner plus de visibilité à nos différentes activités. Nous avons également songé à diversifier nos partenariats pour nous faire connaître. Il nous faut une synergie d’actions des structures car on se complète. Pour résoudre les problèmes, il faut que les leaders se réunissent pour réfléchir sur des voies et moyens afin qu’ensemble on puisse mieux faire.

Propos recueillis

par M. Sangaré 

 Source: Les Échos- Mali