Nicolas Normand, ex-ambassadeur de France au Mali était l’invité Afrique de RFI, le vendredi 14 février 2020. Cette occasion a été saisie pour parler du redéploiement de l’armée à Kidal ainsi que du processus de dialogue qu’entendent entamer les autorités maliennes avec des chefs djihadistes.
« Ce n’est pas vraiment une surprise, parce que c’est aussi un souhait assez partagé au Mali, semble-t-il. Ensuite, il faut distinguer, sans doute, négociation et dialogue. Il faut déjà qu’il y ait un dialogue et cela suppose que les chefs jihadistes, en particulier Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa, acceptent ce dialogue, ce qui n’est pas certain du tout », telles sont les impressions de Nicolas Normand sur les antennes de RFI, le vendredi 14 février dernier. Pour le diplomate français, vu la situation actuelle sur le terrain, il serait difficile de croire à l’aboutissement de ce processus de dialogue qu’entendent mener les autorités maliennes avec ces chefs djihadistes.   
Toutefois, selon l’auteur du Grand livre de l’Afrique, il n’est pas impossible de dialoguer avec ces gens. Parlant de la question de la Charia, il explique : « [NDLR] la charia est un terme qui peut recouvrir des choses variées. Dans des États fédérés du nord du Nigeria, la charia civile est appliquée. Donc on peut, peut-être, discuter exactement de ce qu’ils [les djihadistes NDLR] veulent. »

Aux dires de Nicolas Normand, « tout ce qui sort de la violence et de l’extrémisme et qui ressort du dialogue politique, c’est une bonne chose ».
Se prononçant sur la qualification de « courtoisie » donnée par le président malien à Iyad Ag Ghaly, M. Normand la confirme avec réserve : « Oui, je me souviens d’un homme courtois, mais je crois que ce n’est plus le même Iyad Ag Ghali que celui que l’on a connu autrefois ». Cet homme a changé en évoluant dans l’extrémisme violent.
Cependant, l’ex-ambassadeur français au Mali estime que cette possibilité de dialogue soulève de nombreuses interrogations. « Toutes ces questions se posent, effectivement, avec de gros points d’interrogation, même avec Iyad Ag Ghali. Iyad Ag Ghali est-il libre, lui-même, de discuter ? Il fait quand même partie d’un ensemble qui s’appelle Al-Qaïda, dont les chefs se trouvent en Algérie. Lui-même risque peut-être d’être aussi assassiné, s’il a envie de négocier. Amadou Koufa, peut-être a-t-il envie de discuter, mais il ne décide pas seul. Donc, vous voyez bien que ces questions sont difficiles », constate-t-il.
Dans cette crise que traverse le Mali, il est admis que toutes les options soient explorées, selon Nicolas Normand.  « Et si le dialogue avec les jihadistes permet d’avancer dans les autres voies que la voie purement sécuritaire et répressive, il est certain que les autorités françaises ne pourront qu’accueillir cela favorablement », indique-t-il avant de préciser que le dialogue ne met pas fin au combat.
Pour le Quai d’Orsay, cette initiative de dialogue avec les djihadistes est une recommandation du Dialogue national inclusif.  Selon le ministère français des Affaires étrangères, « l’action collective au Sahel est multidimensionnelle » et « au-delà de l’aspect sécuritaire, l’accent doit être mis sur les questions de stabilisation, de développement et de réconciliation ». Selon le même communiqué du Quai d’Orsay, Paris n’est pas disposé à négocier avec ces deux terroristes. Cela, en raison de l’assassinat de plusieurs ressortissants français par ces hommes : « On n’a jamais été associé à des tentatives de médiation », rapporte RFI les propos d’un proche de l’Élysée.
Quant au retour de l’armée à Kidal, cela constitue un grand succès pour M. Normand. À l’en croire, « c’est un démenti à ceux qui pensaient précisément que la France s’opposait au retour de l’armée malienne à Kidal ». Il rappelle que ce redéploiement est une exigence de l’Accord d’Alger qui « prévoit que c’est une armée reconstituée, dans laquelle des personnes issues des régions du nord [NDLR] doivent avoir une place représentative ». À l’en croire, ce retour va normaliser le statut de Kidal.
Togola
LE PAYS