Six ans après « Sôo », Kharifa, le nouvel album d’Habib Koité, sort ce jeudi. Un concert dédicace prévu vendredi 6 décembre accompagnera la sortie de cet opus. Avant d’entamer une tournée promotionnelle, l’artiste se confie sur sa nouvelle production.

 

Après six ans de pause, vous venez de sortir un nouvel album. Pourquoi l’avoir nommé Kharifa ?

Kharifa signifie en langue khassonké « ce que l’on te confie ». Je l’ai choisi comme titre pour deux raisons. D’abord, la situation que notre pays traverse. Le Mali est un bien commun à nous tous. Nos pères nous l’ont légué, ils nous l’ont confié et c’est à nous maintenant d’en prendre soin et d’en faire un lieu hautement prospère. Nous devons surmonter cette crise. Des habitants du centre en proie à des violences viennent à Bamako, non pas pour se réfugier uniquement, mais aussi pour se confier aux autres Maliens. Ensuite, Kharifa est l’une de nos valeurs traditionnelles depuis des lustres. Cela se manifeste dans les relations entre le griot et son noble. Mes sœurs et moi sommes des griots et c’est la famille Lah qui a pris soin de nous, comme l’exige la coutume. C’est aussi cela prendre soin de l’autre,  c’est en cela que la vie sera meilleure.

Quelle est la particularité de cet album ?

Après mon dernier album, en  2013, j’ai été très pris par différents projets  culturels avec des Américains, des Haïtiens… C’est suite aux appels incessants de mes producteurs pour faire un nouvel album que je me suis relancé dans l’aventure. Et, à force de persévérer, j’ai pu en finir avec cet album, qui m’a pris plus d’un an. Il n’a pas été facile pour moi, car la production est très lourde. Je suis à la fois compositeur, chanteur et je joue de la guitare. J’ai demandé à ce qu’on me laisse le temps de faire la production à mon aise. Et cela a fini par payer.

N’tolognon est  une reprise de « Je chanterai pour toi » de Boubacar Traoré dit Karkar. Pourquoi ce choix ?

Karkar est mon grand frère. J’ai pris son refrain et je l’ai chanté à ma manière, tout en ajoutant d’autres paroles. Dans cette chanson, je magnifie beaucoup les valeurs de la camaraderie, très chères pour moi. La camaraderie est une occasion de rigoler ensemble, de sympathiser et je trouve cela beau. Il s’agit de l’amour entre des camarades, des gens qui se côtoient.

En dehors de Karkar, quels autres artistes vous ont inspiré pour ce nouvel album ?

Personne d’autre. Mais beaucoup d’artistes ont participé à la réalisation de Kharifa. Il y a Sékou Bembeya de la Guinée, qui a joué de la guitare dans les titres « Forever » et « Tanatê ». J’ai également fait appel à de jeunes artistes qui m’ont donné des idées de paroles. Il s’agit entre autres d’Astou Niamé, Mimichou, Wassa Coulibaly, Mbouillé  Koité, sans oublier mon  fils Cheick Tidiane Koité.

Le dernier titre de l’album s’intitule « Fanta Damba », du nom de l’une des premières cantatrices du Mali. Un clin d’œil à l’histoire culturelle du pays?

Généralement, je mets un instrumental dans tous mes albums. Et je choisis une musique qui est connue du peuple malien. C’est aussi l’occasion pour moi de dire à la jeune génération de ne pas oublier notre identité culturelle.

Vous chantez en bambara, mais cela ne vous empêche pas de faire recours à d’autres langues. Je pense à « Takamba », chanté en sonrhaï, mais aussi à deux titres de Kharifa. « Forever », que vous chantez en anglais, mais aussi « Mandé », qui est en langue dogon.  Qu’est-ce qui explique ce multilinguisme ?

Ce sont des choix qui ont des  justifications. Prenez Mandé, par exemple, qui est une reprise de mon dernier album « Sôo ». Dans Kharifa, j’y ai ajouté des sonorités dogons, en raison des conflits intercommunautaires (Peuls et Dogons, ndlr) au centre. Et l’histoire raconte que le peuple dogon qui vit au centre du Mali, sur les falaises de Bandiagara, viendrait  du Mandé. Les deux populations se sont brassées à travers le temps. Et dire qu’aujourd’hui elles s’entretuent. Je n’y crois pas et si cela arrivait c’est qu’il y aurait anguille sous roche. Je pense qu’il y a un bras manipulateur. Il y a des spécialistes pour cela et c’est facile de créer la zizanie. Dans « Forever », j’utilise l’anglais pour m’adresser à mes fans de par le monde, pour les remercier et rendre grâce à Dieu pour leur présence et leur accompagnement de toujours, depuis 26 ans.

Après le concert dédicace, quels sont vos projets ?

Je dois me rendre en Allemagne pour quelques sorties médiatiques. Cependant, c’est vraiment début 2020 que je ferai beaucoup de tournées. Pour l’heure, j’ai un concert ici, à l’hôtel Maaya, dans la nuit du 31 décembre.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

Journal du mali