En marge de son 2e congrès statutaire à Kidal (26-28 octobre 2019), le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) a fait une démonstration de sa puissance de feu avec un arsenal de guerre digne d’une véritable guérilla déterminée à en découdre avec l’armée nationale. Mais, loin de se laisser impressionner, cet étalage doit convaincre les Maliens sur certaines choses. D’abord, le HCUA est un mouvement terroriste financé par le narcotrafic et il est prêt à tout pour ne pas perdre le contrôle de l’Adrar des Ifoghas indispensable à ce trafic.

 

Entre démonstration de force et menaces ! C’est ainsi que beaucoup d’observateurs ont analysé le défilé militaire de l’aile militaire du Haut Conseil de l’unité de l’Azawad (HCUA) en marge de son second congrès statutaire qui a eu lieu à Kidal du 26 au 28 octobre 2019. Un véritable arsenal de guerre déployé par ce mouvement qui, visiblement, continue à s’armer pour défendre “son” territoire et protéger son trafic de drogue.

En effet, en plus des fréquentes accusations (la France, puis le Niger ces dernières semaines), ce mouvement est accusé d’être en connivence avec les réseaux terroristes, notamment avec Iyad Ag Ghali. Et l’ONU a même récemment sanctionné certains de ses responsables pour avoir participé à des attaques terroristes contre les Forces armées maliennes et internationales dans le Nord du Mali. Tout comme le rapport d’un groupe d’experts de l’ONU (juillet-août 2019) a mis à nu l’implication de certains de ses responsables dans le trafic de drogue qui sert à financer le terrorisme.

«Comment ont-ils acquis tout cet arsenal de guerre ? Combien de ces armes sont d’origine libyenne et/ou française ?», s’est interrogé un jeune leader politique malien.  La réponse est connue : soit le mouvement est financé par un puissant lobby qui lorgne vers les immenses richesses minières dont le Nord est supposée regorger, soit il mène des activités illicites (trafic de drogue) pour financer son aile militaire. Les deux options ne sont pas non plus à écarter. «Avec une telle force, on comprend pourquoi ils ne vont jamais penser à la paix car se sentant très forts pour combattre l’armée malienne avec le soutien des puissances favorables à l’indépendance de leur imaginaire Azawad», a-t-il ajouté.

Ainsi, la parade militaire est-il un avertissement pour le Mali et le Niger soutenus par des pays de la Cédéao qui craignent l’expansion de l’extrémisme violent dans toute la sous-région. D’ailleurs, Niamey a compris puisque son émissaire s’est bien déployé à réconcilier son pays avec les notabilités touaregs en marge du congrès du HCUA.

Quant à Bamako, le message qu’Algabass Ag Intalla lui envoie est qu’il préfère reprendre la guerre qu’accepter la révision de certaines dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale comme l’a suggéré le président Ibrahim Boubacar Keïta dans son discours à la nation à la veille du 22 septembre 2019. D’ailleurs, depuis cette annonce, les groupes qui forment la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ont multiplié les provocations pour défier la République. Plus proche d’un groupe mafieux entretenant des liens troubles avec les terroristes que d’une chapelle politique, le HCUA œuvre beaucoup plus à la déstabilisation du Mali qu’à la paix dans le pays.

Une mutation en parti politique pour mieux cacher son jeu trouble

A l’ouverture des travaux, Algabass Ag Intalla (reconduit secrétaire général du HCUA), s’est beaucoup plus appesanti sur le parcours et le devenir de son mouvement que sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale.

Ainsi, a laissé entendre Ag Intalla, «le HCUA se veut porteur des aspirations légitimes des populations au mieux-être, après une existence faite de brimades, d’exclusion, de marginalisation et d’exactions, de violations de droits». D’où sa détermination à parvenir à la «libre administration de l’Azawad».

Et, cela, d’autant plus, a-t-il martelé, que l’Etat central a montré ses limites et insuffisances. Et personne n’est dupe par rapport au dessein qui pousse ce mouvement à se muer en chapelle politique. Officiellement, il s’agit «d’accélérer la mise en œuvre de l’accord». Pour Algabass Ag Intalla, cette mutation est indispensable «face à la réalité du terrain» et pour «répondre aux aspirations légitimes de nos populations…».

Comment un mouvement qui continue à s’armer lourdement décide-t-il brusquement à se transformer en parti politique si ce n’est pour endormir la méfiance de Bamako et de la médiation internationale afin de précipiter l’indépendance de l’Azawad par les armes ? En tout cas, cette mutation ne sera pas chose aisée puisque ce n’est qu’un secret de Polichinelle que le HCUA n’a ni déposé les armes ni réellement cantonné sa horde de mercenaires-terroristes. Et la Charte des partis ne permet à aucune formation de porter des armes. Mieux, il prévoit même la dissolution de tout parti qui prône ou use de la violence.

Et même si le gouvernement lui attribuait un récépissé par crainte ou par complaisance, on le voit mal tenir la dragée haute aux «partis politiques traditionnels» (Adéma-PASJ, URD, RPM, CODEM…). Ce qui amène des observateurs à penser que la vraie ambition du HCUA est de voir «naître, à moyen terme, un groupe politique arabo-touareg qui se dédierait à la conquête politique du Nord du Mali, appelé par les ex-rebelles Azawad… Et avec la peur qu’inspirent ses troupes (même éventuellement désarmées) et les moyens d’État alloués chaque année aux autorités intérimaires dominées par le HCUA et ses alliés, le fameux parti pourrait prospérer dans les urnes pour mieux préparer un référendum d’autodétermination de l’Azawad».

Telle est, sans doute, la vraie motivation d’Algabass Ag Intalla et de son mouvement de mercenaires financés part le trafic de cigarettes et… de drogue !

Hamady Tamba

LE MATIN