L’organisation jihadiste affirme avoir attaqué le contingent tchadien stationné dans la ville malienne d’Aguelhok «en réaction contre la visite du Premier ministre israélien» dans le pays. Dix Casques bleus sont morts.

Jamais les Casques bleus n’avaient essuyé de pertes aussi lourdes au Mali. Dimanche, dix soldats tchadiens ont été tués et vingt-cinq autres blessés dans une «attaque complexe» revendiquée par Al-Qaeda au Maghreb islamique. A l’aube, les assaillants «arrivés à bord de nombreux véhicules armés», selon le communiqué de la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), ont tenté de prendre d’assaut le camp du contingent tchadien à Aguelhok.

Cette petite ville du désert, située sur l’ancienne «piste impériale numéro 1» qui reliait les colonies françaises de part et d’autre du Sahara, est connue pour avoir été le théâtre d’un massacre de grande ampleur au début de la rébellion de 2012 qui ouvrit la voie à l’occupation jihadiste du Nord-Mali. Près d’une centaine de soldats avaient été exécutés après la prise de la bourgade, selon les autorités, une tuerie qui a longtemps hanté l’armée et l’opinion malienne.

Accord de coopération

Sept ans plus tard, les mouvements islamistes armés ne contrôlent plus les cités du septentrion malien mais ils sont loin d’avoir disparu. Malgré les 12 500 militaires et policiers de l’ONU et les 4 500 soldats français de l’opération Barkhane, Aqmi continue d’assassiner, de poser des mines et de harceler les armées de la région. L’organisation a rejoint en 2012 le Jnim, Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin («Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans»), la coalition jihadiste la plus meurtrière du Sahel. C’est une nouvelle fois l’agence de presse mauritanienne Al-Akhbar, vecteur habituel de diffusion des communiqués islamistes, qui a relayé sa revendication.

Aqmi affirme avoir mené l’attaque «en réaction contre la visite [dimanche] du Premier ministre israélien au Tchad», précise Al-Akhbar. Le même jour, Benjamin Nétanyahou était en effet présent à N’Djamena pour officialiser la reprise des relations diplomatiques entre le Tchad et Israël, rompues en 1972. Le dirigeant israélien et le président Idriss Déby en ont profité pour signer plusieurs protocoles d’accord de coopération dans le secteur de la défense et de la sécurité, dont le contenu n’a pas été divulgué.

Embuscades

L’attaque de dimanche a été «repoussée» par les Casques bleus qui ont «poursuivi les assaillants dans leur déroute», a souligné la Minusma. «Au moins trois» combattants islamistes auraient été tués. Le représentant du secrétaire général de l’ONU au Mali, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, a loué la «bravoure» des militaires lors de leur «riposte héroïque»«La garnison n’a pas été submergée», précise le porte-parole de l’état-major français des armées, le colonel Patrik Steiger. Deux bases de l’opération Barkhane encadrent Aguelhok : l’une à 125 kilomètres au sud, et l’autre à 90 kilomètres au nord. Une patrouille de Mirage 2000 a survolé la zone «sans ouvrir le feu». Ce dimanche, la ministre des Armées, Florence Parly, a annoncé que la force conjointe du G5 Sahel – un assemblage de troupes mauritaniennes, maliennes, burkinabées, nigériennes et tchadiennes dédiées à la lutte antijihadiste – était «en train de reprendre ses opérations».

Le Tchad est le pays qui a le plus épaulé la France lors de l’opération Serval, en 2013, lors de la reconquête du Nord-Mali : 2 000 soldats avaient alors été engagés. Ses troupes, réputées impétueuses, forment aujourd’hui encore l’un des contingents de la Minusma les plus nombreux, avec un millier d’hommes. Plusieurs d’entre eux ont été tués autour d’Aguelhok ces dernières années dans des embuscades ou des explosions de mines. Au total, plus de 160 Casques bleus ont perdu la vie au Mali depuis 2013.

Célian Macé

 

Source: liberation