Le 30 avril 2012, les commandos parachutistes de Djikoroni – bérets rouges -, sous la conduite de leur chef, le colonel AbidineGuindo,  prenaient d’assaut le camp militaire de Kati et les centres névralgiques de la capitale. Objectif: liquider la junte du capitaine Sanogo à laquelle ils reprochaient des brimades multiples. L’affaire a échoué et des dizaines de bérets rouges arrêtés. berets rouges liberes

 Si certains sont détenus ou en fuite, 21 bérets rouges ont purement et simplement disparu. Leurs noms et prénoms ont été publiés par Amnesty International et  le dossier empoisonne la sérénité de la junte de Kati. Pour ne rien arranger, la cour pénale internationale (CPI) menace de s’en mêler si la justice malienne ne fait pas diligence.

 

C’est sans doute pour rendre justice aux victimes et traiter le dossier à l’interne que les plaintes des ayants droits des disparus ont été reçues par le procureur de la commune 3 de Bamako, chargé du pôle économique. On peut s’étonner que le pôle économique se charge d’une affaire de sang mais c’est un fait: le procureur a confié l’affaire à un juge d’instruction de son tribunal. Quand un juge est saisi, il instruit conformément à la loi et cela ne peut se faire sans entendre les mis en cause. Après l’audition des parents des bérets rouges disparus, le juge a lancé un mandat d’amener contre plusieurs officiers et soldats cités par les plaignants comme ayant participé à l’enlèvement des 21 bérets rouges disparus. Le hic, c’est que les militaires que le juge souhaite entendre sont encartés à la junte de Kati dont chacun connaît les capacités de nuisance sur une République chancelante comme la nôtre.

 

 

Il semble que les demandes d’audition du juge aient mis le feu aux poudres. Dès qu’il en a pris connaissance, le président Dioncounda Traoré a organisé, le 26 juin 2013, une grande messe au cours de laquelle le capitaine Sanogo, chef de la junte, a officiellement présenté son « pardon » au peuple et fait la paix avec les bérets rouges qui ont voulu l’éliminer. Profitant de l’occasion, le président Dioncounda Traoré a déclaré que l’armée malienne s’est définitivement réconciliée et a ordonné que tous les détenus militaires soient immédiatement libérés.

 

Les propos de Dioncounda Traoré ont été très mal pris dans les milieux judiciaires. « Comment le chef de l’Etat peut-il violer la séparation entre les pouvoirs exécutif et judiciaire au point d’ordonner des libérations dans le cadre d’un dossier pendant devant la justice? », s’insurge un procureur. Un autre magistrat se demande, avec une pointe d’aigreur,  si le chef de l’Etat songe vraiment au sort des disparus et au désarroi de leurs parents. Reprenant l’indignation générale des magistrats, le Syndicat autonome de la magistrature (SAM), présidé par le président du tribunal de la commune 1 de Bamako, Issa Traoré,  publie un communiqué rageur où il « s’insurge contre la déclaration du président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, relative à la libération imminente de personnes régulièrement poursuivies ». Le SAM « tient au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs et dénonce toute immixtion du pouvoir exécutif dans le domaine judiciaire », tempête le communiqué.

 

Un observateur avisé de la scène politique propose, pour apaiser la panique naissante à Kati et Koulouba, que le chef de l’Etat prenne l’initiative d’une mesure d’amnistie. « Au lieu de s’ingérer ouvertement dans les affaires  judiciaires par crainte de la junte, Dioncounda Traoré ferait mieux de prendre des initiatives politiques fortes. Par exemple, indemniser les  parents des bérets rouges disparus et qui sont certainement morts; faire adopterpar l’Assemblée nationale une loi d’aministie en faveur des éventuels auteurs des disparitions forcées. Ce serait la seule manière de crever l’abcès tout en préservant à la fois l’intérêt du pays et les droits des victimes. En dehors de cette démarche, je ne vois pas comment on pourra régler le contentieux sans piétiner la justice.Après tout, les membres de la junte ont déjà bénéficié d’une loi d’amnistie pour  leur putsch, un crime que la Constitution malienne déclare pourtant imprescriptible! », analyse notre interlocuteur.

 

Tiékorobani