Pour contribuer à la structuration de leur développement, les parents veulent que leurs enfants bénéficient d’une bonne formation scolaire. Mais avec l’insécurité, les enseignants demandent à être affecter dans des partie du pays sécurisées. En attendant, ces derniers se font rares et les élèves tenaces se regroupent dans des classes pour bénéficier du savoir de quelques professeurs encore présents. C’est le quotidien des jeunes à Gossi.  

 

Ils ont entre 6 et 16 ans et rêvent un jour de servir leur pays comme administrateur, avocat, professeur ou médecin. Des rêves nombreux et grands qui ne sauraient être quantifiés. Mais avant l’étape de la concrétisation, il faut passer par la case départ : l’école. Le parcours incontournable pour d’abord apprendre à lire et à écrire. Pour les plus persévérants, réussir aux examens officiels, se professionnaliser. Des aspirations, les jeunes de Gossi en ont. Seulement, cette partie du territoire malien fait face à une insécurité galopante depuis quelques années. Difficile de se mouvoir ou mener des activités sans la peur au ventre. La vie ne s’est pas arrêtée pour autant dans la ville de Gossi et environs. Les hommes continuent l’élevage pour faire vivre leurs familles. Les femmes quant à elles sont orientées vers des activités champêtres et les petits commerces de subsistance. L’administration quasi-absente apparaît de façon circonstancielle. Pourtant, en dépit de ce que l’on pourrait considérer comme une désolation dans cette région, les enfants n’ont qu’un rêve : celui d’aller à l’école. Ils sont nombreux à le  vouloir Et à le dire, comme A. Ag Malick : « nous voulons des tables-bancs, nous voulons étudier chez nous ».

A la recherche du savoir…

Si pour certains les établissements scolaires côtoient les habitations, pour d’autres, il faut parfois traverser plusieurs kilomètres pour bénéficier du savoir explique Mossa Ag Moulou, professeur de mathématiques. « Il y a des élèves qui sont toujours en retard à cause de la distance. Il y en a qui doivent traverser la marre pour venir ici, d’autres viennent de très loin. Mais nous les acceptons en classe malgré leur retard car ils sont emplis de volonté et notre devoir c’est de les accompagner ».

A l’établissement Bocare Touré, les élèves confient qu’ils doivent chaque jour braver des kilomètres ou défier des eaux pour se rendre à l’école. A cause de la situation sécuritaire déplorable, certains élèves abandonnent l’école. Ces derniers aident leurs parents dans les travaux domestiques, champêtres ainsi  que les promenades du bétail.

Ceux qui optent pour la persévérance font aussi face à des difficultés comme « le manque d’enseignants » et le besoin en infrastructures notamment souligne Ag Malick, élève en huitième année.

Manque d’enseignants…

 

Depuis deux ans, l’école a perdu plus de la moitié de ses enseignants. Professeur de mathématiques à Gossi depuis 10 ans dans cette école, Mossa Ag Moulou explique qu’avant deux globes existaient, le A et B. Mais, à cause du manque d’enseignants dans l’école, le globe B a été supprimé. Aujourd’hui les élèves d’un même niveau se retrouvent tous dans la même classe pour bénéficier des enseignements parce qu’il y a beaucoup « d’enseignants qui sont partis à Bamako et ne sont toujours pas de retour » pourtant, «  pour dispenser les cours cette insuffisance pose beaucoup de problèmes parce qu’un enseignant se trouve avec cent élèves dans une salle de classe et ce n’est pas facile de tous les suivre » déplore-t-il. Avant d’ajouter, « cinquante élèves pour un enseignant, cela nous permettrait de mieux nous occuper des ces derniers».

Des effectifs pléthoriques que le directeur de l’école Alassane Maïga explique par « une insuffisance du personnel car la plupart des enseignants ont demandé une mutation et sont partis et ceux qui sont là ne couvrent pas tous les cours. »

Sur le plan administratif depuis deux ans, l’école n’a pas connu d’affectation d’enseignants. Mais pour l’entrepreneur local Louis Berthoud, le problème majeur de cette situation qui préoccupe les parents d’élèves est l’insécurité. « En dehors de ce second cycle et de l’école ouverte derrière la marre, aucune autre école n’est ouverte dans toute la commune. C’est aussi pour des raisons d’insécurité que les élèves, les enseignants sont absents parce que quand il est su qu’une école est  ouverte, tout est détruit par la suite. C’est pourquoi personne ne veut y aller ».

Tout pour expliquer la situation préoccupante du système éducatif pris en otage à Gossi. Les élèves inscrits en 9ème doivent composer avec ces difficultés pour l’examen du DEF.

L’espoir est permis…

 

Pour accompagner les apprenants dans leur détermination, des actions sont menées pour soutenir l’éducation dans cette partie du pays. Située dans le cercle de Gourma-Rharous, dans la célèbre région historique de Tombouctou, à 160 kilomètres au sud-ouest de Gao, la commune de Gossi a une population estimée à plus de 24 521 habitants. Gossi se distingue par l’élevage. Mais pour garder l’esprit de la ville et améliorer les conditions de vie des populations, les personnes rencontrées dans le cadre de ce reportage estiment que l’éducation est la base de tout départ. Pour ce faire des actions menées pour contribuer au développement de cette partie du pays se concrétisent. En collaboration avec l’Etat du Mali, l’Opération Barkhane a inauguré au mois de juin 2019 le mur de clôture de l’école Bocare Touré Second Cycle. Le secteur privé à l’instar de Berthoud Louis a aussi contribué dans le cadre d’une collaboration à la mise en œuvre de ce projet: « ma collaboration avec Barkhane c’est dans le cadre du BTP, de l’appui que la Force apporte aux populations. Dans la commune de Gossi, nous avons collaboré pour la réalisation de la clôture de l’école, la réhabilitation d’un point d’eau ». A côté du projet de construction du mur pour la sécurité des enfants estimé à plus de 20 millions de FCFA, la Force Barkhane a également posé d’autres actions civilo-militaires Distribution de Kits scolaires, réfection du point d’eau et la donation d’une pirogue pour faciliter la traversée des élèves qui se rendent à l’école. Des doléances comme l’absence d’électricité pour rendre fonctionnelle la salle informatique, la modernisation de l’adduction d’eau, doté l’école de poubelles ainsi que l’affectation des professeurs ont été émises par le directeur de l’école.  Même si toutes ces demandes sont réalisées, Berthoud Louis, et quelques personnes rencontrées, s’accordent sur le fait que le retour de la sécurité est la priorité à Gossi «parce que sans sécurité, pas de développement. Les élèves vus en cette période ne sont pas représentatifs de l’effectif de l’école, plus de la moitié des élèves étaient absents. En temps normal, l’établissement compte au moins 300 élèves. L’insécurité pousse les parents à quitter la localité et les élèves les suivent.»

Journal du mali