Alors qu’une partie de la classe politique continue à se couper les cheveux en quatre, les Nations Unies félicitent le Mali pour le bon déroulement de l’élection présidentielle, en dépit de quelques anomalies. L’organisation mondiale ne perd surtout pas de vue qu’il faut donner un coup d’accélérateur à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui a connu des avancées notables, en faisant du ‘’Pacte pour la paix’’, un élément catalyseur.

Elle se montre préoccupée par l’effilochement du tissu social au Centre et au Nord, les activités des groupes extrémistes violents, la situation en matière de droit de l’homme, tout en soulignant les réponses volontaristes qui y sont apportées, autant par les autorités nationales que par les partenaires du Mali.
Lisez les observations formulées dans le rapport du Secrétaire général des Nations Unies du 25 septembre 2018.

85. Je tiens à féliciter le peuple malien du bon déroulement de l’élection présidentielle, qui s’est tenue dans un climat pacifique. L’ensemble des candidats en lice a fait preuve, tout au long de cette élection, d’une grande maturité politique, et le Gouvernement a fait des efforts remarquables pour organiser l’élection dans les délais prescrits par la Constitution, en dépit de plusieurs anomalies et de quelques incidents ayant compromis la sécurité dans le nord et le centre du pays. Qu’il me soit également permis de saluer, d’une part, les mesures importantes que le Premier Ministre, M. Soumeylou Boubèye Maïga, a prises pour promouvoir un dialogue constructif et rassurer ceux qui craignaient que le processus électoral ne suscite la méfiance et, d’autre part, l’action des Forces de défense et de sécurité maliennes qui se sont employées, avec l’aide de groupes signataires et d’autres groupes armés, à garantir la sécurité au cours des opérations électorales.

86. Je me félicite des activités menées par l’ONU, notamment la MINUSMA et le PNUD, tout au long du processus électoral. Je salue le sens de l’initiative dont a fait preuve mon Représentant spécial en exerçant ses bons offices et en fournissant un appui politique, notamment lorsqu’il s’est agi de coordonner les activités de la communauté internationale et des missions d’observation de l’Union africaine, de la CEDEAO, de l’Union européenne et de l’Organisation internationale de la Francophonie.
87. Je tiens à féliciter le Président Ibrahim Boubacar Keïta pour sa réélection. Lui et les membres de son gouvernement doivent désormais redoubler d’efforts pour appliquer les principales dispositions de l’Accord et faire avancer la réforme des institutions. Je me réjouis à cet égard qu’il ait affirmé, lors de la cérémonie d’inauguration du 4 septembre, que la mise en œuvre de l’Accord figurait parmi ses priorités. Ensemble, le peuple et le Gouvernement maliens doivent saisir l’occasion de définir les fondements d’une paix et d’une stabilité durables, en s’appuyant sur l’Accord.

Dans ce contexte, l’élaboration du pacte pour la paix demandé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2423 (2018) offre l’occasion de donner un nouveau souffle au processus de paix. S’il va sans dire que ce pacte n’a pas vocation à reproduire un dispositif existant ni à remplacer l’Accord, je crois sincèrement qu’il peut insuffler un nouvel élan à la mise en œuvre de ce texte. Il faudrait à cette fin mener des réformes politiques comme la décentralisation, réformer le secteur de la sécurité, renforcer l’état de droit et veiller au développement socioéconomique en se fondant davantage sur le principe d’inclusion et sur des objectifs de référence définis d’un commun accord, avec un appui cohérent de la part des partenaires internationaux et régionaux.

J’encourage les parties concernées au Mali et leurs partenaires à œuvrer à la concrétisation de ce pacte, sous la direction du Gouvernement et avec l’appui de mon Représentant spécial.

88. Je me félicite des progrès récemment accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord, notamment la nomination d’autorités intérimaires dans 21 districts des cinq régions du nord, l’entrée en activité progressive des unités mixtes du Mécanisme opérationnel de coordination dans les régions de Kidal et de Tombouctou ainsi que l’adoption de la stratégie nationale de réforme du secteur de la sécurité. Bien que des femmes aient été nommées parmi les membres des autorités intérimaires, j’engage les parties à renforcer la participation réelle des femmes au processus de paix, faute de quoi celui-ci ne saurait aboutir. Les prochaines élections seront l’occasion de faire en sorte qu’au moins 30 % des élus du pays soient des femmes, conformément au quota imposé par la législation malienne.

89. Par ailleurs, j’invite instamment les parties concernées à achever de définir une stratégie nationale de reconstitution et de redéploiement des Forces de défense et de sécurité maliennes et de la police territoriale, dont le rôle est primordial pour instaurer une stabilité durable et assurer la protection de la population. Je les encourage en outre à entretenir la dynamique positive en cours et la confiance retrouvée dans le processus de paix, que j’ai constatées en mai lors de ma visite au Mali. Les parties maliennes doivent honorer leurs obligations et leurs engagements, notamment en se conformant au calendrier défini dans la feuille de route du 22 mars. Pour ma part, je rendrai compte des progrès accomplis dans ce domaine, conformément à la résolution 2423 (2018).

90. La persistance des atteintes à la sécurité dans le centre du Mali, notamment pendant l’élection présidentielle, montre combien la crise est profonde dans la région. Déjà fragile, le tissu social s’effiloche sous l’effet de conflits intercommunautaires aggravés par l’activité des groupes extrémistes violents, ce qui est extrêmement préoccupant. La spirale de violences, qui se poursuit à l’heure actuelle, a fait trop de victimes. Je tiens à exprimer mes condoléances les plus sincères à la famille de ceux qui ont payé de leur vie l’aggravation de l’insécurité dans le pays. Le plan de sécurité intégré du Gouvernement pour les régions du centre est important, mais il faut redoubler d’efforts pour assurer des progrès simultanés sur les fronts de la sécurité, de la gouvernance, du développement et de la réconciliation. J’engage le Gouvernement à procéder au désarmement des groupes armés, à promouvoir la réconciliation et à trouver des solutions pérennes pour protéger les civils.

91. La situation en matière de droits de l’homme est alarmante. Il est absolument impératif que le Gouvernement prévienne les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits, y compris celles commises par les Forces armées maliennes pendant leurs opérations de lutte contre le terrorisme. Toutes les allégations de violation doivent donner lieu rapidement à une enquête exhaustive et à des mesures visant à ce que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes. L’Organisation des Nations Unies est prête à aider le Gouvernement en ce sens, s’il en fait la demande. Je tiens par ailleurs à rappeler qu’il incombe aux autorités maliennes de prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter sans délai sur les crimes et les atteintes graves aux droits fondamentaux de civils, ainsi que sur les attaques dirigées contre des agents de l’aide humanitaire ou encore des membres du personnel de la MINUSMA, des forces internationales ou des Forces de défense et de sécurité maliennes, tout en poursuivant leurs auteurs et en les traduisant en justice.

92. Je condamne une fois de plus l’attentat terroriste du 29 juin contre le quartier général de la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel, à Sévaré. Je n’ai eu de cesse de soutenir les pays du G5 Sahel dans leurs efforts visant à permettre le bon déroulement des opérations de la Force conjointe, et cette attaque n’entamera en rien ma détermination à enrayer l’expansion de l’extrémisme violent. Je me félicite des mesures prises pour que la Force conjointe, notamment sa composante police, devienne opérationnelle de façon à assurer la continuité entre ses activités et celles des systèmes judiciaires, dans le respect de l’état de droit et des droits de l’homme. Je prends acte de la nomination et de l’entrée en fonctions d’un nouveau commandant de la Force conjointe, originaire de Mauritanie. La Force conjointe progresse, il est vrai, mais elle deviendra plus vite pleinement opérationnelle si elle peut compter sur des ressources prévisibles et durables, provenant notamment des États Membres.

93. Investir dans le développement et la stabilité du Mali contribuerait sensiblement à créer des sociétés inclusives et pacifiques et à empêcher que les conflits, l’extrémisme et les menaces contre la paix et la sécurité internationales se propagent au Sahel et, plus généralement, dans l’ensemble de la région de l’Afrique de l’Ouest. Les attentats grèvent les perspectives de développement, en particulier dans les zones frontalières du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Il faut que les pays de la région du Sahel renforcent la coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour poursuivre la mise en œuvre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel par l’intermédiaire du Plan d’appui des Nations Unies pour le Sahel. Il est essentiel de mettre l’accent sur la prévention de l’extrémisme violent et des conflits, notamment par l’éducation et des perspectives économiques, en particulier pour les jeunes. Je reste profondément préoccupé par la fermeture d’écoles dans les régions du centre du Mali, dont plusieurs générations de jeunes subiront les conséquences.

94. La situation humanitaire au Mali s’est fortement détériorée au cours de l’année écoulée, du fait de la multiplication des affrontements et d’une mauvaise saison des pluies en 2017. Plus d’un Malien sur quatre a besoin d’une aide humanitaire, soit le niveau le plus critique depuis 2012, date du début de la crise. Les besoins continuent d’augmenter, mais le financement de l’aide humanitaire diminue, ce qui empêche de mener en temps voulu des interventions adaptées à la gravité des situations rencontrées. Notre action collective, notamment le financement de toute urgence du plan d’aide humanitaire 2018 pour le Mali, est aujourd’hui plus importante que jamais. J’ai également demandé aux acteurs concernés de renouveler leur engagement à relancer la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel afin d’améliorer durablement la situation dans cette région.

95. Si la fréquence des attaques reste constante, j’estime encourageante la diminution du nombre de morts et de blessés parmi le personnel de la MINUSMA. Cette tendance montre que nos efforts, et en particulier ceux de la Mission, portent leurs fruits. Cependant, la nécessité demeure, pour la Mission, de gagner en mobilité et de mieux protéger ses forces, ce qui ne facilite guère l’exécution de son mandat. Ainsi que le lui a demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution 2423 (2018), la MINUSMA a pris plusieurs dispositions à l’effet de revoir la hiérarchisation de ses actions et de ses ressources pour se concentrer sur les principales tâches politiques et activités de sécurité. Des efforts sont également faits pour renforcer la présence et les activités de l’équipe de pays des Nations Unies dans le centre et le nord du Mali, l’objectif étant de remédier à l’instabilité dans toutes ses dimensions.

96. Qu’il me soit permis, enfin, de dire ma profonde gratitude à mon Représentant spécial pour le Mali, Mahamat Saleh Annadif, pour son remarquable esprit d’initiative, à l’ensemble des membres du personnel civil et en tenue des Nations Unies, qui ne ménagent pas leur peine dans un environnement difficile et des conditions stressantes, et aux pays qui fournissent des contingents et du personnel de police, à l’Algérie en sa qualité de médiatrice de premier plan, à l’Union africaine, à la CEDEAO, à l’Union européenne et à d’autres organisations régionales, aux partenaires multilatéraux et bilatéraux, aux organismes, fonds et programmes des Nations Unies, aux organisations non gouvernementales et à tous les autres partenaires pour leur précieux appui à la paix au Mali.

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