La transition changera-t-elle quelque chose pour Gao ? Frustrée, la jeunesse de Gao s’exprime. Dans le nord du Mali, la jeunesse est face au mur. Entre sentiment d’abandon de l’État et désillusion face à une transition qui patine, les jeunes parlent.

 

Alors que la situation à Gao s’était apaisée ces dernières années, la population observe avec inquiétude une recrudescence de l’insécurité. Les jeunes sont « meurtris ».

« Nous pensons que nous sommes délaissés, nous pensons que nos populations sont livrées à elles-mêmes », raconte Sidi Cissé. Le président du Conseil communal de la jeunesse de Gao en a le cœur net : depuis le début de la crise à Gao, la situation politique et sociale dans cette ville majeure du nord du pays ne s’est pas arrangée malgré la présence des forces armées internationales.

Certes, l’intérieur de la ville connaît une certaine stabilité, les routes sont goudronnées et les feux rouges ornent les artères principales. Mais ce qu’il regrette, c’est que les services sociaux de base comme l’accès à l’eau, à l’électricité ou à la santé ne soient pas encore la norme.

Pour pallier ces lacunes de l’État, la jeunesse a décidé de se retrousser les manches. Alassane Guiteye, membre du conseil communal de la jeunesse explique que « des journées citoyennes sont organisées pendant lesquelles on fait des tournées pour curer les canaux dans la commune urbaine de Gao, la ville nous donne du matériel pour cela. Il y a aussi beaucoup de quartiers périphériques qui ont des pénuries d’eau. Nous distribuons alors de l’eau à ces populations, surtout pendant le mois de carême. »

Ces jeunes en profitent pour conduire des activités de sensibilisation. Mais ces efforts n’empêchent pas une recrudescence des actes de banditisme dans la ville.

Depuis quelques mois, la mode de l’enlèvement de personnes fortunées a fait son apparition.

Si bien qu’Alassane, comme Sidi, en sont à regretter les heures les plus sombres de Gao : l’occupation par le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest, Mujao.

« Nous avons enregistré plus d’enlèvements, plus de tueries, plus d’assassinats, plus de pertes de biens aujourd’hui que pendant l’occupation. Ça c’est une triste réalité. Lorsque nous vivions avec les ennemis du monde, les populations étaient en sécurité », affirme Sidi Cissé.

» Mais à l’arrivée de l’Etat, que nous croyions être notre père, notre sauveur, une porte de sortie… et bien, ils ont fermé toutes les portes. Depuis leur arrivée, tout est devenu désordonné », ajoute pour sa part Alassane Guiteye.

La jeunesse, proie facile pour les terroristes

Avec un tissu social éclaté où les communautés se déchirent ponctuellement, un chômage endémique, le risque terroriste est bien là, à quelques kilomètres seulement. Et la jeunesse en est la première cible comme le développe Sidi Cissé. « Quelqu’un qui a faim, quelqu’un qui n’a pas d’emploi, ne peut pas éternellement mener une telle vie. Alors les jeunes sont des proies faciles, je l’assume, à l’enrôlement dans les groupes armés. »

Alors la transition changera-t-elle quelque chose pour Gao ? Alassane Guiteye ne parierait pas là-dessus.

« Malheureusement, ce que l’on voit dans cette transition, ce sont les questions de pouvoir : comment mettre le CNT en place, comment mettre le président en place, comment mettre le vice-président en place. En un mot : du partage de gâteau. »

La jeunesse doute de la possibilité pour le gouvernement actuel d’organiser des élections dans un délai de 18 mois.

Alors que Bamako est empêtré dans la formation du Conseil national de la transition en vue de légiférer, Sidi, comme Alassane, pense que les militaires devraient se concentrer sur la sécurisation des régions, afin que chaque Malien puisse voter, sans en avoir la peur au ventre.

 Source : Dw.com