Cinq ans après l’intervention française, qui avait chassé les djihadistes du nord du Mali, les attaques terroristes se multiplient et des zones entières du pays échappent au contrôle des forces maliennes et de l’ONU.

Comment en sortir ? Plus de cinq ans après l’intervention française au Mali pour stopper l’expansion des djihadistes et après le déploiement de Barkhane (dispositif de 3 000 militaires qui a pris la suite de Serval) et de la Minusma (Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali), le chaos règne toujours. Preuve en est la tuerie cette semaine d’une quarantaine de civils touaregs, dont des vieillards, des femmes et des enfants, dans le nord-est du pays, à la frontière avec le Niger. Ou l’attaque spectaculaire de la base commune de la Minusma et de Barkhane, le 14 avril dernier à Tombouctou, qualifiée de « sans précédent » par les autorités militaires.

Les 12 000 casques bleus déployés semblent impuissants. Harcelés par les djihadistes, ils ne quittent guère leurs casernements. Les forces armées maliennes (Famas) peinent toujours à s’imposer sur le terrain et une certaine porosité existe entre les groupes armés parties prenantes des accords de paix avec l’Etat malien et les mouvements terroristes affiliés à Al Qaïda ou à Daech qui ne comptent que quelques centaines de combattants permanents mais ont des relais incontestables dans la population.

Les clivages communautaires qui se superposent aux luttes d’influence politiques ou personnelles aggravent les choses. Les divers clans touaregs n’en finissent pas de vider leurs querelles dans le sang, y compris au sein d’une même alliance, et les Peuls, aux prises avec les Touaregs, les Bambaras ou les Famas, sont poussés dans les bras des djihadistes.

Malgré d’indéniables succès militaires, l’armée française, qui a perdu 22 soldats au Mali depuis 2013, doit faire face aux attaques de kamikazes et aux engins explosifs improvisés (IED). Une guerre dont on ne voit pas le bout alors que la prochaine élection présidentielleest prévue le 29 juillet.

Les groupes armés engagés dans le processus de paix

Outre les djihadistes, le Mali abrite de nombreux autres groupes armés qui se sont engagés dans les accords de paix avec l’Etat malien. Ils se répartissent dans deux grands ensembles.

La Plate-Forme regroupe les mouvements pro-Bamako issus de l’accord du 14 juin 2014 à Alger. On y trouve notamment le Gatia (Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés), milice du général El Hadj Ag Gamou, mais aussi Ganda Izo (une milice peule et Songhaï) et le MSA (mouvement pour le salut de l’Azawad) composé de Touaregs daoussahak dirigés par Moussa Ag Acharatoumane.

Second ensemble, la Coordination (pour Coordination des mouvements de l’Azawad) rassemble les ex-rebelles touaregs et arabes qui ont rejoint le processus de paix en 2015. En particulier le MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad).

Iyad Ag Ghali, un chef de guerre très recherché

S’il n’était pas si dangereux, on en ferait volontiers un personnage de roman. A 60 ans, Iyad Ag Ghali, à la tête des mouvements terroristes maliens affiliés à Al Qaïda (le GSIM), a vécu plusieurs vies. Fils d’un rebelle malien tué au début des années 60, il fut amateur de fêtes, de femmes et d’alcool avant d’être, dans les années 90, de toutes les révoltes touaregs. Auparavant, il s’était enrôlé en Libye dans la Légion islamique de Kadhafi puis au côté d’Arafat à Beyrouth au début des années 80.

Utilisé à plusieurs reprises par Bamako comme négociateur avec les djihadistes pour libérer des otages, il sera même de 2007 à 2010 conseiller consulaire du Mali à Djeddah (Arabie saoudite) : c’est là qu’il embrasse le fondamentalisme islamique. A la tête d’Ansar Dine, il finit par basculer dans le djihadisme.

Le 14 février dernier, les forces spéciales françaises ont décimé son état-major à Tinzaouten, près de la frontière algérienne. Depuis Ag Ghali se cache. Peut-être dans son sanctuaire dans les montagnes des Infoghas.

Dates clés du conflit au Mali

  • 2012

Mars : la rébellion touareg du MNLA et les groupes liés à Aqmi prennent le contrôle de Kidal, Gao et Tombouctou.

  • 2013

Janvier : l’opération militaire française Serval stoppe l’offensive djihadiste à Bamako.

18 juin : signature d’un accord à Ouagadougou entre le gouvernement malien et des groupes rebelles touaregs.

1er juillet : la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), prend le relais de la Misma (force interafricaine).

11 août : Ibrahim Boubacar Keïta, dit IBK, est élu président du Mali.

  • 2014

14 mai : la venue à Kidal (nord) du Premier ministre malien déclenche une bataille. Battue, l’armée malienne se retire des villes du nord.

24 juillet : le gouvernement et six groupes armés signent à Alger la « cessation des hostilités » dans le cadre de négociations de paix.

  • 2015

Juin-octobre : une partie de la rébellion touareg se rallie à l’accord de paix de Bamako.

  • 2016

Juin-août : combats dans la zone de Kidal entre la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et le Gatia, milice pro-Bamako.

  • 2017

Février-avril : Premières patrouilles communes mixtes (armée, milices pro-Bamako et ex-rebelles) et début de mise en place des « autorités intérimaires » dans les localités et régions du nord.

1er novembre : première opération militaire du G5 Sahel menée par des soldats maliens, burkinabés, nigériens et français.

  • 2018

25 janvier : le Conseil de sécurité de l’ONU reproche aux signataires d’Alger leur lenteur dans la mise en œuvre de l’accord de paix.

Par leparisien.fr – Philippe Martinat