L’armée malienne est accusée par des médias français, ces dernières semaines, d’exactions contre des civils, d’abord sur des citoyens mauritaniens puis sur des « peuls » dans la zone de Sofara. Pourtant, cette même France qui s’empresse de faire passer les forces armées maliennes de défense et de sécurité comme le bourreau des civils sans preuve matérielle ni rapport d’une commission indépendante d’enquête, a, elle, rejeté un rapport indépendant de la Minusma qui a confirmé l’exaction de la force barkhane contre des populations civiles à Bounty, dans la localité de Douentza. Quelle incohérence !

Des dizaines de civils ont été tués à Bounty, dans la région de Douentza, lors d’une frappe aérienne française. L’armée française avait été accusée d’exaction contre des civils. Une accusation rejetée par les autorités françaises. A la suite de ce démenti, la Minusma a envoyé une mission indépendante sur le terrain et le rapport qui  en a découlé, a bien confirmé des exactions contre des civils innocents.  « Au terme de l’enquête, la MINUSMA est en mesure de confirmer la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe, une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma », précise le communiqué de presse de la Minusma qui ajoute qu’ « au moins 22 personnes, dont trois des membres présumés de la Katiba Serma présents sur le lieu du rassemblement, ont été tuées [ suite à une] frappe de la Force Barkhane survenue le 3 janvier 2021 à Bounty. Sur les 22 personnes tuées, 19 l’ont été directement par la frappe dont 16 civils tandis que les trois autres civils ont succombé des suites de leurs blessures au cours de leur transfèrement pour des soins d’urgence. Au moins huit autres civils ont été blessés lors de la frappe. Les victimes sont tous des hommes âgés de 23 à 71 ans dont la majorité habitait le village de Bounty ».

Le rapport a ajouté que l’équipe de la Minusma n’a constaté sur le lieu de l’incident « aucun élément matériel qui aurait pu attester de la présence d’armes ou de motos tel qu’établi par le rapport des experts de la police scientifique des Nations Unies ». Il ajoute que le groupe touché par la frappe était « très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées contre les attaques au regard du droit international humanitaire ».

Au terme de l’enquête, la MINUSMA avait recommandé aux autorités maliennes et françaises de diligenter « une enquête indépendante, crédible et transparente » afin d’examiner les circonstances de la frappe et son impact sur la population civile de Bounty ; d’examiner de manière approfondie les processus de mise en œuvre des précautions lors de la préparation d’une frappe ainsi que des critères utilisés pour déterminer la nature militaire de l’objectif aux fins de l’application du principe de distinction y compris l’appartenance à un groupe armé à la lumière de cet incident et à y apporter des modifications si nécessaires ; d’enquêter sur les possibles violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et d’établir les différentes responsabilités et d’octroyer le cas échéant, une réparation appropriée aux victimes et aux membres de leurs familles.

Le rejet des conclusions du rapport de la Minusma par la France

Bien que cette enquête de la MINUSMA ait été conduite suivant les règles de l’art, la France a, dans la foulée, rejeté es conclusions.

Dans une interview accordée à nos confrères du journal Le Figaro, la France a fustigé plutôt une « attaque contre Barkhane ». « Très clairement, il s’est agi d’une attaque contre l’armée française, contre l’opération Barkhane, contre la légitimité de nos engagements », a déclaré un militaire dans une interview au quotidien français Le Figaro. Les « erreurs » et les « biais » du rapport de la Direction des droits de l’Homme de la Minusma, « découlent pour une grande part, de la manipulation », a encore estimé le général Lecointre, précise le Figaro.

Quant au chef d’état-major des armées françaises, il a ajouté : « Je pense que nous serons désormais systématiquement confrontés à ce type de tentative pour chercher à nous entraver, à nous discréditer, à délégitimer notre action, à monter les populations contre notre action ».

En mettant au bout du jour les propos de ce général français, ne pouvons-nous pas dire que la France procède de la même manière contre l’armée malienne et les autorités de la transition ?

Les accusations contre l’armée malienne

Depuis la brouille diplomatique qui a conduit à l’expulsion de l’Ambassadeur de France au Mali et à l’annonce du retrait de la force Barkhane, l’armée malienne est accusée, à plusieurs reprises et à tort, d’exactions sur des civils par des médias français. Ils insistent sur ces accusations sans pour autant en apporter la moindre preuve matérielle, à part l’instrumentalisation de certains interlocuteurs unilatéralement choisis et pour la plupart du temps rémunérés à cette fin. Où est-elle alors passée la légendaire objectivité journalistique dont se prévalent pompeusement certains médias occidentaux ?

Alors, sur quelle base ces accusations sont-elles faites par RFI si l’on sait que l’enquête réalisée sur les prétendues exactions, ne l’a été que téléphoniquement, car le journaliste ne s’étend pas rendu sur les lieux? Quel mépris pour le Mali et son armée qui ne s’emploient qu’à la défense du territoire national et à la protection des populations et de leurs biens ? N’est-il pas définitivement temps pour la France de se dégonfler pour reconnaître au Mali son statut d’État souverain ? C’est uniquement à ce prix que les relations entre les deux pays connaîtront une décrispation voire une évolution.

B. Guindo

Source: Le Pays- Mali