Dans la matinée du mercredi 17 juillet 2019, Kidal a été le théâtre d’une parodie de protestation contre la montée du drapeau malien au sein du gouvernorat. Les manifestants, sans doute manipulés par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), s’en sont pris au drapeau national et même au nom «République du Mali» devant le gouvernorat pour manifester clairement leur volonté sécessionniste. Et comme toujours, le gouvernement s’est fendu d’un communiqué pour afficher une fausse fermeté. La réaction la plus ferme, sans surprise aucune, est surtout venue de la Plateforme des groupes armés.

Le gouvernement malien et la Plateforme des mouvements armés ont condamné avec «fermeté» les «actes d’outrage au drapeau du Mali et symboles nationaux» la semaine dernière à Kidal. Dans la matinée de ce mercredi 17 juillet 2019, des manifestants majoritairement composés de femmes et de jeunes ont envahi des bâtiments publics, notamment le gouvernorat de Kidal, avant de trainer, souiller et brûler le drapeau de la République du Mali.

Rappelant que de «tels actes portent gravement atteinte au processus de paix en cours», le gouvernement du Mali a, dans un communiqué, «condamné avec fermeté de tels actes» en contradiction avec «l’esprit de la réconciliation nationale».

Les Mouvements de la Plateforme du 14 juin 2014 d’Alger ont également, dans un communiqué, condamné fermement «ce comportement contraire à l’esprit et à la lettre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger». Ils ont invité «les manifestants de Kidal à plus de retenue».

«Tous les Mouvements signataires ont reconnu l’intégrité territoriale du Mali, son unité, sa forme laïque et républicaine. Toutes choses qui ne peuvent êtres dissociées du respect de tous les symboles de la souveraineté du Mali sans l’observation desquels, la mise en œuvre de l’Accord ne saurait progresser», a souligné la Plateforme.

Elle a rappelé que «le drapeau et les édifices publics de tous les Etats sont inviolables et méritent respect et considération quelque soient les griefs que l’on peut avoir contre un gouvernement». La Plateforme a aussi invité les responsables et les notabilités présents à Kidal à travailler pour faire cesser «ces pratiques qui font reculer la progression du processus de Paix et la restauration de la Paix et de la quiétude sociale».

Dans son communiqué, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a fait plutôt cas  «d’une marche spontanée d’activistes de la société civile de Kidal» qui a «dégénéré à travers des actes hostiles à certains symboles de l’Etat».

La CMA a rappelé qu’un autre «acte de vandalisme» ayant visé «plusieurs monuments à l’effigie» de ses emblèmes a eu lieu hier (mardi 16 juillet 2019) «exacerbant la tension au sein des organisations de jeunesse». Tout en exprimant ses «regrets» pour les actes du mercredi 17 juillet, la CMA a également exhorté les populations à la retenue.

Quelle hypocrisie de la part de la CMA !                                     

Le gouvernement malien a exhorté «tous les acteurs de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale à s’investir pour faire respecter le drapeau et tous les symboles de la République du Mali».

Dire que c’est une «marche spontanée des activistes de la société civile» est le comble de l’ironie de la part de la CMA. Tout comme «les regrets» exprimés après ces actes. Adossée à la communauté internationale, notamment appuyée par la France, la CMA règne en maître absolu dans l’Adrar des Ifoghas. Et il faut vraiment vouloir se suicider pour décider de s’attaque à ses «symboles» ou de commette des actes à Kidal sans sa bénédiction.

Cette nouvelle atteinte aux symboles du pays est une manière de dire que les portes de Kidal sont verrouillées à tous les officiels, à toutes les institutions de la République et à leurs représentants. Y compris le gouverneur dont la présence n’est visiblement tolérée que pour ce qu’elle symbolise.

La manifestation de mercredi dernier à pour unique motivation d’enlever les symboles de la République du Mali au profit de l’État imaginaire et fantôme de l’Azawad. Ces actes visent non seulement à mettre IBK et son gouvernement dans une position inconfortable vis-à-vis de l’opinion nationale, mais ils sont aussi une réponse aux Nations unies qui ont décidé de sanctionner un baron de la CMA dont les actions son jugées comme une entrave au processus de paix.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a ajouté, le mardi 16 juillet 2019, cinq noms à sa liste de Maliens sanctionnés pour entrave à l’application de l’accord de paix de 2015, parmi lesquels figurent un parlementaire local et un homme d’affaires, selon des diplomates. Visés par des interdictions de voyages, ces cinq individus s’ajoutent à trois Maliens sanctionnés en décembre par le Conseil pour la même raison.

Parmi les nouvelles personnes ajoutées à la liste, figure Ahmed Ag Albachar. Né le 31 décembre 1963, cet «homme d’affaires» est conseiller spécial au gouvernorat de la région de Kidal.

Il est accusé par l’ONU d’implication dans des attaques contre des Casques bleus, des soldats maliennes ou la force G5-Sahel. Il est aussi reproché à ce membre influent du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad d’entraver la distribution de l’aide humanitaire. Dans la région de Kidal, «aucune action humanitaire ne peut être réalisée sans qu’il en soit informé et qu’il ait donné son accord», a dénoncé l’ONU.

Et les atteintes aux symboles de la République est un message que les responsables de la CMA envoient aux dirigeants du Mali et à la communauté internationale qu’elle a encore des cartes en mains.

«La paix n’est pas un mot, mais un comportement de tous les jours. Adoptons des comportements qui honorent la République», a conclu le gouvernement dans son communiqué. Mais, il est clair que ce ne sont pas les communiqués (pour afficher une fausse fermeté) qui vont ramener les leaders de la CMA à la raison. Il faut, en dehors des sanctions de l’ONU dont personne ne voit l’effet pour le moment, des actions courageuses comme la suspension des avantages qui leur sont accordés dans le cadre par exemple du Comité de suivi de l’Accord (CSA).

Mieux, il faut mettre cet accord en veilleuse, envisage une opération militaire d’envergure des forces internationales pour les déloger de Kidal. C’est ainsi qu’ils comprendront qu’ils ont intérêt à jouer le tempo de la paix et de la réconciliation nationale.

Moussa Bolly

 

La médiation sacrifie à sa tradition

La Médiation internationale et son chef de file, l’Algérie, ont déclaré jeudi dernier (18 juillet 2019) avoir suivi avec «indignation et consternation les évènements inadmissibles» survenus dans la ville de Kidal où un groupe de manifestants a «délibérément saccagé et vandalisé les symboles d’État, notamment en mettant le feu au drapeau national».

Comme elle en a l’habitude, la Médiation internationale a «condamné avec la dernière énergie ces atteintes gravissimes a l’unité nationale du Mali qui ont choqué l’opinion nationale et internationale». Elle a appelé «l’ensemble les citoyens de la région de Kidal à se désolidariser de ce genre de comportement qui ternit leur image et qui constituent une violation de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger».

La Médiation internationale a également souligné avoir pris acte des déclarations de condamnation des parties maliennes. Elle a appelé la CMA à jouer «un rôle responsable pour un meilleur encadrement des populations». Par ailleurs, elle a exhorté les responsables de la CMA à respecter leurs engagements pris lors de la 3e session de haut niveau du Comité de suivi de l’accord (CSA) le 17 juin 2019 relative au retour effectif des symboles de l’État dans la région de Kidal. Et elle a profité de l’occasion pour encourager le gouvernement du Mali à «accélérer le redéploiement de l’administration et le rétablissement des services sociaux de base». Toute chose que la CMA veut empêcher dans l’immédiat par des intimidations comme les actes mis en scène le 17 juillet 2019.

Par ailleurs, la Médiation internationale a exigé une enquête dans les meilleurs délais et a rappelé que «ceux qui entravent la mise en œuvre de l’Accord pour la paix s’exposent aux sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies». Mais, elle sait pertinemment qu’il faut plus que les sanctions symboliques de l’ONU pour contraindre la CMA à fumer le calumet de la paix et s’effacer au profit des institutions et services de la République.

Comme l’a si pertinemment rappelé un observateur, «il est certes bien de condamner, mais c’est mieux de sévir avec vigueur lorsque des actes gravissimes sont commis et leurs auteurs clairement identifiés» ! La crédibilité de la médiation internationale est à ce prix !

Moussa Bolly

Le Matin