Colonel Assimi Goïta, aujourd’hui le Mali est à un tournant décisif de son histoire et vous êtes mis devant vos responsabilités. Mon colonel, l’heure est grave si vous acceptez et tourner le dos à la communauté internationale dans le but de voir diversifier les partenaires dans la lutte contre l’insécurité, vous risquez de commettre l’irréparable pour toute une nation, la nation malienne dans son ensemble.

 

Les responsabilités historiques que vous voulez prendre, sont lourdes de conséquences pour la vie de notre nation et doivent être celles d’un pouvoir légitime issu d’élections libres et démocratiques bénéficiant du temps et de la durée.

Les causes des difficultés que connaît actuellement notre pays dans sa lutte contre l’envahisseur ne sont pas là où vous croyez mais plutôt ailleurs.

En effet mon colonel, la lutte contre l’insécurité dans notre pays relève avant tout de notre armée nationale, les Famas et du peuple malien. Nos partenaires (Communauté internationale, barkhane, Takuba, etc.), vous le savez, sont là et ils le disent, à chaque occasion, pas pour combattre à notre place et cela doit être suffisamment clair pour tout le monde, mais vu la justesse de notre combat, pour nous aider à vaincre l’ennemi et gagner la guerre en formant nos hommes et en les dotant de matériels et d’information.

Si, mon colonel d’après certains de nos compatriotes, la victoire tarde à venir et  qu’au contraire la situation s’est empirée, nous pensons qu’il ne faut surtout pas chercher  de boucs-émissaires, c’est plutôt à nos forces armées chargées de la mission régalienne et sacrée de défendre l’intégrité territoriale de notre Etat et la protection des Maliens qu’il faut demander des comptes car devant une situation aussi périlleuse pour notre nation, il ne faut pas surtout se voiler la face.

C’est bel et bien aux FAMA, devant l’insécurité chaque jour grandissante, de se remettre en cause, de voir pendant ces dix années passées, ce qui a marché et ce qui n’a pas marché et de chercher à savoir quelle nouvelle stratégie adopter pour vaincre avec l’aide de nos partenaires, définitivement l’ennemi et cela personne n’en parle. C’est pourquoi nous  avons peur pour notre  pays. Nous sommes en guerre asymétrique, l’envahisseur se dissout dans la masse ; la partie est loin d’être gagnée.

Nous sommes en guerre encore une fois, les évènements ne sont pas faits pour arranger les choses.

Tout le monde dit qu’il faut placer le Mali au-dessus de tout. Placer le Mali au-dessus de tout veut dire : il faut arrêter toutes nos querelles stériles qui ne peuvent que profiter à l’ennemi qui gagne du terrain de jour en jour. Il dispose aujourd’hui sur notre sol, d’équipements modernes tel que drones et d’autres.

Notre pays vit dans une sous-région, des accords nous lient à certains de nos voisins et nous nous demandons si le Mali tient compte de ces réalités, nous avons plutôt l’impression que nous nous comportons en cavalier solitaire, or la guerre contre le terrorisme se gagne ensemble.

Sinon comment comprendre que notre pays le Mali, veuille engager des mercenaires pour libérer son territoire.

Le seul fait d’envisager cette éventualité ternit l’image de notre armée nationale pour laquelle les Maliens ont une grande considération.

D’aucuns nous rétorquent que c’est une solution qui a marché en Centrafrique. La Centrafrique de Bokassa, n’est pas le Mali de Modibo Kéita.

Le mercenariat ne date pas d’aujourd’hui.

Déjà au Ve Siècle, l’Empereur Romulus devant le déclin de l’empire Romain d’Occident, a décidé d’engager des mercenaires et cela n’a fait que précipiter la chute de l’empire.

Et tout près de nous au Zaïre, le Maréchal Mobutu devant l’avancée des troupes Rwando-Kabila vers Kisangani qui constituait un verrou contre la prise de Kinshasa, a demandé au chef d’Etat-major des Armées, de recruter des mercenaires pour défendre Kisangani.

Eh bien, les mercenaires qui se battent pour l’argent qu’ils avaient déjà en poche, n’ont pas voulu se faire tuer pour un régime agonisant. Si bien que les troupes de Kabila sont entrées dans Kisangani sans tirer un seul coup de feu. La suite, Kinshasa est tombée comme un château de cartes.

Voilà ce qu’on risque d’attendre au mieux, des mercenaires. Puisqu’ils se battent pour l’argent, au moindre défaut de paiement, ils baissent les bras, et en cas d’insolvabilité, ils plient tout simplement bagages, laissant le Mali et les Maliens à leur triste sort.

Monsieur le Premier ministre, votre Plan B, il ne faut pas aller le chercher chez Poutine, il se trouve ici même au Mali.

Devant cette situation exceptionnelle, il faut comme on le dit une solution exceptionnelle. Le Mali est en guerre et cela concerne toutes les Maliennes et tous les Maliens. Il faut Monsieur le Premier ministre, décréter tout simplement la mobilisation générale des Maliennes et des Maliens. Tous nos compatriotes désœuvrés qui passent toute la journée à vadrouiller au rail-dâ et ailleurs, seront incorporés dans l’Armée malienne. Ils seront formés dans le maniement des armes entre trois et six mois.

Pendant la seconde guerre mondiale, quand il a fallu ouvrir un front à l’Ouest, devant l’urgence de la situation, les Américains, les Britanniques et les Canadiens ont recruté des jeunes gens de 18 à 20 ans, les ont formés pendant trois à six mois et ils ont été versés au front pendant le débarquement de Normandie. C’est le courage et les sacrifices de ces jeunes gens qui ont permis de gagner la guerre.

Monsieur le Premier ministre, mobiliser tous les Maliens, nous sommes plus de vingt millions, votre problème d’effectifs sera du coup résolu et il n’en faut pas plus pour gagner la guerre contre l’ennemi.

Les six à neuf milliards de francs CFA, nécessaires pour financer les mercenaires, resteront sur place pour financer la formation des jeunes recrues maliennes et pour d’autres fins.

La solution, elle est malienne, plus efficace et évitera de nous mettre en brouille avec nos partenaires dont vous avez-vous-mêmes loué la qualité du concours qu’ils nous apportent et bien sûr nos voisins.

Mon colonel, n’acceptez jamais d’abandonner la communauté internationale au profit d’une société privée paramilitaire même soutenue par la Russie, au risque de condamner tout un peuple et cela vous n’en avez pas le droit.

Le Mali, nous le savons, a formé, et dans les meilleurs académies militaires du monde, de nombreux officiers qui, même s’ils ne sont pas sollicités pour débattre d’une question aussi importante que celle de recruter des mercenaires pour notre armée, sujet qui d’une part, engage l’avenir de notre patrie et d’autre part, ne semble pas avoir l’assentiment de la communauté internationale dont le Mali a fortement besoin, doivent chercher à approcher le colonel Goïta pour statuer sur ce sujet d’une importance évidente.

Notre pays en matière de questions militaires comme celle-là, doit tout même jouir d’’une certaine expérience.

Aussi nous exhortons les forces vives de la nation (notabilités, Haut Conseil islamique, clergé, société civile, partis politiques) de prendre explicitement position sur cette question qui engage l’avenir de notre pays, car ce n’est pas seulement le fait de faire venir Wagner dans notre pays, mais les conséquences désastreuses d’une telle décision si elle était prise.

Le problème du Mali, c’est que, devant des situations gravissimes qui peuvent même compromettre notre propre existence, tout le monde se tait ou s’exprime à mots couverts. C’est la compromission.

Aidons nos dirigeants qui sont des humains comme nous, qui peuvent se tromper, qui souvent ont besoin de vérité même s’ils ne le disent pas, en nous exprimant courageusement, clairement, poliment et dignement sur les questions surtout graves et qui peuvent affecter l’avenir du Mali.

Nous terminons notre réflexion par un slogan révolutionnaire de nos élèves et étudiants et en harmonie avec la situation que nous vivons : ‘’Oser lutter, c’est oser vaincre’’. Que Dieu bénisse le Mali, Amen !

Fakoly Doumbia, Bamako. 

Source: Le Challenger