La rébellion, qui a conduit à la partition du Mali, en 2012, est justifiée, selon ses responsables, par 4 choses. Pour le Dr Choguel Kokalla MAIGA, il s’agit plutôt de 4 mensonges. Point par point, il bat en brèche les arguments développés par ceux qui ont pris les armes contre l’État ; lesquels se sont à présent inscrits dans un processus de paix et de réconciliation.

Face à la l’itération de la rébellion, surtout à partir de 1991, le Dr Choguel Kokalla MAIGA et le Pr Issiaka Ahmadou SINGARE ont rédigé le livre ‘’Les rebellions au Nord, des origines à nos jours’’, après des recherches fouillées en France et en Afrique. Ses réponses à Niéta TV dont il était l’invité, il y a quelques jours, s’enracinent dans ce travail minutieux.
Pour baliser le terrain, l’invité a souligné l’importance du bon diagnostic du mal pour y appliquer le bon remède. Il en va de même pour le Mali qui doit situer le mal dont il souffre, pour le soigner efficacement. Ainsi, il faut connaître la vraie nature de la rébellion pour y mettre un terme.
« La rébellion est un mal insidieux dans le corps du Mali qui ne finit pas, parce que le diagnostic n’est pas bon », fait-il savoir.
Le Dr Choguel a rappelé les différentes rébellions et la manière énergique dont elles ont été combattues : « la première rébellion de 63 a été réglée au bout de quelques mois seulement par le premier Président Modibo KEITA. Elle a repris en 90, le Président Moussa TRAORE l’a également réglée en quelques mois ».
À croire l’auteur, c’est seulement à partir de 1991 que l’on a assisté à un enlisement, en raison d’un changement d’approche du Gouvernement. Il explique : « après la révolution de 91, il y a eu une nouvelle rébellion et depuis lors, la situation va de mal en pis, jusqu’à arriver à l’occupation des 2/3 du territoire, et maintenant l’extension de la crise à la région de Mopti, avec des conflits inter-éthniques, avec mort d’hommes, jusqu’à Ségou. La situation s’empire. Modibo KEITA a réussi à étouffer la rébellion de 63, parce qu’il en savait les dessous ; Moussa TRAORE le savait également et l’a combattue en conséquence. Mais de 91 à maintenant, les Présidents successifs, en fait de combattre la rébellion, ils ont appliqué les mauvaises solutions.

Les 4 raisons de la rébellion
Je vais vous donner un exemple : quand les rebelles ont divisé le pays en 2012, ils sont allés sur le plateau d’une télévision français pour expliquer que leur mouvement à 4 raisons. Les régions du Nord, à savoir Gao, Tombouctou, Kidal appartiennent à leurs grands-parents, que les peaux noires sont allées annexer leurs territoires, donc qu’ils veulent leur indépendance.
Ils ont dit qu’en 1958, quand le Mali s’acheminait vers l’indépendance, leurs grands-parents ont envoyé une lettre en France signée par 300 personnes demandant d’être détachées du Mali qu’on appelait Soudan. La France n’a pas répondu à la lettre et le tort causé par cette situation, ils veulent que la France le répare.
Ils ont également dit qu’ils ont pris les armes, parce qu’il n’y a pas de développement au Nord, rien n’y est fait, que le Nord est délaissé par le Mali. Donc, ils prennent les armes pour imposer le développement.
Ils ont enfin dit qu’ils ont pris les armes, parce qu’ils ne sont pas intégrés, ils n’occupent pas de postes de responsabilité dans le pays ».

La faute grave
Avant de battre en brèche les arguments développés par les rebelles, en 2012, le Dr Choguel MAIGA pose la question : « pourquoi la rébellion ne finit pas ? » Il répond à cette question de la plus haute importance : « Depuis 91, le Gouvernement a commis une grave faute. Après la chute de Moussa qui les avait neutralisés. Ils ont invité les rebelles à Bamako, dit que les rebelles sont des démocrates en arme, que c’est leur lutte qui a favorisé l’avènement de la démocratie ; donc que les rebelles font partie du Mouvement démocratique. Ils ont intégré le CTSP, le Gouvernement, après ils ont exigé que l’armée quitte le Nord et qu’on leur donne leur territoire. C’est la première grosse erreur commise. Le Gouvernement n’a pas fait une analyse approfondie de la situation ».
C’est face à cette situation qu’en 2012, avec un responsable de son parti, le Pr Issiaka SINGARE, le Dr Choguel MAIGA a décidé d’analyser ce problème, voir ce qu’il y a en dessous. Ce qui a abouti à la rédaction du livre ‘’Les rebellions au Nord, des origines à nos jours’’. Il a révélé avoir lu différentes publications. Aussi, a-t-il fait savoir que ce qui est écrit sur le Nord l’a été par les Blancs, par des gens qui n’aiment pas le Mali, tout en déplorant que le Gouvernement n’a pas fait une analyse approfondie de la situation de crise.

Les quatre mensonges des rebelles
Le Dr Choguel MAIGA répond point par point aux arguments développés par les rebelles pour justifier leur action contre l’État en 2012.
Par rapport à la première raison, il oppose : « ils ont dit que Nord appartenait à leurs ancêtres. Nous avons découvert que c’est faux. Les premiers habitants du Nord sont les Sonraï et les Bellah. Tous les autres sont venus par la suite. Les Sonraï ne peuvent pas dire que Gao leur appartient ; Gao appartient à tous les Maliens qui y ont les mêmes droits. Donc, le Nord n’appartient à personne ».
Ensuite, le coauteur du livre attaque la deuxième raison : « ils ont dit qu’en 1958 leurs grands-parents ont adressé une lettre au Général De Gaule pour dire qu’ils ne veulent pas aller à l’indépendance avec le Soudan. Nous avons démontré que cela aussi est faux. En 1958, le gouvernement de la Loi cadre, avec Mamadou Madéra KEITA comme ministre de l’Intérieur, a parcouru tout le Nord pendant un mois. Ils ont réuni toutes les tribus pour poser cette question : nous allons à l’indépendance, qu’allons-nous faire ? À l’unanimité, ils ont choisi l’unité dans le Soudan. À l’occasion, le père de INTALLAH a dit : « les Blancs nous ont colonisés ensemble, nous irons à l’indépendance ensemble. Notre survie est au Sud. Donnons-nous la main ». Ce sont quelques éléments qui travaillaient pour les services secrets français, qui ne voulaient pas de l’indépendance, qui ont rédigé la lettre en question. De Gaule a lu la lettre et il a compris qu’elle n’a pas été rédigée par des gens crédibles ».
Le troisième mensonge, c’est que le Nord ne se développe pas. Le Dr Choguel attaque également cet argument : « mais, depuis que le Mali est indépendant, depuis le gouvernement de la Loi cadre (1958), parmi les premiers étudiants à aller à l’ENA, le gouvernement a mis des Touareg et des Arabes, alors qu’ils n’avaient même pas de diplôme ; question de leur permettre d’avoir des fonctionnaires. Il n’y a eu aucune discrimination à ce niveau.
Quand on observe, les sécheresses de 73 et de 86 ont concerné tout le Sahel, en Afrique, du Cap-Vert jusqu’en Somalie. C’est en ce moment que beaucoup de Keyesiens ont commencé à émigrer en France. Les gens de Gao ont émigré vers le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Nigeria. Beaucoup de ressortissants de Tombouctou et de Kidal ont émigré vers l’Algérie et la Libye. Mais les Kaysiens qui sont en France travaillent dur, avec l’argent qu’ils gagnent ils font des forages, construisent des écoles, des centres de santé dans leurs localités. Les ressortissants de Gao en font de même.
Mais ceux qui ont quitté Kidal pour intégrer l’armée libyenne où certains sont devenus colonels, bien payés, n’ont pas réalisé un seul forage chez eux ; ils n’ont rien fait. Ils reviennent avec des armes et ils détruisent même les réalisations du gouvernement, sous prétexte que leur région n’est pas développée. Ce sont des traîtres. Ce sont d’autres pays qui les instrumentalisent ».
Le quatrième mensonge, fait savoir l’invité de Nièta TV, « ils disent qu’ils sont relégués en arrière-plan. Depuis le temps de Modibo KEITA, parmi les premiers étudiants sortis de l’ENA, certains sont devenus gouverneurs, commandants de cercle et même ministres.
Quand Moussa chutait, on a vu dans les archives qu’au Nord, il y avait 10 sections de l’UDPM, le Parti au pouvoir. Sur les 10, les secrétaires généraux de 8 étaient des Touareg ou des Arabes, alors qu’ils ne forment pas la majorité de la population. Mais on n’en a pas fait un problème, parce qu’au Mali il n’y a pas de problème d’ethnie. Par exemple, le député MPR de Koutiala est de Bourem, mais il a été adopté par les populations de Koutiala. C’est là-bas qu’il a sa vie. À Gao, il y a des Diarra, des Traoré, des Samaké… Donc, ça aussi, c’est un mensonge ».
Alors, la rébellion reposerait-elle sur un tissu de mensonges ? Une certitude, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger reste poussive au point de doucher sérieusement l’enthousiasme qui a prévalu à sa signature.

PAR BERTIN DAKOUO

Source :  Info Matin