La nomination d’Abdoulaye Idrissa Maïga, samedi 8 avril à la tête du gouvernement en remplacement de Modibo Keita, n’aura pas surpris les observateurs avertis. Et ce pour deux raisons.

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Ayant dirigé la campagne victorieuse d’IBK en 2013, il était vu par beaucoup comme le Premier ministre de la gouvernance IBK. Le nouveau président élu surprendra en nommant Oumar Tatam LY, jeune banquier issu d’une famille d’idéologues socialistes, combattants infatigables de la démocratie, de la liberté et du bien-être du peuple.

C’était, semble-t-il, assez suffisant pour rassurer sur le slogan : Le Mali d’abord ! Le Rpm pouvait donc attendre. Et il attendra jusqu’à ce samedi 8 avril 2017 avec la nomination de son 1er vice-président pour diriger le gouvernement à quelques mois de la fin du mandat d’Ibrahim Boubacar Kéita. Il n’échappera à personne que l’équipe en place aura surtout pour priorité la satisfaction de la demande sociale.

Et de là découle la deuxième raison. Un front social qui se crispe avec depuis plus d’un mois une grève illimitée de la santé, après celle également illimitée des magistrats mais qui aura trouvé une solution en moins de temps, et avant celle de l’enseignement supérieur qui n’est qu’à son début.

Mais la dissolution du gouvernement atténuera tout au moins les ardeurs des revendications. Dès le lendemain de sa nomination, le nouveau Premier ministre a décidé de prendre langue avec les agents de la santé en grève. Ce qui est un bon signe !

Abdoulaye Idrissa Maïga démontre par là une volonté d’ouverture et de concertation là où Modibo Keita se faisait distant et du haut de ses 2 mètres toisait les nuages et ne voyait pas les souffrances quotidiennes et n’entendait pas les cris de SOS et de désespoir des Maliens.

Abdoulaye Idrissa Maïga, qu’on dit rigide dans sa conception des choses, espérons-le, aura compris la politique dans sa carrière ministérielle qui débuta le 11 avril 2015 avec l’équipe conduite par Moussa Mara comme ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement avec un rang protocolaire médian, 15e sur 31 membres.

Depuis, l’homme est dans l’attelage des différentes équipes qui seront faites et défaites. En janvier 2015, il grimpera au second rang protocolaire comme ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, dans la première équipe constituée par Modibo Kéita.

A la faveur du réaménagement opéré par le Chef de l’Etat, toujours au même poste, le voilà presque comme un vice Premier-ministre sur la liste du nouveau gouvernement. Lorsque qu’il dut remplacer Tiéman Hubert Coulibaly (limogé suite à une vague d’attaques contre les forces armées maliennes) au poste de ministre de la Défense et des Anciens combattants, il garda sa position de vice-Premier ministre jusqu’à sa nomination comme Premier ministre en remplacement de Modibo Kéita.

 

Un leader politique épais

L’homme a pris de l’épaisseur politique. On l’a vu à la manœuvre lors du congrès du Rpm pour prendre la tête du parti présidentiel et placer ses hommes aux postes stratégiques. Les tiraillements avec le clan Tréta ont été si forts que d’aucuns n’ont pas hésité à parler de crise profonde au sein de la formation qu’Ibrahim Boubacar Kéita a créée avec certains de ses camardes après leur départ de l’Adéma-Pasj.

Abdoulaye Idrissa Maïga a donné des sueurs froides aux membres de la direction du parti. Il aura fallu le tact d’IBK lui-même pour qu’il bride ses velléités et les ardeurs de ses soutiens. Il s’en sortira avec le poste de Premier vice-président. Quant à Mahamane Baby, qu’il aurait voulu placer au poste de Secrétaire général, il cèdera pour l’avocat Baber Gano proposé par IBK au soir de la clôture du congrès au bonheur de tous les clans.

Voilà donc l’ingénieur en élevage devenu fin manœuvrier politique. Mais, à la Primature, les défis sont nombreux et compliqués. L’insécurité généralisée qui handicape la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le bouillonnement du front social avec des revendications corporatistes légitimes qui motivent les grèves de la magistrature, la santé et l’enseignement. Rien que cela, le nouveau PM aura un début difficile puisqu’interpellé sur tous les fronts. Or, son équipe doit aussi préparer le deuxième mandat du locataire de Koulouba.

S’il réussit à juguler la crise sociale, il aura gagné de grandes victoires auprès de l’opinion. Et tout porte à croire qu’il fera des concessions pour contenter tout le monde. D’ailleurs, il n’en a pas le choix. Premier ministre pompier, sa mission est d’éteindre les feux qui menacent de bruler la Maison Rpm et qui risquent de barrer la route de Koulouba à IBK pour un second mandat.

La méthode à adopter dans de telles situations est donc celle de la souplesse qu’il ne faut pas confondre avec la mollesse ; celle de l’écoute qui ne doit être prise pour de la complicité ; la rigueur qui n’est pas la rigidité. C’est à ce prix que le Rpm pourra engranger les bons points et faire porter tous ses échecs aux prédécesseurs d’Abdoulaye Idrissa Maïga ainsi que nous le disions dans notre livraison du 19 janvier dernier (Le Reflet du 19 janvier 2017) sous le titre «Le Rpm maintenant», dont voici l’essence :

«A un peu plus de vingt mois de la prochaine élection présidentielle, l’arrivée annoncée du Rpm aux affaires devrait permettre au parti d’engranger en fin de compte tous les bons points qui se profilent à l’horizon dans le ciel politique national.

Les stratèges politiques du parti des tisserands s’apprêtent à récolter tous les bénéfices qui devront tomber après le Sommet et figurer au compte d’autrui tout ce qui jusque-là n’a pas fait l’unanimité au sein de l’opinion voire tous les échecs et errements de la gouvernance IBK depuis son élection triomphale de 2013.

Cette ère nouvelle annoncée dans la gouvernance politique pourrait-elle faire oublier les amertumes du Mali d’abord ? S’il est permis d’espérer, on ne peut toutefois pas s’empêcher de prier que le Rpm maintenant ne soit pas aussi marqué des affaires qui ont tâché indélébilement le début du premier mandat d’IBK. Vivement donc, le Rpm maintenant, pour oublier les désespoirs du Mali d’abord» !

Olivier Haudet

Source: Le Reflet