Avec les débats sur le projet de loi électorale, finalement adopté après avoir été profondément amendé (au point que le gouvernement ne s’y reconnaissait plus), le Conseil national de transition (CNT) a démontré qu’il compte pleinement appliquer le principe de la séparation des pouvoirs qui est l’essence de la démocratie. Et, du coup, le chef du gouvernement est appelé à en tirer toutes les conséquences.

«Nous venons d’accomplir un acte historique en dotant le Mali d’une nouvelle loi électorale», a déclaré le président du CNT, Colonel Malick Diaw, dans son intervention de clôture de la plénière (session d’avril) au cours laquelle a été adoptée la nouvelle électorale de notre pays. Il n’a pas manqué de rappeler que «le chemin fut long et semé d’incertitudes et d’appréhensions…». Il faut rappeler que, déposé le 3 décembre 2021, le projet de loi électorale a été adopté par 115 voix pour et 3 contre avec zéro abstention.

Cette adoption a été historique dans la mesure où elle a permis aux membres du CNT de prouver qu’ils ne comptent pas faire de l’organe législatif de la transition une simple caisse de résonance comme l’Assemblée nationale sous l’ère démocratique. Le projet a été adopté après plusieurs heures de débats souvent houleux. Les honorables ont sérieusement amendé le projet initial soumis à leur adoption.

Au finish, 92 amendements ont été votés au grand dam du gouvernement de transition malien représenté par le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et Institutionnelles, Mme Sylla Fatoumata Sékou Dicko. Elle n’a pas manqué de désavouer le texte amendé qui, selon, elle, vide le projet de loi proposé par l’exécutif de sa substance.

Un argument battu en brèche par le président de la Commission des lois du conseil. «Le CNT veut d’une loi électorale consensuelle et non celle d’un clan», a martelé, Souleymane Dé lors des débats. Sur 225 articles proposés par le gouvernement, 6 ont été supprimés et 92 amendés. Les débats ont été surtout houleux sur l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE).

Les amendements ont notamment porté sur le mode de désignation et la composition des membres de cet organe de gestion des élections qui est passé finalement de 7 à 15 membres, dont un seul désigné par le Premier ministre. Dans le projet de loi initial, le Premier ministre nommait à lui seul quatre des sept membres du bureau de l’AIGE excluant les partis politiques et la société civile. Les autres membres de l’autorité seront désormais désignés par le président de la République, les partis politiques et la société civile.

Une adoption qui marquera l’histoire politique du Mali

Il faut rappeler que le gouvernement avait tenté de retirer ledit projet de loi la veille de la plénière. Une veine tentative d’autant plus que le délai était forclos. La loi doit être maintenant promulguée par le président de la transition. Son adoption au CNT marquera en tout cas les annales de la transition voire l’histoire politique du Mali. Et cela d’autant plus que, pour l’une des rares fois, un organe législatif a tenu tête à l’exécutif donnant ainsi un sens au principe de la séparation des pouvoirs, un principe sacro-saint de la démocratie.

Les membres du CNT ont ainsi démontré qu’ils comptent pleinement jouer leur mission dans la refondation de l’Etat en veillant à ce que les réformes reposent sur des législations privilégiant l’intérêt général. Tous les textes qui leur seront soumis vont être donc examinés de «façon scientifique» et amendés, si nécessaire, avec une «précision chirurgicale».

La fermeté affichée par le président Malick Diaw face au ministre Ibrahim Ikassa Maïga (Refondation/chargé des relations avec les institutions), qui voulait profiter de sa courtoisie pour relancer le débat, conforte cet espoir d’un organe législatif ayant pris conscience de son poids politique et de l’importance de sa mission.

La conséquence de cet acte posé par l’organe législatif est que le gouvernement du Premier ministre Choguel Maïga est désavoué. Va-t-il rendre le tablier ? Rien n’est moins sûr.

Les débats suscités par l’adoption de la loi électorale ont en tout cas permis aux membres du CNT de marquer des points dans le cœur des Maliens. Les réactions (pendant et après les débats) sur les réseaux sociaux l’attestent. «Ils viennent de sauver le Mali du naufrage post-électoral», a commenté un confrère. «Nous savons maintenant que le CNT n’est pas formé sur une base complaisante. Aujourd’hui, nous sommes convaincus qu’il a en son sein des hommes et des femmes très compétents avec un intégrité intellectuelle à toute épreuve», a reconnu un intellectuel de la diaspora. Un avis largement partagé sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter notamment.

Gageons que les membres du Conseil national de transition sauront maintenir la barre à un si haut niveau pour doter le Mali Kura de textes indispensables à sa stabilité politique et à son émergence socio-économique !

Moussa Bolly

Source: Le Matin