Professeur Dioncounda Traoré, ancien chef d’Etat,

et Haut Représentant du Chef de l’Etat pour les

Régions du Centre,

Monsieur le Chef du Gouvernement,

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,

Mesdames et messieurs les autres chefs d’institutions,

Mesdames et messieurs les membres du

gouvernement,

Autorités morales, autorités religieuses,

autorités civiles,

Députés, maires, conseillers nationaux,

Chefs de missions diplomatiques,

Organisations citoyennes,

Mesdames et messieurs,

En vos rangs, grades et qualités,

Tous protocoles observés,

Acceptez tout d’abord que je rende grâce au Tout-

puissant d’avoir rendu possible qu’en cette heure et

en ces lieux, nous nous retrouvions pour parler Mali,

réfléchir Mali, respirer Mali !

Nous avons tenu à être là pour que le Mali soit notre

parole commune, notre réflexion commune, notre respiration commune.

Parler, réfléchir, respirer Mali ensemble.

Chacun pour ce qu’il est. Chacun pour ce qu’il a.

Chacun, ce qu’il peut.

Chacun, ce qu’il doit. Chacun avec sa part de dettes

à éteindre vis-à-vis de cette terre dont nous sommes

tous redevables, et à la même enseigne.

Tous redevables, et à la même enseigne. Nul plus

qu’un autre. Nul moins qu’un autre.

 

C’est à ce devoir sacré d’union, de consensus et de gratitude, que nous sommes invités ici.

Car, vérité des temps anciens, un doigt seul, quelle que grande que soit sa force, ne peut soulever,la plus petite pierre.

 

Mais, vérité de tous les jours : aucune montagne n’est plus forte que la foi de tout un peuple.

Pardonnez ma faiblesse ! Pardonnez qu’aujourd’hui aussi, j’invoque le Roi Ghezzo, que je nous exhorte,tous à rassembler nos mains pour qu’elles viennent boucher les trous de la jarre.

Mesdames et messieurs,

Acceptez ensuite qu’à chacune de vous, à chacun de vous, j’adresse mes salutations déférentes !

Acceptez enfin que je salue sincèrement et chaleureusement l’équipe, j’allais dire les équipes qui,

nuit et jour, dans le District, dans les Régions et dans

les communes, se sont surpassées pour que nous

soyons là en cette heure, fiers du chemin parcouru et

confiants pour la suite des travaux.

Merci donc cher aîné, Pr Baba Akhib Haidara : nul ne

te fera procès demain d’avoir été en marge de cette

nation à laquelle tu continues de donner le meilleur

de toi-même. Digne devancier, puisse ta science et ta

patience continueront de guider les travaux !

Merci aussi, à toi Premier ministre Ousmane Issoufi

Maïga ! En acceptant la mission qui t’a été confiée, tu

as apporté la démonstration éclatante que la nation

transcende les partis. Ton geste ne saurait être oublié.

Merci du fond du cœur, Aminata Dramane Traoré : Tu

es une figure emblématique du combat pour la justice

et le partage. Demandée sur tous les fronts, hors du

Mali, tu as mis en veilleuse ton agenda international.

Tu t’es mise à la disposition du Mali. Cette passion et

cet engagement de ta part ne me surprennent pas.

Ambassadeur Cheick Sidi Diarra, cher cadet, fin

organisateur et bourreau du travail s’il en est : tu as

tes opinions et tes convictions politiques. Mais tu

es venu au chevet du pays, en t’assumant et en te

surpassant. Quelle noblesse !

Chères sœurs, chers frères, je souhaite que nous

nous levions ! Que nous nous levions pour applaudir

cette dame exceptionnelle et ces trois messieurs

distingués. Ils auront été à la tâche. Ils auront assuré

et rassuré. Leur nom est désormais inextricablement

lié au Dialogue National Inclusif du Mali. Et ce ne sera que justice !

Pr Dioncounda Traoré, ancien Président par intérim,

cher aîné, merci d’avoir répondu présent à mon

invitation. Tu l’as toujours fait et je t’en sais gré.

Mesdames, Messieurs,

En cette heure solennelle, je voudrais redire ici, mon

profond respect pour mes illustres prédécesseurs :

Président Modibo Keita, Général Moussa Traoré,

Président Alpha Oumar Konaré, Président Amadou

Toumani Touré, Président Dioncounda Traoré.

Tous ne sont pas dans cette salle. Mais tous ont

apporté leur contribution intellectuelle et leur

bénédiction au processus qui nous vaut d’être en ce

moment ensemble. En ce lieu prédestiné. Baptisé du

nom de Amadou Hampaté Bâ. Amadou Hampaté Bâ,

un des esprits de son siècle, mémoire de civilisations

entières, et maître de la maïeutique. Peut-être Socrate

réincarné sur les rives du Bani, nous enseignant, toutes leçons tirées, qu’après tout, la seule vraie cigüe, le seul vrai poison, c’est l’indifférence quand elle débouche sur ce qui peut relever du suicide collectif.

Un esprit nous veille donc en ce Palais. C’est l’esprit d’Amkoullel.

C’est la preuve flagrante que nous sommes le peuple

chanceux d’une terre qui a eu la sagesse de s’ouvrir

à tous les souffles.

Nous sommes ce Mali divers où la même grotte peut

donner à la fois Amadou Hampate Ba et Yambo Ouo‐

loguem, le devoir d’ingérence et le devoir de violence.

Devoir d’ingérence quand une querelle que l’on croirait

circonscrite menace de mettre le feu à la maison. Et

devoir de violence, lorsque porter les armes contre les

ennemis de la paix devient une nécessité impérieuse.

Le Mali divers mais uni, est dans la salle. Il est venu de

toutes les Régions, de toutes les ethnies, de toutes les

confessions, de tous les âges, de toutes les opinions.

Je me réjouis de la mosaïque ici recréée pour que les

uns et les autres échangent, pour que les uns puissent

changer les autres, et que tous conviennent que la

diversité est notre plus grande richesse et l’unité notre plus grand souci.

Qu’il vous plaise que je salue en particulier nos frères de la CMA ici présents. Nous avons eu nos désaccords. Nous les avons encore. Mais parce que nous avons tous souci de la paix, de la convivialité, nous avons fait en sorte qu’ils soient là !

Bienvenue parmi nous, à tous les représentants des ex

mouvements armés ici présents pour prendre part à la

construction et à la consolidation de la paix et du bien-

être. Au profit de chaucune de nos communautés,

mais aussi au profit de l’ensemble national.

Tel est le Mali : de Kayes à Menaka, de Sikasso à Kidal, de Ségou à Mopti.

Tel est le Mali de toutes les ethnies, avec ses communautés métissées, ses codes d’honneur, son acceptation de l’Autre, sa soif de l’Autre.

Tel est le Mali, terre majeure d’un peuple majeur,

parmi les premiers à être venus à la lumière, celle

de Tombouctou partagée avec le monde, celle du

Wagadu, du Songhoy, de Kong, tous ces hauts-lieux

d’incubation et de brassage, où il est acquis que

l’homme ne saurait être un loup pour l’homme, mais

son remède, sa solution, son atout.

Mesdames et messieurs,

De l’événement majeur qui nous réunit ici, événement

refondateur, au sens propre du terme, la signification

profonde ne saurait échapper à un aucune fille, aucun

fils de la nation, cette nation agressée mais debout,

cette nation indulgente mais pas amnésique.

Congressistes, votre mission est précise, car balisée

par des termes de référence aussi clairs qu’exhaustifs,

où les objectifs globaux et spécifiques ont été traités

de docte manière par vos techniciens sous le leader‐

ship reconnu du Triumvirat et du Président du Comité

d’Organisation de ce Dialogue National Inclusif.

Les axes à débattre sont également tous, d’une pertinence avérée, d’une actualité brûlante.

Il s’agira pour vous, d’ausculter le pays pour voir quel

est son mal, d’où nous vient-il et comment le soigner.

Vous êtes une force de propositions. Et le peuple

attendra de vous que votre congrès ne soit pas un

congrès de plus, mais le congrès qu’il fallait pour

mieux asseoir notre processus démocratique,

adapter nos institutions, corriger notre gouvernance,

stabiliser notre pays, renforcer notre commune volonté de vivre en commun.

Et cette attente populaire survient à un moment où

la crise sécuritaire qui nous frappe a révélé toutes les

fragilités et les tares de notre administration.

Oui, je le dis avec peine, mais il est désormais

incontestable que de nouvelles légitimités se font jour

qui gagnent le cœur des populations, avec un nouveau

système de justice même si cela s’appelle charia,

d’administration et d’enseignement.

L’Etat tel qu’il est questionné, ébranlé dans ses

fondements. Vos assises doivent mieux analyser et

traiter la demande de mieux d’Etat que le processus

de décentralisation, réforme majeure du Mali

démocratique, a permis de déceler.

Car dans nos villages, nos communes, aux yeux de

nos populations, plus rien, ne peut être comme avant.

Qu’on se le tienne pour dit !

Mesdames et messieurs,

Je n’ai nul doute que vos débats relèveront le défi de

la profondeur et de l’exhaustivité, qu’ils seront sans

concession mais qu’ils resteront civilisés et courtois,

en droite ligne avec les valeurs qui sont celles de ce

terroir : vérité, sincérité, convivialité.

Vous le savez, je me suis engagé à accompagner le

mécanisme de suivi que les congressistes, en toute

souveraineté, mettront en place. Je tiendrai parole.

Vous le savez aussi, je me suis engagé à mettre et faire mettre en œuvre des recommandations issues de vos travaux. Je ne m’y déroberai point.

Je ne suis que le serviteur du Mali. Mon ambition,

celle de mon gouvernement, sont de faire en sorte

que le peuple malien soit respecté partout et qu’il

vive décemment.

Rien ne sera mis au-dessus du confort de nos compa‐

triotes. L’Etat est à l’écoute de la demande sociale, se

surpassant à chaque fois pour que les revendications

soient gérées à la mesure de ses moyens.

Ces efforts continueront. Mais il est vital que ce

Congrès examine la question devenue incontournable

d’une trêve sociale, durable et véritable, qui permette

une respiration minimale à un pouvoir public pris à la

gorge par les dépenses militaires.

Il est également souhaitable que ces assises débattent de l’attitude d’une nation en guerre. Une attitude qui doit aller au-delà des indignations de pure forme.

Nous devons être de solidarité authentique, palpable,

mesurable avec nos soldats. Si le plus lourd fardeau

revient à l’Etat, chacun d’entre nous peut un peu,

chacun d’entre nous doit faire plus d’effort pour notre

guerre, qui est une guerre de libération nationale.

Ni plus ni moins.

Les théories conspirationnistes, inspirées moins par

un sursaut d’orgueil national que par une logique de

déstabilisation et de plaidoyer pour les forces pseudo

jihadistes ne sont pas à l’honneur de notre pays.

Nous sommes tous impatients de retrouver la paix.

Nous voulons tous que nos enfants puissent retrouver

au clair de lune et les chants et danses dont les

terroristes les privent, au nom de Dieu, leur Dieu.

Il est vrai qu’aider le Mali à sortir de sa crise, c’est

contenir celle-là pour qu’elle ne pas déferle sur la sous-

région, le Maghreb et l’Europe.

Mais il importe que nos compatriotes mesurent que

s’en prendre à la Minusma, c’est s’en prendre surtout

aux forces sénégalaises, burkinabé, togolaises,

ghanéennes, tchadiennes. Cela est si inconfortable

pour notre honneur de Malien, d’Africain !

Pareillement, nous devons dépasser le complexe

colonial, vis-à-vis de la France.

Nos parents étaient engagés par elle sur les fronts des

deux grandes guerres mondiales.

Aujourd’hui, elle est notre alliée et ses soldats

tombent sur notre sol comme les nôtres. Sachons

raison garder !

Congressistes,

Hier seulement, notre voisin le Niger, enterrait

soixante-dix de ses soldats tombés sous les balles

de ceux qui veulent installer le chaos et le sang à

la place de nos Etats.

Ce voisin, ne l’oublions pas, a ouvert ses portes aux

dizaines de milliers de nos compatriotes chassés par

la crise qui a secoué notre pays en 2012. Les héros

tombés sur le sol malien et sahélien de Inates sont

nos fils et nos frères.

Inclinons-nous devant leur mémoire !

Demain Inch Allah, j’irai présenter les condoléances de

la nation malienne au peuple frère du Niger.

Inclinons-nous en même temps devant la mémoire des soldats français tombés à Indelimane et ailleurs dans notre pays et dans le Sahel.

Inclinons-nous devant la mémoire de tous les soldats

tombés, maliens, burkinabe ou d’autres nationalités !

Inclinons-nous devant la mémoire de tous les civils

injustement tombés dans la salle guerre qui nous

est imposée, qui nous distrait de nos priorités de

développement, de nos ambitions de routes, d’écoles,

de forages, de logements !

Il ne nous est pas laissé d’autre choix que la guerre.

Alors nous nous battrons, Quelle que soient les

pertes. Quel que soit le coût ! Quelle que soit l’heure !

Quel que soit le lieu !

Et la victoire qu’il plaise à Dieu sera nôtre. Parce

que c’est de notre côté que se trouve le vrai islam,

le vrai amour, la vraie tolérance, la vraie volonté de

paix, la vraie civilisation.

De toutes ces questions, je sais que le Dialogue

National sera saisi. A toutes ces questions, je sais

que sous huitaine vous proposerez des réponses qui

conforteront la marche de la République.

Alors il ne me reste plus qu’à lui souhaiter bon vent.

Qu’Allah bénisse le Mali !

Je déclare solennellement ouverts les travaux du

Dialogue National Inclusif.