À la veille de l’investiture du Président IBK, le chef de file de l’opposition et candidat de l’URD et de la Coalition ‘‘Ensemble, restaurons l’espoir’’, Soumaïla Cissé, a publié une déclaration, en date de ce lundi 3 septembre, dans laquelle le leader de la contestation électorale en cours remercie ses fidèles pour leur mobilisation, appelle à la poursuite des mouvements de contestation, tout en insistant toujours sur le rejet des résultats de la dernière présidentielle.

Soumi renonce à son ‘’investiture’’
Pourtant, il l’avait déclaré et comme lui, bon nombre de leaders politiques maliens, engagés à la présidentielle : le 4 septembre, Soumaïla Cissé sera déclaré et investi nouveau président de la République du Mali. L’événement surviendra à la suite d’une cérémonie que le camp de la contestation électorale au Mali entend considérée comme le couronnement de sa lutte pour restaurer les résultats d’un scrutin, jugé truqué en faveur du président sortant, alors que les chiffres réels font nettement pencher la balance à la faveur du candidat de la Restauration de l’Espoir, arrivé deuxième au premier et qui revendique mordicus sa ‘’victoire’’ à l’issue du second tour.
Pourtant, si l’on s’en tient aux termes de sa déclaration de ce 3 septembre, rien n’indique qu’il y aura, du moins côté opposition malienne, une quelconque cérémonie d’investiture, qui sera la suite logique des marches et meetings de la contestation électorale en cours depuis la proclamation définitive par la Cour Constitutionnelle des résultats qui reconduisent le sortant IBK à son fauteuil présidentiel. La déclaration de Soumaïla Cissé, le leader de l’opposition malienne et principal challenger du président IBK, lors de la dernière présidentielle, ne laisse aucun doute : le candidat de la Restauration de l’Espoir semble avoir bel et bien abandonné toute illusion d’investiture comme président de la République. Nulle part en effet, dans cette courte déclaration, le candidat malheureux de la dernière échéance électorale ne pipe mot d’une éventuelle cérémonie d’investiture, comme l’avaient annoncé plusieurs leaders de l’opposition. Dans la dynamique de la contestation en cours depuis la proclamation des résultats du 1er tour de la présidentielle, les différents candidats, du moins pour une bonne partie d’entre eux, n’avaient pas pris de gant pour déclarer que la cérémonie de demain n’était à leurs yeux que le terme d’une mascarade électorale.
Dans les décomptes de l’opposition, Soumaïla Cissé obtiendrait 51,75 % des suffrages exprimés contre 48,25 % pour le président sortant. Ajouter à ces chiffres, la longue liste des infractions et autres accusations ayant entaché le processus électoral, l’opposition ne trouvait aucune grâce à une Cour Constitutionnelle elle-même plus que suspecte de collusion. La position, pour extrême qu’elle ait été, avait été clairement annoncée par le Général Moussa démissionnaire Sinko Coulibaly. En effet, l’ancien ministre de l’Administration de la Transition et de IBK, avait déclaré, au cours du meeting du 7 août des 18 candidats (y compris Aliou Boubacar Diallo et Cheick Modibo Diarra, 3e et 4e de la présidentielle) que « Si la Cour (cautionnait) la fraude électorale en mettant IBK comme président, nous aussi, nous allons donner notre résultat et investir notre président le 04 septembre ».

Poursuivre les manifs…
Pour le leader de l’opposition malienne, « la cérémonie d’investiture d’un président non élu prévue pour mardi 4 septembre est nulle et de nul effet », car poursuit-il avec conviction, « Ibrahim Boubacar Keïta n’a pas été élu par le peuple malien. Aucune propagande, aucune manœuvre, aucune intoxication, aucune menace, aucune intimidation ne sauraient masquer cette réalité ».
Tout au plus, Soumaïla Cissé invite-t-il « le peuple malien à organiser, le 4 septembre, des rassemblements pacifiques pour exprimer son opposition à l’imposture et son attachement à la vérité et à la démocratie ». Ni le format, encore moins les lieux et cadres de ces manifestations ne sont clairement déterminés, de même qu’on ignore si d’éventuelles demandes d’autorisation ont été adressées à l’administration à cet effet. Bref, le flou total, le propre des déclarations sibyllines du genre ! Quand bien même que la position radicale, de déni de toute légitimité et de toute légalité, demeure vivace, on remarque le ton moins véhément et surtout l’absence de toute indication, voire de toute consigne quant à une éventuelle investiture du candidat de la restauration de l’espoir. En clair, un bémol dans la dynamique contestataire, dont l’investiture annoncée avait été présentée comme le couronnement. Au propre comme au figuré, il y a un net recul de la position de la contestation électorale, dont Soumaïla Cissé donne ainsi le ton par rapport aux précédentes décisions. Côté opposition, il n’y a ni programme ni consigne par rapport à l’investiture de Soumaïla Cissé.

Paul et Kimbiri out ?
Mais le recul ne se limite pas à cela : la déclaration du 3 septembre ne fait mention ni de Paul Ismaël Boro, ni de Moussa Kimbiri ! Curieux tout de même quand on sait que ces deux personnalités avaient été au cœur des déclarations de la marche et du meeting du samedi 1er septembre, pourtant présenté comme un des temps forts de la contestation politique en cours au Mali. De toute évidence, Paul Ismaël Boro et Moussa Kimbiri semblent passés à la trappe, car en dépit de son ton moins véhément, la déclaration du 3 septembre de Soumaïla Cissé marque un tournant assez significatif de la stratégie jusque-là annoncée par l’opposition, qui devrait aboutir à l’instauration d’un pouvoir présidentiel parallèle au Mali. Les deux personnalités, détenues pour des faits délictueux ‘’en grève de la faim’’, sont plutôt considérées par l’opposition comme des détenus politiques, de surcroît arrêtés dans des conditions jurant avec les procédures requises et plusieurs initiatives ont été entreprises par celle-ci pour exiger leur libération.
Reste qu’il faut maintenant tirer les enseignements d’une déclaration qui ne donne aucune consigne claire quant à l’attitude à adopter, rien que déjà pour répondre à l’investiture d’aujourd’hui. Mais le fait est que toute tentative visant « à organiser, le 4 septembre, des rassemblements pacifiques », serait vite perçue comme de possibles perturbations de la cérémonie d’installation du Président IBK. Et la réponse ne fait aucun doute. Comme en 1997, lors de l’investiture de Alpha Oumar Konaré, qui avait abouti à la répression et à l’emprisonnement des principaux leaders de l’opposition malienne. C’était avec un certain IBK, Premier ministre, Soumaïla Cissé, ministre des finances et un Soumeylou Boubèye Maïga, alors Dg de la Sécurité d’État et futur ministre de la Défense. Des bégaiements de l’histoire ?

Yaya TRAORE

Info-matin