Dans ce billet, Mohamed Ag Assory, analyste politique et spécialiste des relations internationales, livre quelques enseignements du 1er tour des élections législatives, tenu le 29 mars 2020.

Figurant parmi les recommandations du Dialogue national inclusif (DNI), les élections législatives ont été organisées au Mali, le dimanche 29 mars. C’est une élection inédite, organisée alors que le pays est dans l’œil du cyclone  de la pandémie du Covid-19. De fait,  le Mali a déjà dépassé la barre des 20 cas testés positifs. Si l’organisation a été plus ou moins calme que les présidentielles de juillet-août 2018, ce scrutin donne plusieurs enseignements.

1- Un taux d’abstention record

En général, les Maliens ne votent pas massivement. Le taux de participation pour toutes les élections législatives confondues dépasse rarement les 50 %. A titre d’exemple, celui  du premier tour des élections législatives du 24 novembre 2013 était de 38, 62% et de 37, 24 % pour le second tour de la même échéance. Il était également de 32,19 % pour le scrutin du 1 juillet 2007 et de 21%  lors des premières législatives du 23 février 1992 .

Pour les élections de cette année, en attendant les résultats définitifs qui seront proclamés par les autorités de tutelle, il est fort probable que le taux de participation général soit en deçà des participations précédentes. Il est même moins de 10% dans les bureaux de certaines circonscriptions électorales.

Principale raison de cette abstention record : la psychose générale générée par le coronavirus. Mais, il n’y a pas que ça. Il faudrait prendre en compte  les facteurs sécuritaires. Plusieurs bureaux n’ont pas ouvert :  sur les 12 469, 274 n’étaient pas opérationnels, selon les autorités. Par ailleurs, beaucoup d’électeurs sont en situation de déplacement interne, notamment dans le Centre.

2- Pas de percée nationale pour les petits partis

L’espoir suscité par la surexcitante campagne électorale a laissé place aux dures réalités de la politique malienne. Les vieilles formations politiques seraient vraisemblablement toujours en bonne position sur le résultat général.

Même si l’exercice des tendances est difficile à ce stade, le Rassemblement pour le Mali (RPM), l’ADEMA-PASJ, l’Union pour la république et la démocratie (URD) et l’ASMA-CFP semblent déjà sortir du lot, selon les premiers résultats provisoires au niveau national.

Par contre, certains petits partis sont parvenus à se maintenir dans la course grâce aux alliances avec les anciennes formations. Le choc des générations tant attendu n’a pas véritablement eu lieu et la donne y est farouchement opposée.

3- Achats de conscience en plein air

Malgré le peu d’engouement suscité par les élections, plusieurs vidéos, non authentifiées officiellement pour le moment, montrent des présumés électeurs recevoir de l’argent dans les abords des centres de vote.

Certains quartiers généraux de campagne ont préféré investir à « l’ancienne » que de battre réellement campagne et laisser les électeurs choisir. Nous sommes en 2020 et l’argent continue de faire bon ménage avec les élections.

D’autres, qui ont prôné l’orthodoxie en la matière et le changement des mentalités, ont pris une douche froide dans les urnes. Des requêtes pour annulation pour les cas d’achats flagrants de voix seront certainement déposées auprès de la Cour constitutionnelle.

4-  Le grand perdant : la jeunesse

Certains candidats ont séduit sur les réseaux sociaux par leur jeunesse, leur vitalité et de nouveaux slogans qui font rêver. Malheureusement, la mayonnaise n’a pas pris et les électeurs n’ont point tenu compte de la jeunesse et du changement générationnel dans leur choix.

La plus jeune liste de ces législatives, et certainement la plus jeune de notre histoire démocratique, s’en sort avec un score provisoire de 1,18 %. Voir des jeunes de  20 ans à Bagadadji n’est pas pour 2020 ! Il n’est même pas certain d’y avoir des trentenaires pleins à cette allure.

 

Source: benbere