Après les lourdes sanctions de la CEDEAO contre le Mali, les autorités de la Transition vont devoir faire des choix. Entre résistance à la sévérité de chefs d’État critiqués de toutes parts pour leur rigidité et négociations pour sortir rapidement de la crise, les marges de manœuvre des uns et des autres ne semblent pas grandes.

 

Un sentiment de culpabilité habiterait-il les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) après les sanctions économiques, financières, commerciales et politiques hors normes infligées au Mali à l’issue de leur sommet extraordinaire tenu à Accra le 9 janvier 2022? Leur mutisme face aux déchaînements de “solidarité avec le peuple malien” et l’impopularité manifeste de leurs décisions auprès des opinions publiques africaines dans les médias sociaux et classiques le laisseraient croire. Une désapprobation générale s’exprime pour condamner “la main lourde” de Présidents loin d’être considérés comme des modèles chez eux, même si, pour leur part, la junte malienne est brocardée pour son “amateurisme”.

“La CEDEAO avait envie de taper très fort sur la table pour rétablir son honneur et sa légitimité. Mais force est de constater que ces sanctions coordonnées avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) n’arrangent rien. Elles sont une forme de radicalité de la réponse politique administrée au Mali et pas à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Or, la situation était parfaitement négociable. Sans doute fallait-il avoir à l’esprit que les militaires avaient eux aussi besoin de montrer à la CEDEAO que le calendrier électoral malien n’était pas la priorité pour le Mali comme il ne l’est pas au Tchad ou en Guinée-Conakry”, analyse Emmanuel Dupuy, président du think tank Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), dans un entretien avec Sputnik.

 

La stabilité du #Mali doit primer sur les intérêts géostratégiques implicites, celle de la sous-région en dépend aussi. La #CEDEAO devrait en tenir compte et travailler étroitement avec le #gouvernementmalien. Le peuple #malien à besoin de sortir de cette incertitude structurelle

— Dr Mohamed L. Doumbouya (@meddoum) January 11, 2022

Au lendemain de l’annonce de ces sanctions, le colonel Assimi Goïta a pris la parole à la télévision publique malienne pour souffler le chaud et le froid. Le Mali “reste ouvert au dialogue avec la CEDEAO pour trouver un consensus entre les intérêts supérieurs du peuple malien et le respect des principes fondamentaux de l’organisation“. Mais en même temps, a-t-il indiqué, “nous avons fait le choix d’être sincères afin de prendre notre destin en main en forgeant notre propre voie“.

À l’heure actuelle, la désescalade est d’autant plus compliquée à obtenir entre les deux parties que le Mali accuse ouvertement la CEDEAO d’avoir été instrumentalisée par des puissances extérieures. Le bras de fer pourrait fragiliser l’environnement local malien alors que les résultats et la situation sécuritaires semblent s’améliorer sur le terrain par rapport aux mois précédents, ce qui ne signifie point que le danger n’existe plus”, souligne Emmanuel Dupuy.