Après le célèbre artiste Salif Keïta, c’est un autre fils du vieux Mandé, répondant au patronyme Keïta, qui vient de choisir de pourfendre publiquement IBK par un réquisitoire méticuleux. Les torts pointés par Lancéni Balla Keïta suffisent à couvrir Ibrahim Boubacar Keïta d’opprobre et à le rendre traître devant le tribunal de l’histoire.

 

On n’est jamais mieux servi que par les siens, dit-on. Si ceci est un énoncé d’airain, on pourrait en déduire qu’on n’est jamais non plus pire, mis à nu que par les siens. Ainsi apparaissent les énergiques philippiques décrochées tour à tour, à une dizaine de jours d’intervalle, par Salif Keïta et Lancéni Balla Keïta contre leur « kôrô » (littéralement grand-frère ou cher aîné ). Ibrahim Boubacar Keïta, président de la République, en mal dans l’opinion publique nationale qui le tient pour responsable de tous les maux dont souffre la patrie et de toutes les menaces qui visent à saper la souveraineté de l’État. Il ne s’agit pas, bien entendu, et il convient de le souligner, de querelles fratricides. Bien au contraire, il faut y voir l’antique solidarité qui veut que lorsqu’un membre de votre corps est atteint, ce soit tout votre être qui en ressent la douleur. Un Keïta en est un autre, de Modibo Keïta à Ibrahim Boubacar Keïta, le premier nommé est le père de l’indépendance nationale, premier président de la République, et le second est l’actuel chef du même État en phase avancée de délitement. La file d’Ariane remonte à Soundjata Keïta et ne manque pas de continuer  sur tous les Keïta, que l’on s’appelle Salif ou Lancéni, et que l’on soit natif de Niani, Kangaba, du Sahel occidental ou de la Casamance dans l’océan Atlantique, à quelques encablures de Dakar, capitale du Sénégal. Oui, sans esprit sectariste et sans penchant régionaliste, le Mandé se sent interpellé : ce qu’un de ses fils a fondé a tout l’air d’être en cours de destruction par un autre sorti de ses entrailles.

En interpellant Kôrô », Salif Keïta n’a pas utilisé la langue de bois. Il a déroulé d’abord ses constats. Le pays va mal, très mal. Il est dans la merde, dans la panade, dans une chienlit qui insulte son glorieux passé. Le vol, la concussion, la corruption, les perversions multiples sont partout, visibles et impossibles à cacher. Il s’y ajoute trop de veuves et d’orphelins de militaires tués, avec des populations civiles massacrées, du bétail brulé et calciné  et des greniers incendiés. Du jamais vu dans l’histoire séculaire de ce pays de braves et d’âmes chevaleresques! Comme si tout cela n’était pas déjà trop comme malheurs et déceptions, c’est le pays même que l’on voit en train de disparaître. C’est alors que Salif Keïta rend son verdict : « Kôrô, si tu as peur, si tu ne peux pas…, laisse la place à plus méritant, à plus patriote prêt à consentir jusqu’au sacrifice suprême ».

Salif Keïta est un artiste, un homme populaire sans être populiste. Il faut l’admettre. Quant à Lancéni Balla Keïta, c’est un intellectuel, un haut fonctionnaire, un engagé politique, un ancien ministre de la République, un ancien député. Sa stature et son standing lui commandaient de ne faire ni dans la dentelle ni dans l’approximation. En choisissant, comme son aîné Salif, de s’adresser publiquement à « Kôrô » IBK, il a mis devant l’opinion des preuves, des faits et ses commentaires de manière à en faciliter la compréhension. « Kôrô Bourama, bonjour ! C’est ton jeune frère Lancéni Balla Keïta. Kôrô, l’actualité m’oblige à te donner mon point de vue sur les conditions de la signature de l’Accord d’Alger, quatre ans après sa signature. Je l’avais fait avant, pendant et après la signature dudit Accord d’Alger, source de tous les maux actuels de notre pays », commence-t-il son pamphlet, qui est en fait un réquisitoire sans appel.

Au fil du déroulé, on apprend, avec ahurissement, toute la culpabilité d’Ibrahim Boubacar Keïta dans le bradage du Mali dans ce qu’il faut rebaptiser « LE COMPLOT DE L’ACCORD D’ALGER ». L’ancien ministre et non moins ancien parlementaire, de toute évidence bien au fait des évènements, pointe les négligences, les complicités, les légèretés déconcertantes dont IBK a fait montre dans tout le processus et qu’il n’a jamais corrigées, encore moins remises en cause. Il donne les dates incrustées dans une chronologie démonstrative. C’est sciemment, pour faire le jeu des Français, auteurs du texte de l’Accord d’Alger, que IBK a envoyé des novices n’ayant aucune connaissance du dossier et de ses aboutissants, en lieu et place des cadres compétents et suffisamment avertis des  questions à débattre, comme feu le Colonel Ousmane Coulibaly, l’Inspecteur général Mamadou Diagouraga, le Général Brahima Coulibaly et d’autres. Un acte prémédité donc de la part de IBK, et indéniablement un acte de haute trahison. Car, assure Lancéni Balla Keïta, « Kôrô » a envisagé  les choses avec d’avance l’esprit de capitulation, en se laissant pour le moins berné par des démarcheurs nocturnes, missionnés par la France, dont la mauvaise foi sautait à l’oeil.

Pour perpétrer le crime parfait contre la République du Mali et contre la nation malienne, IBK a soigneusement évité de tenir les concertations régionales avant les pourparlers d’Alger, hypothéquant dangereusement l’avenir du Mali et de la sous-région, au grand dam des autres chefs d’État.

Par le même jeu de trahison, IBK a cautionné toutes les faveurs traîtresses en matière d’armée et de sécurité au profit des irrédentistes.  Conséquences : le pays a laissé filer deux tiers de son territoire national sous les rênes courtes et capricieuses du MNLA, de la CMA, etc. Les dispositions administratives sous dénominations de décentralisation ont fait le reste. Lancéni Balla Keïta en arrive à la conclusion que parce que IBK a la nationalité française, la France est son pays d’adoption qu’il porte plus dans son coeur que le pays de ses ancêtres. Il a vendu notre pays à sa patrie d’adoption.

 

Pierre Boukar Diarra

LE COMBAT