Les membres du Conseil National de Transition qui piaffaient d’être «en direct», ont eu leur rentrée solennelle à l’occasion du Grand oral du Premier ministre Moctar OUANE qui par-devant eux est venu décliner les grandes lignes du Plan d’action de son gouvernement. La messe était de pure forme, puisque dite d’avance. Par une centaine, les «honorables» nommés ont applaudi comme cela se faisait dit-on aux bons vieux temps du consensus alimentaire. Que faut-il retenir en dehors de la procession des in-crédibles, des honnis et vomis à côté de quelques patriotes égarés qui ne sont pas à leur place de chambre d’enregistreurs ?

 

Bien évidemment, il y a cette innocente, en quête de gloriole, qui a cru devoir recadrer le Chef du gouvernement sur ce qu’elle estime loin du détail : « Monsieur le Premier ministre on ne dit pas Conseil National de la Transition, mais Conseil national de Transition ». La petite parlementaire sélective visiblement était contente d’elle-même, parce qu’elle croit avoir donné l’estocade à ce Premier ministre qui « chokhobi » pendant qu’aucun broussard de Malien ne comprend ce français de France plus compliqué que celui d’IBK.

L’inconséquence
Mais de la part de Madame tout sauf député, la drôlerie, ce qui est cocasse, un peu bizarre, voire ridicule, c’est qu’elle n’a jamais daigné décliner l’appellation toute aussi pompeuse, ubuesque, grotesque, bouffonne, risible et comique de « honorable » que le Colonel au Perchoir lui a généreusement et gratuitement octroyée. À elle et ses autres collègues.
Parce que ce qui ne fonde pas le Premier ministre, Chef du gouvernement à se permettre par manque de rigueur phraséologique à appeler le CNT Conseil National de la Transition au lieu de Conseil National de Transition tel que consacré par la Charte et pertinemment rappelé par la Cour constitutionnelle, devrait conduire cette même membre du CNT à refuser de s’accorder le titre d’honorable.
En effet, rien, ni dans la Constitution, dans la Charte, encore moins la jurisprudence de la Cour constitutionnelle ne permet à ce CNT de s’octroyer pompeusement, emphatiquement et sentencieusement à ses membres le titre d’Honorable. Ces messieurs, dames du CNT, choisis par des putschistes sur la base d’un décret illégal, sont tous sauf des députés. N’étant élus nulle part, ils ne peuvent se prévaloir d’aucune légitimité, donc se farder d’une quelconque honorabilité qu’ils ne détiennent de personne et de rien. Ils sont tout sauf députés, et tout sauf des honorables.

Qui est honorable ?
Du reste, c’est quoi être honorable ? L’est-il par exemple celui qui après avoir pantalonné publiquement et insulté la France pour dire qu’il ne veut pas être député, se pare frauduleusement de la dignité d’honorable et d’une écharpe aux couleurs nationales et vient se pointer soi-disant devant le peuple du Mali et phraser en français… Comme si les Maliens comprennent son français de métro ! Allahou Akbar ! Mais, quel autre choix a-t-il ? Dans la langue de quelle communauté peuvent-ils parler s’ils ne sont les élus d’aucune communauté malienne, mais d’une junte pour laquelle ils roulent pour, disent-ils, une ‘’Transition réussie’’ ! Non ces messieurs, dames sont là pour leurs ventres, pour une Transition « touloutique », et non pour le Mali Koura.
Point ils ne peuvent être des honorables qui du reste théâtralise, pour ne pas dire « négrise » la fonction et le mandat du député. Pourquoi, diantre nos élus africains, notamment les députés, raffolent-ils ces civilités d’une autre époque ? Et c’est là que ça devient ridicule pour des gens qui sont tout sauf élus, tout sauf députés.
Honorable, c’est qui ? Honorable, c’est quoi ? Selon le centre national de ressources textuelles et lexicales français, est honorable une personne qui par sa conduite, ses actions conformes à une norme valorisée socialement est digne d’estime, de considération, de respect. Il s’agit d’un homme qui fait preuve de probité, de sincérité et de droiture. Pour une dame, il s’agira de celle dont la conduite sexuelle est conforme à une norme valorisant la chasteté, la fidélité pour les femmes mariées et les fixant dans un rôle de mère et d’épouse.
Ajouté à un substantif, honorable désigne une personne, une fonction sociale… au Canada, en Australie et dans les pays anglo-saxons où tous les ministres du gouvernement du Commonwealth ou d’Etat, sauf ceux des territoires, ont droit au préfixe « honorable ». Un ministre qui devient plus tard député continue à se faire appeler ainsi. Mais le terme n’est pas acquis en vertu du fait de siéger à la Chambre des représentants ou au Sénat.

L’usurpation de titre
Chez nous comme dans presque tous les pays africains, les députés s’attribuent le titre d’honorable comme au Royaume-Uni pendant le déroulement des procédures dans les Chambres des communes, par courtoisie, malgré le fait qu’aucun texte n’officialise ce protocole. En tout cas, au Mali, aucun article de la constitution et du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale (ou du Conseil national de Transition) ne confère à l’élu membre de la chambre le titre d’honorable. La Constitution (article 60) et règlement intérieur de l’Assemblée nationale (article 2) disent que les membres de l’Assemblée nationale portent le titre de ‘’député’’ ; et le règlement intérieur du CNT consacre plutôt le titre de ‘’membre du Conseil national de Transition’’.
Ce suivisme moyenâgeux (les députés sont appelés honorables, les ministres excellences…) qui veut qu’un député soit honorable est ridicule et folklorise les élus africains, notamment maliens où on peut aujourd’hui dans cette posture peut aspirer à cette dignité, pardon cette légitimité. Comme le dit le chanteur ‘’minyé minyé, o yé o yé…’’

L’honorabilité souillée
Un député, élu et mandataire du peuple mérite tout le respect et la considération dans le cadre de sa fonction et de ses missions. Mais, il est tout aussi évident que ce représentant du peuple (et non du pouvoir ou du parti) devrait s’imposer par lui-même, par ses principes, sa probité, par l’exemple qu’il véhicule et non par un titre ronflant qui ne veut rien dire. Mais qui est-ce qu’ils sont pour la plupart ? Des champions du changement de camp, pardon de la transhumance politique, du trafic d’influence, de l’usurpation et de la spoliation foncière et immobilière, et quelques-uns sont même corrompus et autres choses. Des ‘’députés boxeurs’’, ‘’étrangleurs’’, ‘’fornicateurs’’…peuvent-ils se parer du titre d’honorables ? Beaucoup ne peuvent même pas aller rendre compte dans leurs circonscriptions, pas à cause de l’insécurité ; mais à cause de l’improbité et de la clameur qui les pourchassent.
Quid des membres du CNT qui n’ont de compte à rendre à personne… ? Pardon, sauf au seul CNSP qui a été dissous. Quelle honorabilité ont-ils, si ce n’est de prendre chaque mois leur un million et demi plus les indemnités de session et d’applaudir ? Honorable ? Mon œil. Qu’ils prennent leur part, et qu’ils se taisent.

PAR BERTIN DAKOUO

Source : INFO-MATIN