Ça y est. C’est fait. Et rien ne pourra l’empêcher. Les putschistes de 2020 ont décidé d’ôter la tenue militaire pour faire un saut dans l’arène politique. La deuxième phase des préparatifs de la conquête du pouvoir vient d’être réalisée avec l’adoption de la loi électorale, après celle (la première) qui à consister à militariser l’administration publique. Ils sont aidés dans cette aventure par des politiciens incolores, inodores et sans saveur des partis politiques moribonds et des individualités politiques qui croient que leur soleil brille encore de mille feux. Dans un pays de surprises et de paradoxes, tout est possible et permis.

 

Depuis l’arrivée d’une race de femmes et d’hommes politiques affamés au pouvoir, en juin 1992, le Mali est devenu un cas particulier sur la scène politique internationale.

De régimes démocratiques élus frauduleusement aux coups d’État, en passant par des transitions chaotiques, le Mali est à terre, depuis le 8 juin 1992. Et il sera définitivement enterré par la volonté des militaires à conquérir et confisquer le pouvoir pour une succession à Koulouba (palais présidentiel) des cinq (05) colonels qui ont parachevé l’œuvre du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), le 20 août 2020, en renversant le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).La machine infernale de la conquête, de l’exercice et de la confiscation du pouvoir par les militaires, auteurs du coup d’État du 20 août 2020, représentés par cinq colonels, se met progressivement en marche et selon leur souhait.

Après la militarisation des postes à responsabilité de l’administration publique, des ambassades et des consulats, un autre pas décisif vient d’être allègrement franchi, le 17 juin. Ce jour, les membres du Conseil national de transition (CNT) ont adopté sur fond de désaccords avec le gouvernement la loi électorale, promulguée, le 24 juin, par le colonel Assimi Goïta, président de la transition, chef de l’État. Celle-ci a déblayé le terrain pour les autorités militaires de la transition à se présenter aux différentes échéances électorales prévues en 2024.L’article 155 de cette loi stipule que: «… Toutefois, pour les élections pendant la Transition, les membres des Forces Armées ou de Sécurité qui désirent êtres candidats aux fonctions de Président de la République, doivent démissionner ou demander leur mise à la retraite au moins quatre (4) mois avant la date de l’élection présidentielle marquant la fin de la Transition».

L’adoption de cette loi intervient après que la Charte révisée, intervenue après la prise du pouvoir par le colonel Assimi Goïta, le 24 mai 2021, a supprimé l’article de la Charte de 2020 qui interdisait aux autorités de la transition (militaires et civiles) d’être candidates à une élection.

Autre moyen pour accéder à la magistrature suprême sans coup férir, c’est le bicéphalisme de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), chargée de l’organisation et de la gestion des élections. Elle n’incarne pas un organe unique comme annoncé, mais un serpent à deux têtes, d’où la confusion.

Dans la mesure où l’administration (appui technique et organisationnel) et l’AIGE gèrent les élections. Le mécanisme institutionnel d’une victoire certaine aux élections est déjà en place. Cet intérêt des colonels pour Koulouba serait intervenu après que les candidats sur lesquels les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) espéreraient pour briguer la magistrature suprême et avec lesquels ils comptaient diriger le pays, seraient tous trempés dans des malversations financières. Les deux (02) retenus, après avoir passé plus d’une dizaine de femmes et d’hommes politiques, de la société civile et militaires à la retraite au scanner, se seraient enrichis sous l’ère IBK dans l’attribution frauduleuse des marchés à coup de milliards. L’un serait l’époux d’un haut gradé et l’autre, ressortissant du même village que l’un des auteurs du coup d’État contre IBK.

Dans cette marche hasardeuse vers le pouvoir suprême, les membres de l’ex-CNSP auraient bénéficié du soutien d’un certain nombre de partis politiques, dont deux ont déjà dirigé le Mali. Deux (02) monstres qui ont des accointances avec trois des cinq (05) colonels.

Selon plusieurs sources, la confiscation du pouvoir par le Front pour la libération nationale (FLN) en Algérie serait adoptée par les autorités militaires de la transition du Mali. Dans ce pays, la réalité du pouvoir se trouve concentré entre les mains des combattants de la guerre de libération et leurs enfants. Au Mali, nos militaires auraient opté pour cette succession à la manière FLN. L’un des colonels serait candidat à l’élection présidentielle prévue en 2024 et un autre aux législatives pour prendre la tête de l’Assemblée nationale. Les mêmes sources indiquent qu’il serait convenu d’un mandat de cinq ans pour chacun d’eux, le temps de recomposer la classe politique malienne.

Certes, tous les Maliens doivent se porter candidat aux élections à condition qu’ils remplissent les conditions définies par la loi. Mais nous ne souhaiterons pas que les colonels franchissent le Rubicon pour leur honneur et l’honneur du Mali. Ils font déjà partie de l’histoire et les actes qu’ils ont posés seront marqués d’une pierre et serviront d’exemples à d’autres.

S’ils acceptent de satisfaire les appétits gloutons et voraces des oiseaux de mauvais augures, l’histoire les citera dans le mauvais sens. Et une fois élu à la tête de l’État, le premier président d’entre eux sera une proie facile pour l’impérialisme français qui rôde toujours pour un retour revanchard.

Yoro Sow

Source : L’Inter de Bamako