Alors que la relation entre Rabat et Bamako reste tenue à l’influence algérienne et que les différents acteurs apprennent encore à cohabiter, le Premier ministre malien est arrivé ce jeudi au Maroc, pour une visite de deux jours, pour rencontrer son homologue marocain.

L’enjeu : le processus de paix au Nord-Mali.

Le Premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maiga, est arrivé au Maroc ce jeudi 8 mars pour une visite « d’amitié et de travail » de deux jours. Au menu, la signature de divers accords et une rencontre avec son homologue marocain Saadeddine El Othmani. « Ces accords vont porter sur le transport, la logistique, les infrastructures, l’aménagement hydro-agricole, la formation professionnelle et le développement durable », annonce l’agence officielle MAP. Le volet sécuritaire, la lutte contre le terrorisme, et le changement climatique seront également au centre des discussions entre les responsables marocains et maliens.

La visite, qui semble très balisée et qui reste discrète, joue pourtant a un rôle bien précis et important : réchauffer les relations entre Bamako et Rabat. Boubèye Maiga, nommé fin décembre dernier, avait réservé à Alger sa première visite en tant que chef du gouvernement. Le Mali, tenu de jongler entre Alger et Rabat, s’affère ainsi à un exercice parfois peu aisé.

Le Nord-Mali au centre des discussions

Il y a un an, à quelques jours près, Mohammed VI avait annulé à la dernière minute une visite à Bamako prévue pour le 22 février. En cause, les sympathies pro-algériennes de l’entourage du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). À Rabat, il se chuchotait alors qu’on attendait même que Bamako retire toute forme de reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD).

Aujourd’hui, Mossa Ag Attaher, porte-parole du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), réside toujours à temps partiel au Maroc. Selon nos informations, celui-ci a ainsi été invité à dîner avec des représentants marocains et maliens, signe que la question du Nord-Mali sera sur la table lors de cette visite.

Le Mali a longtemps été le terrain d’évolution des Algériens. Mais en septembre 2013, le Maroc est entré [dans ce dossier, ndlr] par la grande porte

Et c’est notamment au sujet du processus de paix que la concurrence maroco-algérienne est la plus rude sur le terrain malien. Ag Attaher rappelle : « Le Mali a longtemps été le terrain d’évolution des Algériens. Mais en septembre 2013, le Maroc est entré [dans ce dossier, ndlr] par la grande porte » avec l’intervention de Mohammed VI en personne.

 

En septembre de cette année, le monarque prenait en effet son avion pour assister à l’investiture d’IBK. Devant presque 60 000 citoyens maliens massés dans un stade, il annonçait la prise en charge de la formation de 500 imams maliens au Maroc dans les années à venir. Dans un pays traversé par une crise politique et sécuritaire liée à la question religieuse, l’effet d’annonce était assuré.

L’influence d’Alger toujours importante

En février 2014, le souverain chérifien foule une seconde fois le sol malien en quelques mois. La visite vient alors acter la présence marocaine dans la recherche d’une solution au conflit qui a éclaté en 2012. Rabat a en effet multiplié les gestes : en janvier 2014, Bilal Ag Acherif, le secrétaire général du MNLA, et Mossa Ag Attaher sont reçus par le roi.

« Rabat n’a pas tant proposé une médiation qu’indiquer une disponibilité. C’était subtil, poli. Le Maroc n’était pas encore très engagé et restait dans une approche assez douce », remarque Ag Attaher. « Mais Alger reste très influente au Mali », remarque Moussa Mara, ancien Premier ministre malien, qui se rend parfois au Maroc, comme en novembre 2017 à l’occasion du Forum MEDays, organisé par le think tank marocain Amadeus.

Même si c’est parfois compliqué, le Mali doit multiplier les partenaires et conserver de bonnes relations avec les deux capitales maghrébines

Et c’est bien à Alger qu’un accord de paix a été négocié par Koulouba, le palais malien, et les rebelles touaregs, finalement conclu entre mai et juin 2015. Moussa Mara est aujourd’hui maire de la quatrième commune de Bamako. Celle-là même où a été bâtie la clinique périnatale Mohammed VI, inaugurée par Mohamed Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi du Maroc en février 2017, remplaçant au pied levé le monarque.

Pour lui, « même si c’est parfois compliqué, le Mali doit multiplier les partenaires et conserver de bonnes relations avec les deux capitales maghrébines. Je me réjouis donc de la visite : il fallait oublier le petit froid qui a soufflé entre nous… ».

Jeune Afrique